6 Le Soleil de Colombie, Vendredi 28 Octobre 1977 Un choix national SECTION 11 Chapitre 6 Les langues officielles et les programmes fédéraux Au cours des annés, les différents gouvernements du Canada ont pris’ de nombreuses_ décisions qui ont eu pour effet de recon- naftre les langues francaise et anglaise et les commu- nautés francophone et an- glophone du Canada. Cepen- dant, aprés la publication des conclusions de la Com- mission royale d’enquéte sur le bilinguisme et le bicul- turalisme, le gouvernement a pris acte d'une double nécessité: a) garantir con- crétement et systématique- ment aux langues francaise et anglaise |’égalité de statut dans les institutions fédé- rales du Canada; b) offrir a ceux qui parlent ces lan- gues la méme possibilité de prendre part 4 l’activité des institutions cammunes ou fédérales de notre pays . ainsi, les premiers _linéa- ments de cette politique sont donnés dans la décla- ration du Premier ministre Pearson faite 4 la Chambre des communes en 1966. Celui-ci y parlait de la né- cessité d’en arriver 4 une fonction publique fédérale qui serait l’expression du Caractére et du patrimoine des Canadiens tant franco- phones qu’anglophones. La Loi sur les langues of- ficielles a été adoptée en 1969 par le Parlement, avec Vappui de tous les partis. Son but était que le Parle- ment et les institutions du gouvernement traduisent la dualité du Canada. Ce but est défini clairement a I’ar- ticle 2 de la Loi: L'anglais et le francais sont les langues officiel- les du Canada pour tout ce qui reléve du Parle- ment et du gouvernement du Canada; elles ont un statut, des droits et des priviléges égaux quant a leur emploi dans toutes les institutions du Parle- ment et du gouverne- nement du Canada. La Loi poursuit en pré- cisant les conséquences pratiques de cette décla- ration d’intention. La premiére est que, au Canada, les _ particuliers soient, dans la mesure du possible, servis par les institutions fédérales du pays dans la langue offi- cielle de leur choix. A cette fin, la Loi demande: - que tout document destiné au public, prove- nant d’une quelconque institution fédérale (Par- lement, ministére fédé- ral, organisme _ fédéral, société de la Couronne, tribunal, organisme quasi- judiciaire ou administratif de commissaire aux créé en vertu d’une loi du Parlement), soit publié dans les deux langues of- ficielles; - que toute institution fédérale mette les servi- ces existants a la dispo- sition du public, et com- munique avec lui dans les deux langues, d’une part dans la région de la capi- tale nationale, 4 son bu- reau central et, d’autre part, dans ses principaux bureaux des districts bi- lingues fédéraux, ainsi que dans tout autre endroit ou la chose est possible et si la demande est suf- fisante; - que toute institution fédérale fournisse aux voyageurs des_ services dans les deux langues, sauf si la demande en _ est inexistante ou irréguliére; - que les tribunaux fé- ‘déraux et les organismes | quasi-judiciaires permet- tent a tout témoin d’é- tre entendu dans la lan- gue officielle de choix. La Loi prévoit également la création de districts bilingues fédéraux afin que, entre autres, on puis- se déterminer les endroits ou. les services fédéraux © doivent étre fournis dans les deux langues En fait, actuellement, le gouver- nement offre ses services dans les deux langues officielles dans presque toutes les régions du pays qui ont recu la désigna- tion de districts bilingues. Enfin, pour que |’esprit et I'intention du {égisla- teur soient scrupuleuse- ment respectés, la Loi Porte création d’un poste lan- gues officielles pour le Canada. {1 incombe au commissaire de faire reconnaitre le statut de chacune des langues of- ficielles et de faire respec- ter l’esprit. de la loi et intention du législateur. ll a le pouvoir de procé- der a des _ instructions en privé et de faire rap- port, en premiére _ins- tance, au greffier du Con- seil privé et au sous-mi- nistre concerné et, en dernier ressort, au Par- lement, lorsque le statut d'une langue officielle n’a pas été ou n’est pas reconnu ou que l’esprit de la loi et l’intention du législateur n’ont pas été Ou ne sont pas respectés. En juin 1973, avec |’ac- cord de tous les partis, le Parlement a adopté une résolution précisant les modalités d’application son de la politique des Jan- gues officielles dans la fonction publique fédé- rale. Mais il ne convient pas de traiter ici des pro- grammes du gouvernement en. ce domaine, car ce document est consacré a "exposé d’une politique linguistique nationale. Le gouvernement tient cepen- dant a signaler sa ferme intention de poursuivre ses efforts afin que la fonction publique fédé- rale puisse mieux servir la population canadienne dans les deux langues of- ficielles, que l’usage du francais au travail s‘ac- Croisse et que Il’équité régle la participation des deux groupes de langue of- ficielle au sein de la fonc- tion publique. Dans son dernier rapport, le Com- missaire aux langues offi- cielles soulignait ce qui suit: Le gouvernement, les femmes (et les hommes) de tous les partis qui ont appuyé avec constance son action, le public lui- méme, tous devraient étre remplis de fierté devant les réalisations accomplies dans le pays. Les principes de la poli- tique des langues officiel- les intéressant I’administra- tion fédérale s'inspirent des dispositions de la Loi sur les langues officielles et des prescriptions de la résolution parlementaire de 1973. Ces principes, énoncés. au chapitre 4, sont les suivants: Les Canadiens doivent a- voir la possibilité de com- muniquer avec les organis- mes fédéraux et d’en rece- voir les services sollicités dans la langue officielle de leur choix; des mesures doivent étre prises a cet effet chaque fois que la demande est _suffisante. Compte tenu du princi- pe précédent, les Cana- diens des deux principaux groupes Pays doivent jouir des mémes possibilités d’em- ploi et de carriére dans Vadministration fédérale et doivent y travailler dans la langue officielle de leur choix, Les deux principaux grou- pes linguistiques du Pays doivent étre repré- sentés équitablement dans les services fédéraux. Leur mise en oeuvre a grandement modifié la Participation et le réle des francophones dans tla fonction publique fédé- linguistiques du _-ment ie rale. Rappelons a ce sujet d’autres observations du Commissaire aux lan- gues officielles dans son dernier rapport annuel: Certes encore, on pour- rait soutenir 4 bon droit que, dans 20 0/0 des cas, les efforts déployés par le gouvernement pour met- tre en oeuvre la loi linguis- tique du Parlement ont abouti a des erreurs ou se sont embourbés dans la gabegie administrative. Ces revers, il -a_ fallu les payer au prix fort, souvent en argent, tou- jours en espoir et en bonne volonté perdus. {1 n’empéche que dans 80 0/0 des cas, les persé- vérantes initiatives. d’Ot- tawa se sont concrétisées par d’honnétes réussites. Ce ne furent pas toujours des réussites éclatantes, a saluer triomphalement: elles n’en ont pas moins débouché sur des acquis indéniables fondamentaux pour la dignité des deux collectivités linguistiques: du Canada. Quelques exemples con- firmeront le diagnostic gé- néralement méconnu porté I‘an dernier sur la réforme a savoir qu’en dépit de sa lenteur, son rythme est “régulier’’ et qu’elle “tendde facon plus mar- quée vers |’irréversible’’. Dés labord, on peut dire que le point de vue a chan- gé du tout au tout. Mal- gré de trop nombreuses violations (que les Cana- diens ne devraient jamais © accepter), les pouvoirs pu- blics pésent désormais de tout leur poids en faveur du droit de chaque cito- yen a 6tre servi par les institutions fédérales dans la langue de son choix. Voici huit ans, ce qui était normal, c’était |’ou- bli de ce droit. Aujour- d’hui les péchés les plus véniels font les manchet- tes. A lui seul, ce revi- rement témoigne de |’ef- ficacité de la Loi sur les langues officielles. Ensuite, et cette fois-ci encore a de flagrantes ex- ceptions prés, entre autres constituées par des faits récemment condam nés chez Air Canada, les agents fédéraux, par di- zaines de milliers, ont été mis en situation de tra- vailler dans la langue de leur choix. Presque tou- tes les recommandations formulées dans nos rap- ports en faveur de |’é- galité de statut du fran- cais comme langue de travail a Ottawa et de son adoption comme lan- gue normale de_ travail dans les bureaux régionaux du Québec ont été exé- cutées ou sont en voie de |’étre trop lentement sans doute, mais résolu- Parfois, dans le Cas par exemple des di- rectives, de la terminolo- gie et des techniques éla- borées en consultation pour favoriser l'utilisation pratique du frangais au Québec, I’action entreprise par les instances fédé- rales a précédé de plu- sieurs années les efforts du gouvernement québé- cois lui-méme. Dans un domaine voi- sin, celui du nombre des francophones dans la fonc- tion publique fédérale, les progrés constatés sont en- core plus frappants. En 1971, les perspectives of- fertes aux anglophones unilingues étaient dix fois supérieures a celles qui |’étaient aux tranco- Phones unilingues; en 1975, cette relation s’é- tablissait 4 six contre un, soit en un lustre un gain de 67 0/0 fort impres- sionnant, ~hormis peut- 6tre aux yeux des plus doctrinaires des scepti- ques. En outre, depuis 1975, les francophones, qui comptent pour 27 0/0 dans. la population du pays, ont obtenu, avec “oresque’’ un _ fonction- naire sur quatre, a peu prés leur ‘‘juste’’ part des emplois fédéraux. méme si l’on trouve en- core comparativement trop peu de cadres parmi eux. Mais 1a aussi, les progrés sont encoura- geants: dans la catégorie administrative et du _ ser- vice extérieur, leur part est passée de 16 0/0 en 1971 a 22 0/0 en 1976 (gain réel: 37 0/0); dans la catégorie technique, elle est passée de 7 0/0 en 1971 4a 13 0/0 en 1976 (gain réel: 86 0/0); dans la catégorie scientifique et professionnelle, l'aug- mentation va de 11 0/0 en 1971 a 19 O/O0 en 1976 (gain. réel: 73 0/0); dans celle de la direction, enfin, les ré- sultats .correspondants sont de 17 0/0 en 1973 et de 20 0/0 en 1975- 1976 (gain réel: 18 0/0). _ Si, au vu de ces chiffres, on ne peut guére dire que les ‘‘Frangais’ ont délogé les ‘“‘Anblais’’, il faut bien reconnaitre que c’en est fini du “régime colonial”. Tenant compte des préoccupations qui se sont exprimées, notamment de celles du Commissaire aux - langues officielles, le gouvernement a révisé ses politiques et ses program- mes touchant la fonction publique fédérale. Egale- ment, en novembre 1974, le gouvernement deman- dait a un groupe indé- pendant d’examiner ses programmes de formation linguistique destinés aux fonctionnaires fédéraux. Le rapport établi par le professeur Bibeau et son équipe a été rendu public le 17 aodt 1976 et le gouvernement a fait sa- voir qu’il était, pour I’es- sentiel, d’accord avec les observations des spécia- des listes. Suite 4 ses propres ré- flexions et études, le gou- . vernement envisage diver- ses modifications qu’il présentera bientét aux syndicats d’employés fédé- raux. Par leur participa- tion aux travaux du Conseil national mixte, les négociateurs syndicaux ont pris une part impor- tante a |’élaboration des. politiques et des_ pro- grammes en matiére de langues _officielles. De concert ‘avec la Com- mission de la fonction publique, le gouverne- ment entend se préter a des consultations appro- fondies: auprés des syn- dicats. Peu de temps aprés, le gouverne- ment sera en mesure d’ar- réter et de faire con- naitre ses décisions. Par la méme occasion, il de- mandera au Parlement de renforcer l‘autorité du Commissaire aux langues officielles. Pour le gou- vernement, la langues _ Officielles devait s’appliquer tant aux ministéres qu’aux sociétés de la Couronne et aux organismes fédéraux. Des dispositions seront pri- ses afin d’assurer_ le respect intégral des inten- tions du gouvernement. Pour atteindre ses ob- jectifs, le gouvernement fédéral a fait . porter l’essentiel D’aucuns en ont tiré ‘impression que la poli- tique des langues cielles me concerne que la fonction publique fé- dérale. Or, ce n’est pas le cas. Le gouvernement a adopté de nombreuses mesures et lancé divers programmes dans tout le pays pour la promotion des deux langues officiel- les et le bénéfice de ceux qui les _ parlent. . Voila bien le témoignage concret que la politique des langues officielles s‘applique a l’ensem- ble du Canada et a tous les Canadiens. Ainsi, la Loi sur la radiodiffusion, votée par le Parlement en 1968, fixe entre autres, au sys- téme canadien de radio- diffusion, |’objectif sui- vant: “tous les Canadiens ont droit 4 un service de radiodiffusion dans _ les langues anglaise et fran- Gaise, au fur et a mesure que des fonds publics de-. viennent disponibles’. De plus, le service natio- nal de radiodiffusion as- suré par la Société Radio- Canada doit étre donné en anglais et en frangais. Les ministéres et orga- nismes fédéraux ont pour- suivi ces objectifs. Grace & cet engagement actif, le Canada est doté d'un systéme de radio- diffusion qui, de plus en plus, exprime le dualisme (4 suivre en page 8 ) politique | de son effort sur ses propres services. offi- es ios