VOYAGES Le Soleil de Colombie, vendredi 10 aodt 1990 - 13 Sous le ciel grec Samedi, 26 janvier. Je me léve “au moment ot Dave, lui, se couche. «Jai passé/e reste dela nuit a me promener dans Athénes», me _ dit-il, bouche pateuse, traits étirés. Je préfére d’emblée ma nuit a la sienne. Deuxiéme visite au Musée National d’archéologie Plus tard, en rentrant dans une salle du musée, j’apergois un gardien en manteau d’hiver debout prés d’une chaufferette. Un autre gardien, ailleurs, semble grelotter. Qu’ils n’aillent pas au Québec en janvier! Je circule lentement, émerveillé comme un enfant dans un grand magasin de jouets. Bref apercu de ce qui s’offre a ma vue: idoles de marbre aux formes stylisées, «sanctuaire magique» de fresques, art géomeétrique, admirables gobe- Le traditionnel «Komboloin: «C’est seulement un passe-temps. ordinaire “Poséidon d'Artémi- sion, superbement campée, statue de bronze repéchée en 1928. Ledieu dela mer tenait en sa main droite le trident symbolique. Noble téte, méme privée de ses yeux d'ivoire. Je me remets a circuler, scrutant intensément visages expres- sifs, mignifiques chevelures, bijoux antiques et byzantins, cruches décorées d’animaux et de plantes, fresques et reliefs aux mille détails évocateurs... Colossale statue du Poséidon de Milo, masque en dents de ‘sanglier, pugilistes, vieilles infirmiéres tenant des bébés dans leurs bras. Tant d’oeuvres remarquables exécutées, pour la plupart, bien avant notre ére. Fort impressionnant. Un des plus riches musées du monde. Avant de quitter les lieux, je butine, comme d’habitude, dans un vaste étalage de cartes Ca occupe les mains, vous savez comme les soeurs avec leur chapelet». lets en or repoussé, |’étonnant Jockey d’Artémision (retirédela mer). J’aime l’expression fou- gueuse de cet enfant sur son cheval bondissant. Et encore: bas-reliefs a motifs d’éphébes pratiquant des exercices spor- tifs, statuette d’un harpiste, monumentale amphore géomé- trique, piéces de monnaie, stéles funéraires et votives, _ dont le relief d’une déesse - tenant une pomme - au profil grec trés pur. Splendides tétes d’éphébes. Un satyre assis soutenant d’une main son 6énorme pénis en érection. me rappelle Pompéi et ses cham- bres aux fresques érotiques. On interdisait aux enfants (en 1979). ‘d'y pénétrer principalement a cause, disait-on, d’une statuet- te au’ pénis a demi «érigé» (trouvée dans la lave). C’est cette interdiction méme qui me paraissait scandaleuse. Je miattarde devant l’extra- postales. Les légendes, sou- vent traduites en plusieurs langues, font parfois sourciller: «Prométhée enchéné», «Sémélé jet Hérmés», «Vase Palastique en Forme d'unctéte de tau- reau»... Belle collection d’am- phores aux motifs extrémement raffinés. La description détail- |ée de toutes ces cartes pourrait sans doute, a elle seule, faire l'objet d’un livre. Marché central ll est grand temps que je fasse taire mon _ estomac. Petit restaurant sombre aux chaises de paille bleu ciel. On me sert du mouton gréceux, pardon, grais- seux. Je profite ensuite de mes derniéres heures au pays de Platon et d’Aristote pour me promener dans © de vieux. quartiers. Rue au nom peu banal: Panepistemiou. Rue- escalier, rendez-vous’ d'une ribambelle de «gambadeurs». Je parviens au grand marché central. Encore ces «crieurs» de billets de loterie. Etalages variés, monceaux de pastéques, odeur d’épices, affluence tant citadine que campagnarde: spectacle d’ambiance orientale haut en couleurs. Orfévres munis de petites balances. Enormes grappes de grosses éponges jaundatres. Piles de tapis multicolores, fanaux, potiches, reproductions de bustes, assiettes aux motifs helléniques, bien entendu... Je poursuis ma promenade a travers la foule bigarrée. Ici, pendent aux murs les oeufs de cent poulaillers. Une vieille femme en noir tourne sur un gril quelques épis de mais. Dans le pavillon de la viande, les étals alignés le long des allées exposent boeuf, mouton, veau, volaille... que se disputent d’innombrables mouches vora- ces; cest @a en_ devenir végétarien. Un petit Grec a la moustache bien fournie, de- bout, mains derriére le dos, s’amusea faire glisser entre ses doigts le traditionnel «kombo- loi», sorte de collier a gros grains. J’ose lui demander la raison de cette coutume, curieux quejesuis d’obtenir une réponse inattendue. I! com- prend l'anglais. «C'est seule- ment un passe-temps», me dit-il avec un accent gros comme le poing. «Ca occupe les mains, vous savez, comme les soeurs avec leur chapelet.» Réponse inattendue, s’il en est. Le temps s’envole; retournons a |’auber- ge. En passant devant un kiosque a journaux, je remarque la téte «parfaite» du jeune vendeur; on dirait celle d’un Apollon de musée a qui les dieux de 'Olympe aurait donnée vie. Esthétique male personnifiée. Plus tard, chargé une fois de plus de mes sacs a dos et a bandouliére, je fais mes adieux a Alain (les trois bons vivants anglophones n’y sont pas) pour me rendre ensuite a |’aéroport international. Départ pour Bombay Sur les. lieux, formalités d'usage d’abord, puis, longue attente qui me permet de me procurer de vieilles piéces de monnaie en échange_ des drachmes qu'il me reste - histoire de faire plaisir a mes neveux collectionneurs. Des Grecs amusés m’en échangent ou m’en donnent qui remontent 430 et méme 40 ans. L’heure du départ -(18h00) approche. Je monte finalement en avion, mettant ainsi un point final a mes six mois de passionnantes pérégrinations en Europe de l'Ouest, en Afrique du Nord et en Israél. - Les charmantes hétesses de Bangladesh Air servent un jus de fruit avant méme le décollage. Il est 22h00 a Bombay, nous apprend-on. L'altitude requise atteinte, projection de «Goldfinger», aventures de_ |'indestructible agent 007. Inévitable arsenal de . gadgets, jolies femmes, ban- dits, déferlement d’humour Les mots croisés de Tima Sekkat iV Vv Vi Vil vill x xX 1 2 3 4 Grille4 . 6 7 8 9 10 HORIZONTALEMENT 1. Chercheuse de pouls. 2. Plante des marais. - - Commeneent I’attente. 3. Unité électrique. - On les trouve dans un pommier. 4. Personne trés avare. - Palmipéde. 5. Emettre des gaz. 6. Pronom. - Une colére sans fin. 7. En téte d’ltalien. - Usé. 8. Sur un lit. 9. Conducteur sensible. - Voyelles. 10. Tamise. - Article. VERTICALEMENT |. Déséquilibre économi- que. ll. Fleuve de France. - Créautres. lll. Les femmes s’en servent pour les joues. - Ventila. IV. Fils de Dédale. - Arbres. V. Errer. - Lettres de famille. Vl. Limitent un mur. - Pas tout a fait utile. Vil. Fin de partie: - Pose. VIII. Il travaille la terre cuite. IX. Pigeon. - Connue. X. Canal marin. - Viens. d’étre. > Solution semaine derniére AM IV iV IME VEL IVEEaxX x de la | TIA STULPL LI AIC 21h IC iu fi |r viile 31h |T{E MA | \}e}A Mes : - 4c je Be ly BIA Jo le Grille3 sf ToTe 4 EPS 6 AIA JE!vuIR FIA Mola Telaar E | SILINI DIE AM Ie 9|)]vle ae 1O/E |S Thule fale | , DONNER, UN GESTE SI BEAU QU'IL FAUT LE ironique. L’avion tout entier finit par se laisser emporter, pour ainsi dire, dans un tourbillon d’adresse et d’ingéniosité. Du James Bond ason meilleur. (Ce classique s’est mérité, en 1964, \'oscar des effets sonores.) Suit un excellent repas, du moins pour un voyageur a la ceinture serrée. Bavardage avec cing jeunes; nous nous entendons pour habiter le méme hétel bon marché non loin de la Porte de Inde. Puis, bienheureux. sommeil de Atterrissage en douceur vers 4h00 du matin, le dimanche 27 janvier. O Bombay! Me voila disposé, corps et ame, a éprouver le plus grand choc culturel de mon tour du monde, le plus grand choc culturel, en fait, de ma vie. Jean-Claude Boyer