« Entendre le vent de chez-nous se lever, et souffler partout, dans toutes les directions. » Je me souviens comme si c’était @’hier, le jour ot, pour la premiere fois, j’ai rencon- tré Alain Chartrand, dans les bureaux de l’organisme Rideau, boulevard St-Joseph, a Montréal. C’était une froide journée de février, en 1995, alors que les vitrines d’artistes organisées par Rideau pour les diffuseurs des arts de la scéne alternaient annuellement, entre Québec et Montréal. Je ne savais pas qui était Alain Chartrand a I’époque, ni clairement quel était l’objectif de cette rencontre. Il y avait des gens d’un peu partout a travers le pays, qui faisaient la méme chose que nous, le Centre culturel francophone de Vancouver. Organiser des événements artistiques dans leur milieu, avec des artistes de leurs communautés respectives, avec peu de moyens, et des infrastructures fragiles. Alain Chartrand nous parla alors d’un festival que lui et une équipe de combattants pour la chanson francophone avaient créé, 4 Hochelaga-Maisonneuve, le quartier le plus dé- favorisé de la ville de Montréal, un milieu négligé par la plupart des grands événements culturels de la métropole québécoise. Eux aussi : peu d’argent, peu de moyens, beau- coup d’obstacles. Mais, depuis 1987, ils avaient su garder le cap, et ils commencaient a en vorr les résultats. Alain Chartrand résuma cette aventure avec une phrase toute simple : « I] avait fallu inventer le vent la ou il ne soufflait pas ». Nous, diffuseurs fran- cophones des arts de la scéne hors-Québec, on pouvait se reconnaitre la-dedans. Aussi, j’entendis pour la premiere fois le nom de ce festival : « Coup de coeur francophone »». C tait clair, le succes avait dépendu pour eux, et allait dépendre pour nous, du labeur, des énergies et des réves que nous pompe le coeur pour changer les choses, lentement mais sGrement, autour de nous. Quelques mois plus tard, 4 Ottawa, cette fois-ci dans le contexte du Contact Ontarois, les mémes personnages et quelques nouveaux se retrouvérent une nouvelle fois, dans une salle d’hotel, et se promirent d’unir leurs efforts pour créer cette autoroute de la chanson francophone canadienne. Les discussions furent un peu longues, mais moi, j’etais déja emporté par le réve. Je me souviens d’avoir dit et répété oui a plusieurs reprises, a cette demande en mariage venue du Québec, d’un endroit d’ot onnel’attend pas toujours, pour convaincre quelques collégues récalcitrants, hésitants me semblait-il enraison de la peur d’étre de nouveau dégus, eux seuls pourraient dire pourquoi. Pour Vancouver, j’étais convaincu qu’il n’y avait rien a perdre. II n’y a pas eu de vote. Cer- tains sont sortis, ont parlé avec qui de droit, sont revenus dans la salle, et cette alliance fut consacrée et bénie. Coup de cceur francophone allait devenir une réalité immediate, 4 l’automne suivant, tradition oblige, en novembre, de |’ Atlantique au Pacifique. Pour Vancouver, notre province, nos artistes en chanson, j’y voyais déja un tremplin nécessaire pour compléter le Festival d’été que nous organisions déja en juin, mais qui ne pouvait suffire a lui seul pour créer ici, dans la troisiéme plus grande ville du pays, une scéne artistique en langue frangaise avec le souffle requis pour que les choses tour- nent toute une année durant, se maintiennent et se développent avec le temps. Avec un événement majeur en été, et l’autre a l’automne, c’est comme si on s’était doté des deux aimants, des deux péles d’attraction pour que passe le courant, avec des électro- chocs qui allaient stimuler nos artistes 4 vouloir produire plus encore, et leur donner la chance de mieux se faire connaitre dans ma ville, et dans celles de mes collégues de ce nous avons vite sumommieé « le réseau Coup de coeur ». Lengagement de produire un minimum de trois événements avec des artistes d’au moins trois provinces canadiennes pour porter le label « Coup de coeur francophone » fit, par consensus, choisi pour scel- ler ce contrat de mariage. Année aprés année, rencontres aprés rencontres, les projets se sont multipliés, des vraies toumées, comme on en révait, rendues possibles par les économies d’échelle. Pour nos artistes, ce fut d’abord des premiéres parties d’ artistes « vedettes », puis la premiére chance de faire un show « solo », puis, occasion de lancer un premier, puis un deux- iéme, et toute une géniture d’albums de chansons francophones « made in Vancou- ver »». Et puis, comme dans toute famille, les enfants ont grandi, ils se sont mis 4 nous émerveiller avec leur talent, et 4 reconnaitre les traits de leurs identités propres, avec toute la maturité qui commande la fierté et le respect 4 leur égard. Aussi, nous leur avons commandé des spectacles de plus en plus audacieux. Ainsi, dix-sept ans plus