5 °F (hE EE eR EE Oi Ae x? Folklore Canadien par Roger Dutrone L’année du Centenaire, en 1968, les artistes et arti- sans canadiens ont tenu 4 coeur d’enrichir notre pa- trimoine culturel. Le livre que je feuillette aujourd’hui en témoigne. Cet album 4 couverture de toile beige a pour titre ‘‘Le violon ma- gique et autres légendes du Canada Frangais’’. Il réu- nit quelques contes du ter- roir renouvelés par Claude Aubry et illustrés par Saul Field. La typographie, d’une facture originale, est due a Carl Dair. Les illustra- tions sont remarquables, avec leurs contrastes de couleurs et leurs symboles. Pour les goater pleinement, il faut lire l’histoire, puis la réver en se penchant sur image qui l’illustre. La main de Saul Field est con- duite par un vigoureux gé- nie. Elle ne se perd pas, comme celle des sans-ta- lents, dans le fignolage. Les hommes et les animaux de ses avant-plans se déta- chent sur un fond tour 4 tour moucheté et linéaire ou s’empiége la réverie. Les legendes choisies par Claude Aubry tournent au- tour de deux thémes of el- les brodent diverses varia- tions. D’abord, le théme de l’au-dela temporel, c’est-a- dire, pour les gens d’autre- fois, le paradis et l’enfer. Puis l’au-dela géographique, tantdt l’inconnu des grands bois, tantdt celui de la France lointaine, dont le re- gret, transmis de pére en fils, vivait dans le souvenir : l’image, pour se divertir des bourrasques et des broussailles, d’un pays doux, A \ ~: GER RY au ciel fin. Cette vision passe en sourdine et hante de sa nostalgie l’histoire de Blan- che de Beaumont et de Ray- mond de Nérac. Blanche, qui habitait un chateau de la Nor- mandie, aima ce gentilhom- me. Celui-ci dut partir pour la Nouvelle-France. La belle s’embarqua pour aller le rejoindre. Mais elle fut prise en route par des pirates. De désespoir, elle se jeta 4 la mer. Depuis lors, les ma- rins qui passent dans les brumes de l’aube voient sa robe blanche flotter, comme un vol de mouettes, A la pointe de Gaspé. Quant au diable des légen- des du Canada Frangais, il passe son temps 4 convoin- passe son temps’ 4 convoi- ter les jolies filles' et a tenter de les ravir. Un soir de Mardi Gras, il heurte A une porte. On ouvre 4 ce fringant cavalier, paré d’un habit noir et au sourire écla- tant. Aux airs du violoneux, il séduit la fille de 1’hdte et ’emméne avec la foule des danseurs dans les sa- rabandes de la nuit. Mal- -heur au pére qui ouvre sa maison 4 l’inconnu ! II ne reverra sa fille que si Mon- sieur le Curé iritervient. Claude Aubry a du style et fait miroiter de belles images. Mais pour adapter ces récits au ‘public d’au- jourd’hui, il croit bon d’user de néologismes de vocabu- laire et de faire de l’es- prit. Ailleurs, et principa- _lement dans les dialogues, il conserve l’archaisme de style et d’idée. De 14 un man- que, en certains contes, d’harmonie. Dans les meilleures adap- tations, son talent de narra- teur spirituel nous amuse. Pour amener ces légendes au diapason de notre 4ge commente avec ironie. Cette! ironie de bon aloi s’ajoute 4 une ironie plus naive, celle de loriginal, et cela com- pose de savoureux récits. C’est une ironie qui raille} les femmes, les curés, tout le monde et soi-méme, et cela sans méchanceté. sceptique, Claude Aubry we La meilleure adaptation du volume m/’apparaft étre la Chasse galerie. Les Fran- cgais du Moyen Age s’ef- frayaient de ces chasses fan- tomes, of l’on voit le dia- ble emporter 4 sons de trompe dans les airs les chasseurs pris de panique. Au Canada, pays de rapides et de lacs, les chasseurs se sont mués en pagayeurs et ils dupent le malin. Pour évoquer la Chasse galerie, Claude Aubry préte la pa- role Aun cuisinier des camps de bfcherons. Ce qui est prétexte 4 une langue co- lorée, patoisanté et saine, la langue méme du Canada Francais des lacs et des bois. Claude Aubry, soit dit sans arriére-pensée, y ap-] paraft plus 4 l’aise que dans} le style intellectuel qui en- tache d’autres récits. Dom- mage qu’il n’ait pas conté davantage dans ce registre. Sans doute ne convient-il pas d’abuser d’expressions dialectales. Mais il y a un art d’écrire en frangais en gardant la note du terroir. La Fontaine le fit dans ses Fables, Perrault dans ses Contes ; et plus prés de nous} Gaston Chérau dans ses ro- mans. Un Claude Aubry y excelle en ses meilleures pages. Relatively — Speaking _ par L.Kardos La traduction de ‘‘Relati- vely speaking’’ est ‘‘Tout est _relatit’?|;-et;