Le Moustique Monologue _. suite Mais il faut que je vous conte cette autre occasion ou il a été prouvé que I'héroisme ne paye pas. Cette fois la, nous nous étions retrouvés, quatre garcons de douze 4a treize ans, a ne pas trop savoir dans quelle aventure se lancer. Il y avait Jean-Luc, le fils d'un aumOnier protestant, grand, efflanqué et plutét réservé, Michel, je crois, qui, tout a l'opposé de Jean-Luc, était petit, jovial et boute-en-train. Je ne sais plus qui était le troisiéme, je n'ai plus son visage en mémoire et ne me souviens plus de son nom. Il se peut qu'il ait été ce professeur d'anthropologie que j'ai reconnu beaucoup plus tard dans une université européenne. Et si c'est bien lui, il donnait impression d'étre toujours attiré par toutes sortes d'aventures. Comme il avait été entendu que nous n'allions pas nous laisser aller a un quelconque désceuvrement, nous réfléchissions bien fort 4 quel tour pendable nous allions nous atteler quand Jean-Luc, le plus raisonnable de tous, se frappa le front. C'est une chose qu'il ne faisait pas souvent, mais quand cela se passait, nous pouvions nous attendre a la plus fantastique des trouvailles. La plus alléchante des propositions, assurément. - Pourquoi n'irions-nous pas a Brazzaville ? dit-il rayonnant. Sans bien comprendre tout ce que cela signifiait, d'emblée nous l'acclamames. Volume 3 - > edition Mai 2UUU - Oui, mais ! La traversée du fleuve ne pourra pas se faire si nous n'avons pas d'argent, lui dis-je. Je ne sais méme pas combien ils demandent pour monter sur la vedette. Et s'il y avait bien une chose que je n'avais jamais eue jusqu'alors c’était de la monnaie sur moi. J'avais bien quelques billets de vingt francs congolais, mais c'était pour la collection. Ils ne quittaient jamais la boite a cigares ou je les avais rangés avec soin. Ils me plaisaient ; j'avais eu le coup de foudre parce que j'aimais les images et que celle-la était jolie - une immense pirogue dans le cours d'une riviére avec un alignement d'innombrables pagayeurs debout - et de surcroit, comme pour me plaire d'avantage, on avait mis, je ne sais pour quelle raison, ces billets en circulation avec des couleurs différentes. J'en avais déja un vert, un bleu, méme-un orange et je ne désespérais pas en trouver avec d'autres nuances. Je n'aurais certainement jamais échangé cet argent. De toute maniére, nous n'en avions pas le besoin. Il y avait l'école et les devoirs, les promenades avec les parents, en fin de semaine, et le film (le plus souvent, c’était Zorro !), le rituel de quatre heures les dimanches aprés-midi, au cinéma Rac. Pour le reste, c'étaient les jeux avec les copains qui ne coutaient que l'énergie énorme qu'on y mettait ou, quand on se trouvait seuls, ce qui était le plus fréquent, ce passe- temps excitant et toujours surprenant qui consistait 4 essayer de se perdre dans la forét. ita