Ut 2 20 - Le Soleil de Colombie, vendredi 23 janvier 1987 Suite de la premiére page découvre la littérature québécoi- se. et canadienne francaise (sa thése aura pour titre L’humants- me de Gabrielle Roy). 1971, nouveau départ. Yves Merzisen postule pour un poste d’enseignant au Cariboo College de Kamloops, qui vient de se créer. “Et de fil en aiguille, nous y sommes restés! Professtonnelle- ment, cela a été une expérience trés enrichissante. En 1975, j états directeur du département de Langues vivantes, Beaux-Arts et journalisme. Je m’états également fart une spécialité de Venseignement des langues a partir de bandes sonores de films. Je donnats des conférences sur le sujet au Canada et aux Etats-Unis. C’était intéressant de prouver quion avait ‘quelque chose @ raconter’. De voir que, méme venant d’un petit collége, on était écouté.” A cette €poque, Yves Merzisen, comme beaucoup de nouveaux arrivants francophones en CB, vit sa version personnelle de I’“immersion”’,. trés international et ne recher- chions pas systématiquement le contact avec les Francophones”. La femme d’Yves Merzisen est bilingue. Entre eux, c'est généralement en francais qu’ils parlent. Leurs deux filles, 15 et 19 ans, parlent également francais... “peut-étre pas aussi bien qu’elles devraient! Nous ne les avons jamats forcées et Van dernier, c'est lainée, qui partait étudter a Paris, qui a demandé quion luz parle en frangazs a la maison. En 1982, Yves Merzisen prend un congé sabbatique. “Nous avons voyagé en Europe, passé _ trots mots @ Paris. Jat eu limpression de me_ retrouver ‘chez nous’... mais en touriste! Nous sommes complétement canadiens maintenant, et je me Suis surpris & juger les Francais: nationalistes, égocentriques, je leur trouvats tous les défauts!” Ce court passage en France; c'est aussi l’occasion de revoir la famille (dispersée aux quatre coins du monde, elle se rassemble parfois 4 Noél) et de voir ce que sont devenus d’anciens amis, d’anciennes connaissances. “A la Sorbonne, javais un copain nommeé Philippe Léotard. Il était passtonné par le thédtre et, avec Jean-Pierre Miquel, il passait son temps a essayer dadapter des romans de Victor Hugo @ la scéne. Il se cassatt reguliérement la figure et.il fallatt lui remonter le moral! Ce n'est que plus tard, a Vancouver, en allant vozr le film Z, que jat pu voir quiils étaient tous deux devenus acteurs.” (1) 1983: Yves Merzisen est revenu a Kamloops, comme simple professeur (pour prendre son congé sabbatique, il lui a fallu démissionner de son poste de directeur de département). La ville lui plait: ses filles font du cheval (la région est un vrai paradis pour les cavaliers), sa femme joue de l’alto dans Yorchestre symphonique de Kamloops, lui-méme est un passionné de péche 4 la truite. “Mats professionnellement, j’a- vais un peu limpression de plafonner. En 1985, j'ai refusé un contrat qu'on me proposait pour partir enseigner dans le Nord de ous avions un cercle d’amis . - Finalement, Sree seeseseeeeereeemensie researc eee rr a to tt ett tt tht hen tent Malgré ses 6’4”, Yves Merzisen la Chine. Les écoles la-bas sont trés chéres et cela aurait été délicat pour la scolarité de mes filles.” En 1983 donc, Yves Merzisen recoit un coup de téléphone de l’Association francophone de Kamloops, qui est 4 la recherche d’un président. “J'ai commencé par dire non. Puts ils m’ont rappelé et j'at répondu que ‘sls ne trouvatent vraiment personne dautre...’ C'est comme ¢a que je suis devenu président d'une’ association en perte de vitesse [ on m avait dit: ‘Situ n'acceptes pas, c'est la mort-de Vassoctation’]. En deux ans, nous avons assaini les finances, recruté soixante-dix « c’est une expérience passionnante. » @ quatre-vingts membres... No- tre plus grosse réussite a été Uorganisation de la féte du sucre. te sait étre discret! Nous avons obtenu le soutien de Canadian Tire qui payait la publicité, dressatt une tente et faisait venir le strop d’érable. Ce jour-la, quatre-cents personnes sont venues, attirées par le concours de chant des €éléves dtmmersion.” A partir du moment ot Yves ' Merzisen accepte le poste de président 4 Kamloops, tout va trés vite. En moins de deux ans, il se retrouve impliqué 4 tous les échelons de la vie communautai- re. -En 1984, il est élu vice-président pour les provinces de l'Ouest de 1’Association -canadienne pour l'éducation de langue francaise (ACELF), peu de temps aprés étre devenu trésorier de la FFC. ‘“Javais entendu dire beaucoup de mal de la Fédération des Franco- colombiens... mats lorsque je suis venu pour la premiére fois a assister @ une réunion du Conseil des présidents, jai été trés favorablement impressionné.” En mai 1986, avant-derniére étape, il est élu vice-président de la FFC. Et un mois plus tard, c’est le coup de théatre de la démission de Pierre Lapointe. “J'ai été pris complétement au dépourvu! J'ai di changer mes projets de vacances, m’organiser pour des allers-retour fréquents a Vancou- ver. Finalement, cette expérience comme président de la FFC est passtonnante. Jaurats préféré que les choses se fassent dans des conditions un peu plus normales, mats je ne regrette rien.” Yves Merzisen reconnait que c'est en s'impliquant personnelle- ment dans des associations qu’il a été peu a peu sensibilisé a la cause francophone. ‘Je ne venats pas d’un milieu ‘minoritatre. Je ne me sentats pas menacé dans ma langue et ma culture. Mats je me rends compte qu apres dix-sept ans en CB, ma culture commence a@ disparaitre. Et encore, jai la chance de ' travailler en grande partie en francais...” Le président de la FFC ne touche, bien entendu, aucun salaire. C’est un travail entiére- ment bénévole, parfois éprou- vant, qui demande beaucoup d’énergie. “Mazs il y a ce petit ‘quelque chose, pas forcément facile a définir, qui fact que j’y trouve mon compte. Lorsque je me retrouve a parler devant 600 personnes dans une assemblée de VACELF, lorsque j’établis un budget, lorsque, de maniére générale, jacquiers une expé- rience qui peut métre utile sur le plan personnel et professionnel, je cerne un peu mieux le ressort qui pousse les gens a faire du bénévolat en ne ménageant ni leur temps, ni leur pene... ni leurs fins de semaine.” Pour le président de la FFC, le bénévolat a un aspect formateur qui est essentiel. “Apprendre a parler en public, a établir un budget, c’est une attente que l’on rencontre souvent chez les bénévoles. Et je crozs que c’est un domaine ow la FFC a son réle a jouer: nous sommes malheureu- sement dans une province oi les Francophones, lorsqu’ils veulent poursuivre leur éducation, doz- vent renoncer @ leur langue.” Un autre avantage qu’Yves Merzisen trouve a ses responsabi- lités de président de la FFC,. ce sont les contacts qu’elles lui ont. permis d’établir. Le lobbying politique est “officiellement” devenu depuis le mois de décembre la priorité numéro un de la FFC. Ce qui n’est pas pour déplaire a son président. “Nous « Les ministres sont plus “relax” que je ne Vimaginais. » avons progressivement pris cons- cience depuis quelques années de limportance des contacts person- nels. Nous nous sommes rendus compte que le lobbying peut aider a résoudre une crise, st les contacts existent déja. Ce n’est pas lorsque la crise est ouverte quil faut se précipiter a Victoria!” Expo 86, dans cette optique, a été trés profitable. Yves Merzisen a pu rencontrer Bill Bennett, Robert Bourassa et leurs ministres respectifs. “Jls sont beaucoup plus accesstbles, beau- Les paradoxes d’ Yves Merzisen coup plus ‘relax’ que je ne limaginais! J'ai méme pu nouer des amitiés personnelles qui dépassent le simple cadre de la politesse. Le maitre de Québec, par exemple, m’a fait savoir que j étais invité ‘quand je voulats’ dans sa maitrie.”’ Il y a également Nelson Riis, député de Kamloops et porte- parole du NPD aux Communes. “Le courant est bien passé « La communauté est une richesse naturelle de la province. » lorsque je lai rencontré récem- ment. Il est d’ailleurs intéressant de voir que deputs qu'il exerce ses nouvelles responsabilités a Otta- wa, tl est beaucoup plus sensible au fait francais. Il a décidé de publer son bulletin a Kamloops dans les deux langues offictelles, et cl m’a demandé conseil pour apprendre le francais.” Pourtant, Yves Merzisen ne veut pas s’arréter 14 et reconnait qu'il y a encore beaucoup 4 faire pour convaincre les responsables provinciaux de l’importance dela communauté franco-colombien-.__ _ 4 ne. “Nous voudrions montrer que, méme st nous ne sommes que 50,000, nous sommes une communauté trés vivante, qui a joué un réle dans UVhistotre de cette province, qui est dynamt- que dans le domaine des arts et des affaires. Une communauté quil faudrait compter parmi les ‘richesses naturelles’ de la province. Quand les Américains, par exemple, viennent en touristes au Canada, tls s‘attendent a trouver un pays bilingue. Ilne faut pas les décevotr.” - Pour faire passer ce message auprés des responsables _politi- ques a l’échelon local, provincial ou national, Yves Merzisen a inscrit sur son agenda une longue liste de personnalités “a rencon- trer”. Cela va de Brian Smith, ministre de la Justice, a Bill Vander Zalm, en passant par John Turner (“JI ne s’est pas encore prononcé sur les minorités de langues officielles”) et Ed Broadbent. Il faut dire que la FFC, dont le budget a diminué de 100,000$ en quatre ans, a beaucoup 4a attendre d’un nouveau gouverne- ment dont dépendraient les subventions... ou les restrictions budgétaires! Son président voudrait encore trouver des contacts dans les journaux locaux (Sun et Provin- — ce), étre plus présent sur les ondes anglaises, et encore nouer de nouveaux contacts... Car les contacts, il aime: ne se souvient-il pas avec un brin de nostalgie d’avoir rencontré Ade- nauer, alors chancelier alle- mand, a la téte d’une délégation d’étudiants recus officiellement en Allemagne...? (1) - Ne pas confondre avec Francois Léotard, ministre de la Culture: cen’est “que” le frére de l’acteur. 4 a 4