page 4 L’APPEL Mars 1967 Renvoyez la balle! Il arrive qu’a Québec, et méme ailleurs, certains Francais venus au Canada en viennent a rire, voir méme se moquer durement, de ce quwils appellent “l’accent” canadien. Nous passerons par-dessus le mauvais es- prit qui s’en dégage et nous attarderons plutét sur ce qui peut étre répondu a ceux qui se permettent de fouler la terre canadienne et d’y faire résonner leurs invectives ou simples moqueries. Il y a d’abord de quoi se demander ce que ces Frangais mal éduqués sont venus fai- re au Canada. Ils auraient mieux fait de rester dans leur propre pays plutét que d’aller dé- ranger ceux qui, en toute autre occasion, leur auraient offert un accueil chaleureux comme eux-seuls, Canadiens francais et anglais, sa- vent en réserver aux étrangers. Bien entendu, et cest fort heureux, certains conservent une tenue correcte et, ainsi, sauvent ’honneur d’un pays dont le prestige, hier quelque peu abaissé, semble reprendre vigueur. A ces quelques Franeais, done, qui s’irritent du langage en usage au Canada, plusieurs cho- ses peuvent étre dites. D’abord, ils semblent i- enorer l’histoire du Canada. Le Canada fut ex- ploré, comme chacun sait, et cette exploration mit en présence deux principaux et premiers adversaires: l’Angleterre et la France. Cette derniére, malgré des débuts encourageants, de- vait par la suite perdre la bataille et se ranger parmi les vaincus. Bien que conservant encore quelques droits 4 St-Pierre et Miquelon en particulier. I] est vrai que la France était alors engagée dans d’autres guerres 4 l’extérieur et que son armée en était fort affaiblie. A Québec, soixante mille Canadiens fran- cais restaient. Leur nombre empécha, dans les débuts, le nouveau gouvernement de les angli- ciser de langue, de coutumes, de religion, et EDITORIAL... (suite de page 3) des peuples de la terre dans un grandiose mar- ché aux puces. Le Canadien, ayant charge du rideau, verra, des coulisses, déambuler les ac- teurs de toutes les scénes du monde. Les di- mensions de son propre jeu en tireront profit. Au lieu d’étre le provincial quw’il est encore: préoccupé de son identité, inquiet de Videntité de Vautre, jaloux de son domaine et plus sou- cieux de le protéger que de l’enrichir, il se si- tuera peut-étre dans la perspective de l’homme universel qui voit grand; l’opposé de celui qui veut réduire le monde 4 la petitesse de ses pré- jugés. Le public, lui, qui viendra de partout, fera le tour de la planéte sur une ile du Saint-Lau- rent. Impressionné par la variété du géni inven- tif de l’homme, par l’unité de son esprit quand il recherche la beauté, peut-étre s’écriera-t-il spontanément, comme Paul VI devant les Na- tions Unies: “. .. plus jamais de guerre! Roméo Paquette e’est ainsi que naquit la nation canadienne- francaise d’aujourd’hui. Soixante mille Ames qui luttérent contre Anglais et qui, par la fermeté de leur foi et le degré de leur courage maintinrent le francais au Canada. Cette lutte dura jusqu’a nos jours, heureusement aidée par les familles nombreuses qui permirent A l’élé- ment francais de se multiplier rapidement. Quant a la langue, elle était donc, a Vori- gine, la méme qu’en France, puisque ces Cana- diens n’étaient autres que des Frangais émigrés au Canada. Mais ils parlaient le langage alors en usage, c’est-d-dire ce que nous appelons en France, le “vieux” francais. Les Canadiens, a- prés 1763, ne recurent plus de renforts d’élé- ments frangais; comme il se doit, puisque, la guerre perdue, la France n’avait plus aucun intérét au Canada, 4 part St-Pierre et Miquelon qui lui avaient été laissées par le traité de Paris. Séparés de leur pays d’origine, les Canadiens frangais laissérent évoluer leur langue comme dans tout pays. Certains mots nouveaux ap- parurent, d’autres disparurent, d’autres prirent peu 4 peu une signification différente, et enfin une autre partie souffrit de l’influence anglai- se. I] est tout-a-fait normal qu’il en fut ainsi. Or, 4 Marseille, en France, le langage est sou- vent incompréhensible, et pourtant personne ne songe 4 en vouloir aux habitants du port mé- diterranéen ... Et puis, qui n’a pas d’accent? Tout le mon- de en a un. Et, qui parle le “vrai” Francais? Personne ... méme pas 4 Paris ow I’accent est trés net, malgré les protestations évidentes des Parisiens ... _ Done, pour conclusion, qui sont ces Cana- diens frangais? Ce sont des Frangais. Des Fran- gais venus au Canada pour les besoins de leur pays, qui y ont souffert moralement et physi- quement, et 4 qui, enfin, nous devons la présen- ce de la langue la plus belle au monde dans un pays ot |’Anglais est pourtant maitre. Ils ont combattu pour notre pays, et nous, Fran- cais de France, nous n’avons plus qu’a nous incliner et rendre hommage & ceux qui versé- rent leur sang et leurs larmes pour la cause de la patrie, méme si les résultats furent mini- mes. Et nous leur disons avant tout merci. Jacques Genét. LE FRANCAIS a LA TELEVISION ATTENTION —— ATTENTION Syntonisez votre canal 2 tous les diman- ches & midi pour une demie-heure de franche gaieté en compagnie de Domini- que Michel et Denyse Filiatrault, dans “Moi et les Autres”. Pour les plus roma- nesques suit “Le bonheur des autres.” Avec les célébrations du centenaire sur- veillez votre horaire des programmes té- lévisés, car parfois il sont présentés plus t6t ou plus tard. Merci.