ee canal 7 a Vancouver et canaux 3 aS et 8 a Victoria Programme de la télévision frangaise de Radio-Canada VOL.3 NO.6 Vendredi 3 novembre 1978 Une recherche inconsciente de Vharmonie Aux Beaux Dimanches le 5 novembre a 20 h 30, on propo- sera aux téléspectateurs un té- léthéatre vigoureux et fascinant du grand romancier québécois Yves Thériault intitulé le Goat de vivre. ll semble que l’on ne puisse épuiser les facons de louer |’au- teur d'Agaguk, cet écrivain ma- jeur de notre littérature qui mé- rite notre admiration a plus d’un titre. Toujours aussi «jeune» et inspiré que du temps d’Aaron ou du Dompteur d'ours, Yves Thériault ne cesse de nous mé- nager d'agréables surprises. Il a plu d’emblée a presque tous les publics par ses dons a la fois multiples et bien équilibrés: sens cosmique de la nature, a- cuité de l'intelligence, réalisme de bon aloi, profondeur psycho- logique des personnages_ et sympathique parti pris pour la liberté de l'homme. II n’est pas jusqu’a son courroux lucide (tempéré avec les années) con- tre toutes les formes d’aliéna- tion ou de tabous qui n’ait sou- levé un profond intérét. Avec le Godt de vivre, les téléspectateurs retrouveront le meilleur Thériault, encore «bo- nifié», si l'on peut dire, comme un grand vin. L’intrigue Dans une campagne québeé- coise toute vigoureuse et sen- suelle baignée de splendeur so- laire, une ferme immense et un magnifique troupeau de 45 va- ches. Il semble que ce soit le bonheur pour la famille Brizard qui, en effet, jusqu'ici coule des jours paisibles et sans histoire. Martial et son vieux pére Eugeé- ne, par exemple, sont trés fiers de leur troupeau de vaches de race qui leur a rapporté main- tes médailles et rubans. Margot, la femme de Martial, semble s'épanouir entre sa cuisine et l'amour qu'elle voue a sa petite famille. Quant aux enfants, vifs, intelligents et débordants de santé, ils forment une sorte de nouvelle race. marquée a la fois par les vertus campagnar- des et la souplesse d’esprit due au contact des média d'informa- tion. ; Hélas, un jour, tout cet équili- bre est sérieusement menacé. Le troupeau de vaches frappé de brucellose doit 6tre abattu et, avec accablement, les deux hommes envisagent la ruine. Mais comme «un malheur n’ar- rive jamais seul», Margot, toute marquée -par son éducation de paysanne puritaine, doit appren- dre a Martial que leur fille Syl- vie et leur fils Claude, influen- cés par «les moeurs décaden- tes du siécle», éprouvent tout a coup un irrésistible «godt de vi- vre». Et pour cela, la premiére veut «prendre la pilule» et le second cultive de la «mari» qu'il distribue 4 la Polyvalente. Hési- tant entre sa tolérance envers l'évolution des moeurs et son Victor Désy, Paul Guévremont et Yolande Roy dégodt du laisser-aller, Martial, aprés avoir désapprouvé |'in- transigeance de sa femme, veut enfin sévir. Entre-temps, comme le coup de grace, ils apprennent que Jean, leur fils ainé, aban- donne ses études d'agriculture et revient ala maison. \| apparait donc a ce couple de cultivateurs sains et jusqu’ici heureux que tout vient de s’é- crouler autout d’eux... Néan- moins, ils tenteront, tant bien que mal, de limiter autant que possible les dégats. Ainsi, Mar- - got, dans une conversation avec Sylvie, essaie de la raisonner un peu tandis que le directeur de la pelyvalente menace Clau- Marc Labréche, André Lacoste et Sylvie Gosselin de d'une intervention de la Gen- darmerie Royale et que Martial obtient du directeur de la Cais- se populaire une vague promes- se d'aide financiére. C'est & ce moment que: se place une des scénes les plus belles de ce téléthéatre. Au bord d'un petit cours d'eau, par- mi les buissons et les. herbes hautes, Claude et Sylvie s’en- tretiennent a batons rompus avec leur grand-pére. Celui-ci, adossé a un arbre, dans une at- titude de vieux sage de campa- ‘gne, pratique auprés de ses deux petits-enfants une maieu- tique tout instinctive marquée au coin du bon sens. Il les amé- ee ne ainsi &4 comprendre le pour- quoi de leurs gestes inconsidé- rés et il comprend, pour sa part, qu’ils sont 4 la recherche d'une sorte d'harmonie entre leur dé- sir de vivre leur vie dans |'ac- tion et l'initiative, et leur milieu ambiant. Et le vieil Eugéne, fort de sa sagesse de grand-pére, a vite fait de laisser entendre a son fils et & sa bru que tous leurs malheurs viennent de |'ab- sence de dialogue entre eux et leurs enfants. Le gout de vivre de ces derniers n'est au fond que le désir de s'identifier avec un travail 4 accomplir dans une vraie ferme. Tout le reste n’était qu’exutoire et compensation... A son retour, Jean réconcilie toute la famille et démontre que le mot écologie n'est pas qu'un mot savant. La réalisation Avec la streté de goit et le talent qu’on lui connait, Florent Forget a réalisé une mise en scéne en décors naturels tout empreinte d'une grande simpli- cité, d'un dépouillement... clas- sique. Ses images, harmonieu- ses tout comme le theme, re- flétent a la fois le réalisme so- lide et la poésie caractéristique des oeuvres~de Thériault. Le’ dé- coupage, souple, sans aucun ef- fet gratuit, de méme que des mouvements de caméras réduits au minimum, tout colle pour ainsi dire a la seule évolution des personnages. Mise en scé- ne qui rend justice a la densité et a la concision a laquelle Yves Thériault en est arrivé dans ses derniéres oeuvres. La fin de cette histoire, qui pourrait parai- tre un peu schématique et con- certée, atteint néanmoins, gra- ce a la finesse de Florent For- get, a une absolue vraisemblan- ce et au naturel. Les prises de vues en pleine compagne déga- gent une impression de sensua- lité sereine, d’harmonie subtile comme |’ont concue les grands paysagistes de la peinture. Ain- si, a la fin, les trois’ jeunes gens débordent d’enthousiasme, partent courir dans les champs, heureux, en parfaite symbiose avec la terre... Le gout de vivre peut coincider avec I’harmonie cosmique, les grands rythmes de la nature, sans rejeter pour autant le sens de |'évolution. Florent Forget a poussé le godt de la sobriété jusque dans sa direction d'acteurs et il est plai- sant de voir des comédiens, méme dans les scénes les plus pathétiques, garder le sens de la mesure. Il en est de méme pour la musique originale d'Yves Lapierre, qui évite d’attirer l'at- tention sur elle, tant elle se moule bien a Il'action et aux dé- cors qui ne sont [a que pour mettre en valeur les personna- ges. : Une piece simple, vivante, fraiche, bien équilibrée qui mon- tre une fois de plus le grand talent d'Yves Thériault et de Florent Forget. . z René Houle Distribution. Eugene: Paul Guévremont; Martial: Victor Désy; Margot: Yolande Roy; Sylvie: Sylvie Gos- selin; Claude: Marc Labréche; Jean: André Lacoste; Réjean: Guy Lelarge; Aline: Suzanne Lé- veillée; Raymond: Yves Fortin; Stéphane: Normand Desloges; Dr Legault: Guy L’Ecuyer; Dr Fournier: Jacques Galipeau; di- recteur de la Polyvalente: Ro- nald France; directeur de la Cais- se populaire: Claude Grisé.