Dossier : la violence et l’intimidation a l’école Source : Revue de la Fédération des comités de parents de la province de Québec «Veux-tu savoir ?», vol. 25, no 2, mars —avril 2002, p. 7-10. Les multiples visages de la violence Intimidation, taxage, batailles... Les ma- nifestations de violence a l’école sem- blent chaque jour plus nombreuses et plus agressives, mettant en scene des enfants de plus en plus jeunes. Psychoéducatrice et enseignante en éducation spécialisée au cégep de Lanaudiére, au Québec, Marie-France Groulx nous brosse un ta- bleau de la violence dans les écoles. De toutes les manifestations de violence, c’est la violence verbale qui est la plus fréquente dans les écoles. Aussi appelée intimidation ou «bullying», la violence verbale consiste 4 adresser des paroles blessantes 4 une autre personne de ma- niére répétée. La victime se fait exclure du groupe, elle est victime de fausses ru- meurs, on l’accuse injustement et sans preuve. «Plusieurs des agresseurs sont des enfants 4 qui on ne dit jamais non, des enfants élevés sans contraintes, des enfants roi», ajoute Marie-France Groulx. Plus fréquente au primaire qu’au secondaire, la violence verbale se mani- feste chez des enfants de plus en plus jeu- nes, souvent dés la petite enfance. Parce qu’on ne la voit pas, elle est souvent igno- rée. Les enfants qui en sont victimes peu- vent donc le demeurer plusieurs mois, sans que personne n’intervienne. La violence physique arrive au deuxiéme rang du palmarés de la violence dans les écoles. Cette violence se manifeste tant au primaire qu’au secondaire, plus souvent par des coups de poings, des taloches ou des bagarres. Au secondaire, elle peut at- teindre des degrés de violence extrémes, par l’utilisation d’armes et les luttes de gangs. Plus évidente, la violence physi- que obtient plus facilement I’attention gé- nérale. Si la politique de |’école affiche la tolérance zéro, on intervient sur-le- champ. Les parents sont alors rapidement mis au courant de |’escarmouche. «Ce n’est cependant pas toujours le cas, pré- cise Marie-France Groulx, la violence physique pouvant aussi étre ignorée.» Moins connue, la discrimination arrive au troisiéme rang des manifestations de vio- lence. «C’est une forme de violence trés insidieuse et trés souffrante, dont on ne parle malheureusement pas beaucoup», dit Ma- rie-France Groulx. Les victimes de discri- mination sont généralement des enfants dif- férents des autres : éléves brillants, origine ethnique ou sociale différente. Ils sont ignorés, voire carrément oubliés des autres. «Le moindre petit geste, la moin- dre petite remarque, méme non violente, peut avoir des effets néfastes importants, amenant |’ enfant a se replier encore plus sur lui-méme», dit la psychoéducatrice. La violence sexiste ou sexuelle fait aussi partie des formes de violence a |’école. Elle se manifeste surtout chez les garcons de 5° et 6° année du primaire, par du har- célement sexuel, de la sollicitation ou des paroles trés vulgaires a |’ endroit des filles. «Les filles victimes ne savent pas com- ment réagir a ce type de violence, qui com- mence beaucoup plus tét que l’on pense, dit Marie-France Groulx. Les intervenants doivent souvent les aider a exprimer les émotions qu’elles vivent et a affirmer leur désaccord avec ce genre de traitement.» Le taxage et le vol se manifestent autant au primaire qu’au secondaire. Le «taxeum offre une protection a sa victime en échange d’un objet lui appartenant. Au primaire, il peut s’agir d’objets banals comme une gomme 4 effacer ou un crayon. Au secondaire, les objets convoi- tés sont souvent plus cotiteux : bottes, espadrilles, veste, carte d’autobus, etc. Comment décrire la violence On peut décrire la violence comme le comportement agres- sif d’un individu en situation de domination — l’agresseur — envers une ou plusieurs victimes. «Le caractére agressif est toujours présent, précise Marie-France Groulx. Le geste agressif est répétitif et a pour but de nuire.» Selon le Conseil national de prévention du crime, les comportements agres- sifs se manifestent dés la petite enfance, avec une augmen- tation vers l’age de 11 et 12 ans. Lagresseur est plus souvent un gargon. On le dit de tempé- rament hyperactif, perturbateur, impulsif, agressif envers tous ceux qui l’entourent (parents, enseignants, pairs), plus fort que la moyenne et manquant d’empathie envers ses victi- mes. «Des études disent que le garcgon agresseur utiliserait la violence pour masquer un manque de confiance. Sans vouloir généraliser, je crois que c’est aussi trés souvent un enfant qui a une bonne opinion de lui-méme», dit Marie- France Groulx. L’agresseur peut aussi étre un enfant qui a luicméme été victime d’agression, ajoute la psychoéducatrice, et qui finit par adopter les mémes com- portements que ses agresseurs. On sait peu de choses de la fille agresseur. Certaines études la disent plus faible physiquement que les autres éléves, une donnée que n’a pas observé Marie-France Groulx. Ce qui la distingue le plus, selon la psychoéducatrice, c’est sa capacité a intimider les autres de maniére indirecte par le commerage et l’exclusion. «La fille agresseur peut étre tres méchante envers sa victime. Elle sait ot attaquer pour que ¢a fasse mal. Elle peut tenir des propos trés dégradants envers sa victime, amenant toutes ses amies a se tourner contre sa victime. Elle fait littéralement le vide autour de sa victime qui se retrouve totalement seule et isolée. C’est une leader négative.» Les victimes seraient, pour leur part, des enfants dont on dit qu’ils attirent la violence. Ce sont des enfants souvent an- xieux, faibles ou renfermés, des enfants qui se trouvent mé- diocres et qui ont une mauvaise opinion d’eux-mémes. Con- trairement a l’agresseur, la victime est autant un garcon qu’une fille. «A l’encontre de ce que disent certaines études, je crois que les traits physiques inhabituels (enfant plus fréle ou plus corpulent, oreilles décollées, vétements démodés, etc.) ont une influence déterminante», ajoute Marie-France Groulx. PAGE 16 INFO-PARENTS