i “a9 per e 2, TELE-SOLEIL, Vendredi 9 Septembre 1977 Miroir et catalysateur ... A l'occasion du vingt-cinquiéme anniversaire de la télévision de Radio-Canada, trois membres de la direction ont accordé une entrevue a Ici Radio-Canada. MM. Raymond David, vice-président et directeur général de la radiodiffusion francaise; Jean-Marie Dugas, directeur de la télévision francaise, et Marc Thibault, directeur de l'information, se sont entretenus avec Héléne Fecteau et Jean-Luc Paquette. A partir de la longue et riche expérience qu’ils ont acquise de la télévision, ils identi- fient les grands courants qui ont caractérisé son évolution marquéé par un souci constant de demeurer a |’écoute du milieu. Nul ne saurait contester |'in- fluence de la télévision sur son milieu. Au Québec depuis vingt- cing ans, la Société Radio-Cana- da compte parmi les facteurs les plus importants d’évolution de la société canadienne-fran- caise. Son apport dans le déve- loppement d'une _personnalité culturelle qui nous est propre est incontestable. C'est en par- tie aux initiatives multiples et nnrepetees de Radio-Canada que nous devons d’avoir aujourd'hui une vie artistique intense. Ra- dio-Canada a joué un réle de précurseur autant dans le do- maine culturel que dans celui de l'information, du music-hall et de la jeunesse. Témoin fidé- le, Radio-Canada est 4 l'origine d'une conscience qui nous a ai- dés & mieux nous connaitre et a mieux nous définir. Ce lieu pri- vilégié nous a également per- mis de nous relier au reste du monde, de communiquer avec lui, de constater nos _ similitu- des comme nos différences. «ll est sar, dit Raymond Da- vid, vice-président de Radio-Ca- nada et directeur de la radiodif- fusion francaise, qu’en Améri- que du Nord, la Société Radio- Canada — tant au réseau fran- cais qu'au réseau anglais — est unique en ce sens qu'elle es- saie de se maintenir dans la tra- dition des grands organismes européens, c’est-a-dire qu'elle accorde une trés large part au culturel». Selon lui, ce qui nous distin- gue, c’est que nous offrons une information de premiére qualité mais que nos efforts ne sont pas moindres dans des domai- nes comme celui des secteurs féminin, jeunesse et culturel. «Nous sommes la seule télévi- sion au monde, poursuit-il, a consacrer autant de temps a la jeunesse. Un effort de création est maintenu tant au niveau de la qualité qu’au niveau de la quantité de ces émissions. Nos émissions pour la jeunesse se vendent a travers le monde et de plus, elles ont servi d’exem- ples et d'inspiration 4 de nom- breux créateurs européens.» Relater vingt-cinq ans de tra- vail et de création, essayer de cerner les points tournants d’u- ne évolution qui s'est faite par une lente progression n'est pas une tache facile. Raconter I'his- tore de ces vingt-cing ans, c’est un peu raconter notre propre histoire. -* » eS Peewoe ll faut se rappeler le climat des années cinquante pour ima- giner ce que pouvait étre la té- lévision dans son contenu a cette époque. On songe d’abord aux téléromans, car tout le monde sait que ce sont les émissions les plus populaires. Selon Raymond David, le télé- roman a certainement aidé a Videntification et au développe- ment de la personnalité cana- dienne-francaise. Les gens se sont tout 4 coup reconnus dans ce nouveau moyen d'expression qui était Je leur. C’était alors les débuts de la télévision et pour les artisans, comme pour les artistes et les téléspectateurs, il s'agissait de se familiariser avec un nouveau médium. Durant cette période d'initiation, l'accent a été mis sur le divertissement. Tout le monde apprenait, les techniciens com- me les annonceurs et les jour- nalistes. Toutes les émissions _-se faisaient en direct et |'infor- mation était loin d’étre ce qu’el- le est aujourd'hui. On peut dire que durant les années cinquan- te, nos émissions étaient re- liées au passé et aux anciennes valeurs. Des séries comme /es Plouffe, le Survenant et Cap- aux-Sorciers nous. rattachaient directement au passé et conso- lidaient nos assises. Elles reflé- taient une réalité que nous con- naissions car nous en étions is- sus. La compétition est arrivée a- vec les années soixante et avec elle une premiére stratégie de programmation s'est amorcée. Les années soixante coincident avec de nombreux changements dans le monde comme au Qué- bec. En 1960, nous avons un nouveau pape, Jean XXIII; c'est la victoire de John Kennedy, aux ~ USA, de Jean Drapeau 4 Mont- réal et de Jean Lesage 4 Qué- bec. Duplessis est mort, un nou- veau régime commence. C’est durant cette période que le Qué- bec prend conscience de son identité, que les jeunes mani- festent, et que sort le rapport Parent. Tout le Québec a la fié- vre du changement. C'est la ré- volution tranquille. Pour la So- ciété Radio-Canada, cette pé- riode intense de travail et de re- cherches est d’une grande impor- tance car c'est 4 ce moment-la qu'elle afifrme une personnalité de plus en plus précise et -»» qu'elle .s'impose par sa qualité. - A Radio-Canada, on commence a faire des programmations de plus en plus sérieuses, on com- mence a vraiment penser télé- vision et on entreprend la réalisation de .grands projets. Loin de se regarder au passé, on a commencé 8 se regarder au présent. Ce n'est pas tou- jours gai et certains ne man- quent pas de reprocher a Ra- _dio-Canada un ton trop sévére. Une série pourtant bien faite devient difficile 4 digérer lors- que on y présente une trop grande quantité de problémes. Ces années nous font voir énor- mément de romans noirs. On dénonce, on parle enfin de nos problémes et ils sont nombreux. Nous avons appris a nous ex- primer mais nous ne savons pas encore le faire joyeusement. La direction de Radio-Canada s'est rendu compte qu'il fallait allé- ger les contenus et elle ne tar- de pas a le faire. C'est ainsi que naitra la série Moi et /’au- tre. On aura aussi Premier plan, le Sel de la semaine et en in- formation, |'’émission Aujour- d’hui. Avec les moyens techni- ques qui évoluent rapidement, on commence aussi a voyager et a regarder ce qui se passe ailleurs. Nos reporters se ren- dent un peu partout dans le monde pour témoigner de ce qui s'y passe. Vers la maturité Pour Raymond David, les an- nées soixante-dix reflétent une maturation. Non seulement nous sommes mieux équipés sur le plan. technique mais nos tech- niciens sont devenus de vérita- bles virtuoses et nos ressour- ces humaines ont acquis un savoir-faire et une stabilité en- viables. Nos moyens financiers et autres se sont accrus consi- dérablement et l'expérience ac- quise nous rend capables d’uti- liser la technique !a plus avan- cée de maniére intelligente. «On fait une télévision plus mare au plan formel et plus riche en contenus», déclare Jean-Marie Dugas, directeur de la télévi- sion francaise. Quel que soit le secteur que l'on choisisse, |’évolution est évidente. Le Service des émis- sions féminines, par exemple, est loin d’étre l'ancien maga- zine. qui parle de recettes et de mode. On y fait maintenant tous les jours d'importants reporta- ~-ges, on-s'y tient a la fine .poin- te de l'information et on y . aborde tous les sujets. Les ana- lyses trés poussées aussi bien que les comptes rendus des derniéres créations littéraires et artistiques, les problémes so- — ciaux ou les nouvelles lois, tout y est présenté. «Nos ma- gazines sont maintenant des magazines de poids. Avant, on suivait l'appétit du monde; main- tenant, on le précéde», affirme Jean-Marie Dugas. L’évolution qui s'est faite est perceptible dans tous les domaines. La re- cherche et la documentation, par exemple, sont des secteurs qui se sont beaucoup amélio- rés. D’autre part, avec |’évolution des moyens techniques, on réa- lise que |’événement a couvrir fait partie du réle essentiel de la télévision. On n’a qu’a se rappeler n'importe quel événe- ment sportif d'importance pour le comprendre. Qu’il s’agisse de joutes de hockey, de parties de tennis, de baseball ou de tout autre sport, la télévision y ex- celle. En ce sens, Radio-Canada a présenté des émissions d’en- vergure comme les Jeux Olym- piques. : D’autres événements sont propices a exploiter toutes les possibilités de la télévision mo- derne et Ja, on pense aux con- grés a la chefferie, a Expo 67, aux couronnements, etc. L’information: du «radiojournal télévisé» au grand magazine Mais pour en arriver a ce genre de performance et d’effi- cacité, il a fallu que la direction fasse de multiples efforts et dé- finisse des objectifs bien pré- cis. Ces efforts ont été faits, par exemple, au niveau du Ser- vice de l'information qui, se- lon M. David, est arrivé en re- tard a la télévision. Selon l'ex- pression de Marc Thibault, qui est directeur de l'information, on faisait au début un «radio- journal télévisé». Un effort con- sidérable et soutenu a donc fait de ce service un secteur de réalisations exceptionnelles. Car loin de se limiter a la diffusion des nouvelles quotidiennes, ce service parvient a nous faire part de son prolongement dans le reportage et l’analyse’ des événements. On se_ souvient tous de |’émission Aujourd’hui quia été le premier magazine d'importance a véhiculer la nou- velle -sur plusieurs niveaux. Nous connaissons maintenant I'émission Ce soir qui fait la méme chose mais de fagon ins- tantanée, plus rapide et moder- ne. On n’apprend pas seulement les faits nouveaux de la journée mais les détails de ces faits et les témoignages divers qui peu- vent s'y relier. Pendant bien des années, déclare Marc Thi- bault, on croyait ne jamais pou- voir arriver au méme_ degré d'instantanéité que la_ radio. Mais depuis l’avéenement de la magnétoscopie, tout a changé. Le journaliste travaille aujour- d'hui avec sa caméra sur |'é- paule.-C’est de l’actualité quasi instantanée. L’évolution de 1'in- formation vient 4 la fois des moyens techniques accrus et des émissions de vulgarisation que sont les grands magazines. C’est avec |'émission Premier plan que |'on a ouvert nos ho- rizons et que l'on a vraiment couvert I’événement internatio- nal. C’était la premiére fois qu'on se rendait sur place. Vint ensuite /e Sel de la semaine ot - l'on a fait venir des invités de tous les coins du monde. L'évo- _ lution qui s’est faite a |'inté- rieur -du -Service- de - l’informa- tion est considérable. M. Thi- bault précise a quel point la direction a investi pour offrir un service vraiment complet. Avec les voyages et l’ouverture sur le monde, Radio-Canada a commencé a envoyer des cor- respondants un peu partout. Ici, on a de plus en plus fait appel a des journalistes reporters. Tout cela a été voulu par la direction pour accéder a une in- formation de premiére qualité. Durant des années, des objec- tifs ont été fixés afin d’en arri- ver a une information directe qui soit véritablement le reflet de |’événement dans le monde et au Québec. Optant pour une tormule d’in- formation globale, on a créé aussi un magazine comme /e 60, dans lequel on étudie les cau- ses des conflits et ot on ana- lyse les événements. C'est vers cette information globale que se sont dirigés les efforts et qu'ils continuent de |'étre. II importe en effet non seulement de donner les nouvelles aussi rapidement que possible mais de donner suffisamment d’'infor- mations en ce qui les touche pour que le public puisse juger par lui-méme. Peu de gens sa- vent que Radio-Canada est la seule’ télévision nationale au monde a consacrer plus de 30% de sa grille a l'information. Pour ce qui est des services, Radio-Canada n/a pas |'intention de modifier quoi que ce soit en ce qui concerne leur existence. Selon la direction, il s’agit plu- t6t d'une évolution interne. M. David affirme: «Moi, pression qu’au fur et qu'il y a des développements sociaux nouveaux, ces derniers sont reflétés a l'intérieur des services existants». On souligne alors la flexibilité de la direction comme celle des responsables des différents sec- teurs. On constate que cette souplesse a souvent fait la pla- ce a de grands changements a l'intérieur des structures exis- tantes. Le Service des émis- sions rurales, par exemple, est devenu le Service de |’agricultu- _ re, des ressources naturelles et de l'environnement. Selon M. Dugas, les services s'‘apprivoi- sent et les régles concernant les sujets pouvant 6tre traités _ par un service en particulier sont loin d’étre rigides. M. Da- vid, pour sa part, souligne que les commodités administratives favorisent cette souplesse. Si Radio-Canada ne dispose pas d'un Service des émissions culturelles et éducatives, c'est qu'il y a une raison. Les deux domaines se retrouvent a I'inté- rieur de nombreux services. On a pensé qu'il était plus avanta- geux d'intégrer le culturel plu- t6t que d’en faire un service a part. Dans ce domaine, il con- vient de souligner la participa- tion tout a fait remarquable de Radio-Canada. Et comme le dit Jean-Marie Dugas, si on a ac- tuellement autant de troupes de théatre au Québec, c'est parce que les gens ont vu beaucoup de théatre a la télévision. Hl en est de méme pour le ballet et pour tous les arts du spectacle ~ en général. Quant a l'éducation, elle ne peut plus 6étre pré- sentée de la méme fagon qu’au début de la télévision ot de nombreuses émissions a- vaient une vocation éducative formelle. Aujourd’hui, on pense mieux répondre aux besoins des gens en leur offrant des émis- sions divertissantes qui contien- nent des éléments éducatifs. “(Surtera lap :d) a