Par Keith SPICER Courtoisie du Vancouver Sun TORONTO. Pitié, Seigneur. Nous avons attaqué la socié- té. Voire, sans trop nous en rendre compte, nous avons attaqué la raison et la misé- ricorde. Comment? Mais en attaquant le Parti Libéral du Canada. Voila, en tout cas, la facon dont l’imagination généreu- se de Pierre Trudeau a expli- qué vendredi soir ses “enne- mis” dans la presse et l’oppo- sition parlementaire. Un aveu. Je me situe parmi ceux qui, assez sou- vent, admirent les instincts du PM en tant que défen- seur des droits civiques. Mais cette fois-ci, je trouve qu'il a mis ses pieds ‘ans le plat. Tout comme un parle- mentaire péquiste, radieux, m’a dit en lisant le repor- tage citant les propos pre- mier-ministériels tenus au colloque libéral ontarien, je me suis vite “Trudeau, n’a-t-il pas com- mis le hara kiri?” Réflexion faite, je ne le crois pas. Car les Canadiens éprouvent probablement une discréte jalousie a l'égard d’un homme public assez audacieux pour s’en prendre a des journalistes. Ces derniers, pour l’homme de la rue, appartiennent a une race a peine plus esti- mable que celle des politi- ciens. Quand méme, M. Trudeau a fait du tort —— notam-. ment en diluant la valeur de notre vocabulaire politique, cet instrument indispensa- ble a tout débat civilisé. Pis encore, il a approfondi da- vantage le gouffre de mé- fiance qui sépare gouverne- ment, opposition et presse, ces trois protagonistes qui doivent apprécier lucide- ment leurs fonctions respec- tives pour que la démocra- tie soit possible. C’est sans doute le bri- tannique George Orwell qui rédigea l’essai classique sur la relation entre rhétorique et liberté: “Politics and the English Language”. Citant en exemple le politicologue Harold Laski et, entre au- tres, Adolf Hitler, Orwell démontra de maniére cin- glante comment un langa- ge politique vague ou exa- géré méne a des program- mes vagues, exagérés et, du coup, autoritaires. Exemple: quand chaque petit démagogue qualifie de “génocide” la moindre petite injustice, le mot génocide ne suffit plus pour décrire le vrai génocide. Toutefois, le mot lui-méme tend a légiti- mer une répression extraor- demandé: ~ dinaire. Il en va de méme pour des mots tels que dicta- ture, oppression, anarchie ou insurrection “appréhen- dée” —— lorsque, a tort et a travers, on claironne ces mots dans des sociétés aussi libres et stables que le Canada, les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne. Au Canada pendant la derniére décennie, la dégra- dation du vocabulaire poli- tique a servi de véhicule pour toutes sortes d’efforts’ pour dompter le pouvoir. Dans 1|’Ouest, la colére dirigée contre |“exploitation par l'Est” dont l’origine réel- le recouvre plusieurs sujets ce mécontentement se trou- ve plutdét inscrite dans la géographie méme du pays. Mais cette colére, systémati- quement attisée, permet au premier ministre Peter Lougheed de se bAtir un fief isolationniste en Alberta, et donne aux trois autres pre- miers ministres provinciaux de !’Quest un cheval de bataille absolument sir pour se maintenir en place. Le premier ministre René Lévesque est le maitre in- contesté au Canada dans l'art de coller la réalité aux slogans. Malheureusement, son talent dans ce domaine étouffe tout débat honnéte au Canada anglais sur son hypothése de souveraineté- association car, pour lui, toute réticence qu’exprime- rait un anglophone a |’égard de sa théorie semble condamnable d’avance com- me du “terrorisme économi- que.” Quand l’hyperbole se fait a si bon compte, quels mots demeurent pour décri- re, par exemple, les “atten- tats aux genoux” que lan- - cent les Brigades rouges contre des industriels de Milan, ou méme pour définir un blocus économique? Joe Clark, quant 4 lui, se cherche une question natio- nale brilante pour se hisser au pouvoir. Quand il parle d’un gouvernement a la déri- ve qui gaspille les fonds publics, il n’a pas tellement tort. Mais il se couvre de ridicule, ainsi que son parti, quand il dénonce de soi- disant tentatives de M. Tru- deau de “liquider la Reine.” Ce faisant, M. Clark nous rappelle 4 nouveau qu’en matiére de monarchie au Canada ce n’est pas telle- ment la monarchie elle-mé- me qui géne; c’est plutét l'attitude a-plat-ventriste de certains de nos monarchis- tes. Le genre de monarchis- tes qui, le mois dernier en Colombie-britannique, ont rapatrié avec une réverence nullement entamée par T’ori- gine douteuse de la relique... une culotte intime de la Reine Victoria. Bon. Mais en inflation terminologique, M. Trudeau vient de déclasser tous ses rivaux. En affirmant que la. presse et l’opposition “atta- quaient la société” en atta- quant les libéraux, il nous offre des propos indignes de lui et sirement dangereux pour sa propre cause. Ses propos sont indignes de lui parce qu'il existe —— c’est normal aprés dix ans de pouvoir pour n'importe quel gouvernement —— une foule de questions ot les libéraux méritent ou une condamna- tion légitime ou bien, dans nombre de cas, des félicita- tions. Si les libéraux pouvaient accepter sans trop rougir les flatteries journalistiques en vogue au moment de la Tru- deaumanie de 1968, ils de- vraient manifester la bonne grace maintenant d’encais- ser les coups d’une presse plutot maussade. Au lieu de chialer, ils feraient mieux de nous offrir des programmes nouveaux et positifs, ainsi que quelques candidats au visage neuf et a lesprit éclairé. La véritable “attaque contre la société” c’est, en l'occurrence, le commentaire demesuré de M. Trudeau a Toronto. Il est vrai qu’il s’adressait 4 un public de ses partisans, public assoiffé d’un langage agressif pro- pre a lancer une contre- offensive pour garder le pouvoir. Mais M. Trudeau est allé trop loin pour sa dignité a lui et méme pour la santé de notre débat démo- cratique. En s’en prenant au droit de ses adversaires de le critiquer dans un style de virile polémique —— préci- sément dans le style de pola- risation-piége dans lequel il brille luieméme 4 l'occasion —— il nous force tous 4 nous interroger sur la marge déja menacée de liberté d’expres- sion dans ce pays. Les propos du premier ministre nuisent 4 sa cause a lui dans un sens plus person- nel: déja les relations entre la presse et le PM étaient a couteaux tirés. Au cours des -derniers mois, ces relations se sont dégradées au point qu’elles mettaient en danger la bon- ne foi fondamentale qui, en saine démocratie, permet au gouvernement et a la presse d’accomplir leurs devoirs respectifs avec une certaine intégrité. En mitraillant l’en- semble de la presse, en traitant celle-ci comme un groupe monolithique d’enne- mis, M. Trudeau coupe mé- me l’herbe sous les pieds de quelques journalistes qui, sur telle question, a tel moment, pourraient trouver qu'il est encore le meilleur chef en vue. La presse, tout comme le gouvernement, a besoin de critique solide et suivie. Par exemple, un des ces jours il serait opportun que quel- qu'un ‘nous ramasse dure- ment sur les gants. de velours qu’on a tendance a mettre lorsqu’il s’agit d’exa- miner la question la plus pertinente des prochaines élections: les aptitudes de Joe Clark en tant que pre- mier ministre potentiel du Canada. \ Nous, de _ la__ presse, n’avons pas besoin de cri- tique du genre ‘‘Dieu est avec nous” (les libéraux). Nous avons méme la curieuse prétention de croi- re qu’au moins deux diman- ches par mois, Dieu est avec nous (la presse). Les deux colom par Wolfgang EBERT [Traduit de l'allemand par Leon HURVITZ] | _Les propos qu’échange- rent MM. Begin et Sadat, en se félicitant a l'occasion de l’'annonce du prix Nobel, sont, grace a la presse et a la télévision, assez bien connus. Moins bien connu est un entretien qui eut lieu plus tard entre les deux hommes d’état. A peine les techniciens de la télévision eurent-ils écarté leurs appa- reils, M. Begin, reprenant le récepteur, composa le numé- ro de M. Sadat. Occupé! M. Begin attendit impatiem- ment, jusqu’a ce que la ligne fit libre, puis il entendit la voix de l’Egyptien. Sadate: Hello, Jimmy? Begin: Ici, il n’y a pas de Jimmy. Ce n'est que le pau- vre Menahem. Chez vous, malheureusement, les lignes étaient constamment occu- pées. S. Voila! On-ne me parle que d“occupation”. Qu’est- ce que vous venez d’occuper cette fois? Si vous ne Paban- donnez pas aussitét, je retire définitivement notre déléga- tion... B. En tant que titulaire d’un prix de la paix, vous n’étes plus en mesure de lancer de telles menaces. S. Ce maudit prix me pend autour du cou comme une pierre de moulin. Com- ment se fait-il que vous me rappeliez maintenant, quand l'appareil de télévision n’est plus 1a? B. Je le fais dans un seul but —— celui de discuter, finalement, du noyau du pro- bléme. Mais, avant de faire ¢a, je voudrais bien —— trop bien —— savoir avec qui vous causiez au téléphone derriére mon dos. Est-ce avec Hussein, ou méme Assad? . S. Vous étes tout aussi curieux qu'une vieille fem- me. C’est déja a Camp David que j'ai été frappé par _ cette caractéristique, quand vous faisiez un tel effort pour me faire trahir ce dont Jimmy venait de me parler. B. Et maintenant, qu’est- ce qu'il vous a dit? Ca aussi je vous le ferai révéler. A. Savez-vous ce que je voudrais savoir, moi? - brouillard. LE PANACHE politique. de sacrifices pour lui. conduire ces hommes la. DES MOTS QUI COMMENCENT MAL Il y a eu derniérement dans notre ville tellement de rassemblements de gens venus pour parler que ces mots inutiles font au-dessus de notre ville comme un Dans notre contrée consternée Par des conférences confuses, Des congressistes constipés Convolent vers la concordance. Mais la controverse conspire, Le concert n’est plus que conflit, L’un dit concave, l'autre convexe Alors les contraires se confrontent. Pour conclure leurs consultations Les confréres se congratulent, Contents de leurs conversations Les contrits jouent aux convertis. Confondu par leurs conclusions Je me demande ow nous conduisent Tous ces mots commencant par con... Rien de plus difficile 4 définir et rien de plus rare. Cela ne se cultive pas. C’est un don des dieux. II existe un mot anglais qui le définit 4 peu prés: charisma. C’est non seulement une attirance, presque un envofitement qui n'implique pas toujours un accord d’idée surtout en Ainsi tout chef de parti qui n ‘a pas de panache, n’a en définitif aucun avenir, quelles que soient ses capacités. Il n’est pas un chef, pas un meneur d’hommes parce que nul n’est prét a faire un minimum Car les humains sont ainsi faits qu’ils ne sont capables de souffrir pour une idée que si elle est présentée par un homme qui a du panache. - Malheureusement, l’on ne sait jamais ot peuvent nous en ff bes de la paix B. Non, mais je suis plus .qu impatient de |’entendre. S. Je voudrais savoir pourquoi, a cause de quoi, vous avez recu le prix Nobel. Est-ce parce que, en mars, quand vous vous étes préci- pité sur le Liban, vous n’avez pas procédé jusqu’a Beyrouth? Allé? Begin? vous étes toujours la? ou est-ce que vous avez déja raccro- ché?_ B. Sij je me suis rappro- ché? Ah, que vous me connaissez mal! Peut-étre que j'ai recu le prix pour vous avoir permis d’atterrir sur notre territoire —— permission que j'ai souvent _ regrettée, depuis le tohu- bohu que vous avez créé, chez vous-méme aussi bien que chez nous autres. S. Mais c’est 4 cause de celui-ci qu’on a décrété le prix Nobel —— a moi, tout au moins. Ca ne fait pas de doute. A vous, en revanche, ‘le prix semble ne vous avoir apporté que du malheur. B. Monsieur Sadat! S. Jusqu’ici vous m’avez toujours appelé “Monsieur le Président”. B. Mais vous, vous ne- m’‘avez malheureusement ja- -mais appelé ‘Monsieur le Premier Ministre”. Com- ment voulez-vous que le prix ne m’ait apporté que du mal- heur? S. Votre timing était misérable. L’implantation de ces colonies sur la rive ouest se serait passée sans inci- dent si vous n’aviez pas recu ——ace temps méme —-— le prix de la paix. Notre ami Carter, vous ne lui avez pas rendu, a lui non plus, un grand service. B. Depuis l’envoi de la lettre qu'il .m’a adressée dans le sillage de ces implan- tations, c’est votre ami, non pas le nétre. S. S’il entendait ce que vous venez de... B. Il l’a certainement entendu, et ca me laisse tout a fait tranquille. Vous et votre “soldat inconnu”! Quel- le sorte de pierre comptiez- vous ériger pour marquer le tombeau de ce soldat, quand vous avez dit ca? ‘S. Sorry, ma femme m’appelle a table. Good- bye, Monsieur le Prix-de- la-Paix. B. Ah, je vais me venger - 4 Oslo, a l’octroi des prix! 2 Sy Sis om