VOLUME 8 - 3° EDITION- ISSN 1704 - 9970 ce livre qui rend désormais impossible toute simplification du monde de Gabrielle Roy. Dans une conclusion qui donne une excellente idée du contenu de ce livre et nous permet de mieux saisir Gabrielle Roy, Isméne Toussaint cite Jean Cocteau qui disait : « Il est bien vrai que les gens gagnent a étre connus. Ils y gagnent en mystére. » (p. 380) Plus on connait Ga- brielle Roy et son ceuvre, plus on a l'impression qu’elle nous échappe. Et pourtant ce livre me permet de préciser un peu plus le visage de ma Gabrielle Roy a moi. Certains l’ont trouvée égoiste, profiteuse, dé- Sagréable. La Gabrielle Roy que je retrouve a travers tout ce que j'ai lu delle, c'est celle qui se reconnait « la passion de travailler a réunir les hommes » (p. 217), celle qui voudrait « disparaitre au regard des hommes » (p. 219). C’est celle qui disait que Ces Enfants de ma vie était son roman préféré parce qui’il lui avait été « inspiré par ses huit ans d’enseignement auprés d’enfants pauvres, dans sa province na- tale » (p. 237). C’est celle qui « essaie d’exprimer le chagrin et les joies de la condition humaine et de montrer sa confiance dans la créa- tion » (p. 306). Gabrielle Roy est pour moi l’exemple méme de Ia fragi- lité et de la grandeur humaines. Il y a chez elle un sentiment profond de la misére humaine et de sa propre misére. La littérature était pour elle une supréme tentative pour retrouver une espéce de paradis per- du. Elle était pour elle une maniére d’étre avec intensité, dans la véri- te, une religion, une quéte spirituelle, une redemption. C’est pourquoi elle lui sacrifiait tout. Gabrielle Roy ou le salut par |’éeriture, par la beauté. Cette passion de l’écriture peut paraitre de l'égoisme et de lingratitude a ceux qui l’entourent, mais on peut aussi la voir comme une consecration a la beauté. Peut-étre le plus grand service que l'on peut rendre a I’humanité est-il de lui révéler la beauté du monde. Tant de profiteurs et de corrupteurs tentent de maintenir l'homme dans la vulgarité et la laideur, dans la méchanceté et la violence. Gabrielle Roy se rappelle qu'il a une ame, et c’est a elle qu’elle s'intéresse, C'est a elle qu’elle veut donner une voix, c’est elle qu’elle écoute pen- dant que la société s’adonne a ses multiples activités et se distrait dans le bruit. (paru dans L’Action nationale, Montréal février 2005). Paul-Emile Roy, Québec (Qc). Isméne Toussaint, Les Chemins retrouvés de Gabrielle Roy, Témoins doccasions au Québec, préface de Reginald Hamel, Montréal, Stan- ké, 2004.