Etre soi-méme, d’abord Sandra Laframboise HEGH ARESK PROJECT SOCIETY Ayant appris 4 la dure, par Ia prostitution, l’alcoolisme et Ia toxicomanie, Sandra Laframboise a su faire tourner Ia vapeur et travaille maintenant d’arrache-pied pour les droits, le mieux-étre et la santé des personnes transsexuelles et travesties de Vancouver. andra Laframboise a parcouru un long et dur chemin avant d’assumer les respon- sabilités de directrice du centre de l’Est de Vancouver, le High Risk Project Society. Ayant grandi dans une famille dysfonctionnelle dans la région d’ Ottawa, Sandra apprend trés jeune que le monde est loin d’étre un jeu d’enfant. Dés Page de 7 ans, Sandra 8 2 5 portant alors le prénom de> Léo-Frangois, s’apercoit rapi- dement que son comportement différe des autres garcons de son Age. « D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu étre une fille. Méme trés jeune, j’étais trés efféminé et j'ai commencé 4 me travestir au début de mon adolescence », nous dit Sandra. Puis 4 9 ans, survient la premiére expérience trauma- tisante d’abus sexuel. C’est encore avec un noeud dans la gorge que Sandra nous relate ces instants qui ont bouleversé & jamais sa vie. Attiré et dégoité a la fois par son cousin qui abuse, ce dernier sera par la suite remplacé par un ami de la famille. « Avec cet homme qui était plus 4gé que moi, jai appris trés vite que donner mon corps pouvait étre payant. Aprés une relation sexuelle ou des attouchements, il me payait un au restaurant, m’offrait des cigarettes, de Palcool... C’est avec cet hom- me-l& aussi que j’ai appris a quitter mon corps. A ne plus habiter mon corps lorsque j’étais abusée », nous confie-- souper elle. Les relations familiales étant toujours trés tendues (entre un pére trés autoritaire, absent et une mére dépen- dante de son mari et occupée a vivre ses propres fuites), Sandra s’est trouvé une autre famille : celle de la rue. « Mon pere avait commencé a travailler de nuit : j’avais donc plus de latitude et en rentrant & la maison trés tard le soir je n’avais pas & rencontrer qui que ce soit de ma famille. Vers Age de 12 ans, j’ai commencé & explorer les __ toilettes publiques ou j’ai découvert le milieu de la prostitution », explique-t-elle. Des toilettes publiques au Parc Major d’Ottawa, en passant par les clubs gais, ot elle cachait évidemment son Age véritable, Sandra s’est développé un réseau. d’amis qui lui fournissait alors ce dont elle avait besoin : V’alcool et la drogue. Mme Laframboise durant ses études d’infirmiére (en psychiatrie) Puis, c’est le départ pour Montréal, avec évidemment en téte Vidée de changer défini- tivement de sexe. « Il y avait & ce moment-lé un médecin qui faisait les chirurgies nécessaires pour les personnes sexuelles. Méme si je prenais des trans- hormones depuis trés long- temps, je désirais véritablement étre une femme »>, mentionne Sandra. Son réve devient réalité. Le 27 mars 1981, Sandra est désormais femme & part entiére. Toutefois, son style de vie ne change guére. Amoureuse dun « gars de bicycle », membre des Hell’s Angels du Québec, c’est toujours la prostitution, Palcool et la drogue qui sont son pain quotidien. nous « Jai vécu 7 ans avec cet homme-la. C’était une relation passionneée. I] m’a méme suivie & Vancouver lorsqu’une amie m’a m’y installer. Mais ga n’a pas duré. Ny Aprés 6 mois, mon mari a invitée A venir finalement décidé de retourner au Québec définitivement. C’est la que je me suis sentie vraiment seule. Méme si je me prostituais depuis longtemps, je n’avais jamais appris & gérer mon argent. Je ne savais pas comment payer mon loyer, mes comptes de téléphone, mon épicerie. C’est toujours quel- qu’un d’autre qui l’avait fait pour moi. Tout mon argent passait dans lachat de la drogue. J’ai alors décidé d’aller au Centre de désintoxication Pender >, souligne Sandra. Une chose en entrainant une autre, Mme Laframboise se retrouve par la suite 4 aider et a travailler pour l’Armée du Salut. Elle décide ensuite d’entreprendre des études d’infirmiére en psychiatrie. De plus, elle obtient un dipléme comme intervenante auprés des alcooliques et toxicomanes. De nouvelles avenues s’ouvrent devant elle. Avec la découverte de la spiritualité autochtone, elle entreprend vraiment d’affirmer qui elle est réellement. Malgré le fait que ses parents sont d’origine métisse, la culture autochtone n’a jamais fait partie du vocabulaire de la _ famille Laframboise, ou Lebreton, du cété maternel. « Ce n'est qu’adulte que j’ai demandé a ma mére si effectivement nous étions de descendance amé- rindienne. Elle m’a répondu oui, sans plus. » TRAVAIL « RISQUE >» C’est en 1994 que Sandra Laframboise joint le groupe High Risk. Elle y développe un programme axé sur la sensibilisation auprés_ des personnes transsexuelles et travesties pour, entre autres, la prévention du SIDA. Visitant les personnes transsexuelles dans les hdépi- taux, référant adéquatement certains clients aux agences ou associations appropriées et agissant parfois comme per- sonne-ressource dans les cas problématiques, Sandra a réussi & faire vivre sa vision avec le projet High Risk. « Si un jour, jai une rechute ou je tombe malade, j’ai besoin d’une place ot ils vont prendre soin de moi--Ca peut sembler égoiste, mais je suis bien placée pour comprendre les buts et objectifs d’un groupe comme le ndire », avoue Sandra. Le vendredi 17 avril 1998 3 et avant tout Réguligrement, Sandra parcourt les rues de Est de Vancouver la nuit pour distribuer chocolat chaud et condoms aux prostitués et itinérants du quartier le plus défavorisé de la métropole. En les_rencontrant dans _ leur milieu, elle peut mieux identi- fier quels sont leurs réels besoins et leurs problémes de santé. veel Sandra Laframboise lors d’une réunion AA Mme Laframboise s’impli- que également dans une foule de projets, son dynamisme et ses compétences ayant amené plusieurs institutions gouverne- mentales & solliciter son exper- tise. Elle collabore activement avec de nombreux organismes autochtones, religieux ou au- tres de Vancouver, avec le ministére provincial de la Santé au comité VIH/SIDA, avec le ministére de la Justice lors de Jlélaboration des ententes pour les personnes transsexuelles et en tant que porte-parole avec le Groupe de travail autochtone pour la santé, au niveau fédéral. Sandra Laframboise con- clut cet amical entretien en nous parlant du respect de soi qui va irrémédiablement de pair avec le travail incroyable qu’elle fait au High Risk Project Society. « Le respect commence par soi-méme. Moi, je me respecte. J’ai atteint un équilibre dans ma vie ou, au moins 5 minutes dans ma journée, je peux dire que je suis trés heureuse. Et je peux reconnaitre la spiritualité et le miracle de la vie dans toutes les personnes autour de moi. Et c’est ce qui est important... » JOHANNE CORDEAU High Risk Project Society, 449, Hastings Est, Vancouver, (604) 255-6143.