Le Moustique Volume3 - L’>homme qui flottait, (su/te ...) Gagnon. En cachette, une semaine entiére, jai découvert une a une les mille facettes de mon nouvel état. Je flottais sans peine, je ne volais pas au sens strict du terme, mais je pouvais sans difficulté me déplacer dans I’air, changer d’altitude. A la différence des oiseaux, je ne devais pas battre des bras pour tenir dans Pair, mais par certains mouvements du corps, presque imperceptibles, je pouvais évoluer ala maniére d’un ballon dirigeable. Ce n’était presque pas physique ; c’était doux, souple et, disons-le, voluptueux. Je serais resté isolé du monde le reste de mon temps si je ne m’étais pas enfin rendu compte qu’il n’y avait plus de réserves dans le réfrigérateur. II fallait que je continue de vivre, que je retourne au travail d’ou j'avais disparu sans laisser de message, que je retrouve mes amis et, surtout, que je rejoigne mon amie qui devait étre folle d’inquiétude. Retourner dans le monde normal duquel j’allais paraitre étranger a présent. Lattitude la plus prudente consis- terait sans aucun doute a garder toute cette aventure secréte, comme je l’avais fait déja, avant, de mes réves. Mon jardin secret allait s’agrandir considérablement et ce n’est pas sans une certaine inquiétude que j allais devoir aborder également l’analyse rationnelle de mon état. Que m’arrivait-il en fait ? Comment expliquer cela dans un contexte scientifique ? Ma vie ne serait plus aussi simple qu’elle l’'avait été. il était indéniable a présent que je souffrais d’un mal, ou d’un bien, mystérieux. Mais comment la chose était-elle possible ? Malgré mon poids — et sans étre particu- liérement lourd, je n’en étais pas moins pesant — malgré ce poids donc, jenfreignais les lois de la gravité. Je ne volais pas, je n’avais aucun moteur naturel et aprés m’étre pour l’éniéme fois pesé, il était évident que je ne souffrais d’aucune anomalie de la densité. Etait-ce purement mental ? Comme ces grands mystiques orientaux. avais-ie cette faculté 11°" édition Novembre 2000 de me soulever par lévitation sans devoir passer par toute cette préparation spirituelle, ces années d’ascése, ces méditations sans fin ? Mais comment ? Et pourquoi ? J’avais tres nettement le sentiment, d'une part que je n’allais jamais pouvoir apporter de réponse a ces questions, d’autre part qu’il valait mieux garder cette spécificité a l’abri des curieux si je voulais continuer de vivre sans trop de problémes. Je n’en parlai donc a personne, ni méme 4 mon amie, tout en continuant de voleter de-ci, de-la, chaque fois que les circonstances me le permettaient. Je ne parvins toutefois pas a paraitre naturel avec mon amie qui, aprés une peur terrible, se demandait comment j'avais pu resurgir du néant sans trace aucune de ce soi-disant malaise qui l’avait tenue écartée de moi si longtemps. D’ailleurs, toutes mes tentatives d’explication médicale, pour définir cette indisposition, n’avaient convaincu personne et certainement pas elle. Une certaine géne en résultait que je ne parvenais pas a effacer. J’en étais terriblement désolé car je lui étais trés attaché. Et pour compliquer encore nos relations, je venais de rencontrer Alia. Une jeune femme pour laquelle je ressentais une étrange attirance. Attirance qui semblait réciproque car je la croisais de plus en plus souvent sur mon chemin. Ces coincidences, un peu trop nombreuses, m’avaient méme donné l’opportunité, a un certain moment, de me trouver presque contre elle et j'avais alors ressenti comme une décharge dans tout le corps ; elle avait une peau d’une douceur inimaginable et une odeur naturelle, trés inhabituelle qui m’avait bouleversé. Cette femme était différente et cette difference perturbait 4 chaque fois tous mes sens. Assez curieusement, mes nuits, dés notre premiére rencontre, étaient a nouveau peuplées de ces réves dans lesquels je me sentais flotter. Suite page 10 Page 9