Le Moustique Edition No 13 Novembre 1998 ... suite du Monologue... réaction était a la fois pey raisonnable, trés incomfortable et assez douloureuse, aussi ai-je décidé un jour de grande sagesse, de me servir autrement de ma téte. A l'inverse de la génération que mes parents ou mes enfants illustraient, la mienne allait se caractériser par de grandes décisions au niveau domestique et une abstention prudente au niveau planétaire. Je resterais ainsi dans la lignée générale de la famille. J'ai donc imaginé la parabole du dé. Prenez une table et placez deux chaises de part et d'autre. Asseyez-y deux savants ou deux chercheurs ou tout autre esprit remarquable, de maniére 4 ce qu'ils soient face a face. Déposez enfin un dé sur la table, entre les deux personnages et demandez leur de décrire ce qu'ils voient. Le premier, prenant un air assuré dira qu'il peur observer un petit carré de couleur créme, contenant en son milieu, disons, un point noir. L'autre, aussit6t, fera un bond sur sa chaise et fera remarquer 4 son honorable collégue, pour lequel, d'ailleurs, il a le plus grand respect, qu'il est complétement idiot. Car s'il y a bien un carré créme en face de lui, celui-ci contient, en fait, six point noirs. Et les discusions iront de bon train, et le ton montera, et les empoignades s'ensuivront car comment peut-on admettre, comment peut-on méme concevoir que de telles sornettes puissent étre proférées, alors que la vérité est ld, visible, impossible 4 manquer. A moins, bien sir que l'on fasse preuve d'une mauvaise fois incroyable, une insolence effrontée, a vous retourner le sang. Il faut parfois attendre longtemps avant qu'une tierce personne ne s'assoie 4 son tour a la table. Sur un tabouret par exemple. En tous les cas dans un angle totalement différent qui lui donnera une autre perspective du dé, de l'objet, du probléme. Et ce troisiéme savant qui, lui, passera pour un sage, pourra dire au premier personnage qu'il a de bonnes raisons de s'emporter car il a raison. Qu’il a tort également car le second a raison aussi..et tort tout 4 la fois. Qu'en fait chacun détient une partie de la vérité. Deux parties différents d'une vérité plus complexe, appartenant 4 un niveau supérieur de compréhension. Cette historiette m'aura beaucoup aidé dans mon enfance. Qu'un compagnon se plaigne, par exemple, qu'on lui ait volé ses billes, alors qu'on lui aurait gagnées. J'étais ld. J'agissais toujours en juge, car je savais que les responsabilités étaient toujours partagées. Je tranchais donc et me faisais battre. On se fait énormément d'ennemis en n'appartenant 4 aucun parti. J'ai donc appris 4 me défendre, car la philosophie appliquée est en effet dangereuse. Ainsi, ai-je commencé a me faire respecter : mais, tout aussit6t, jai perdu ma clientéle. Il apparaissait évident que la meilleure consolation pour des plaignants ne pouvant obtenir satisfaction était de se défouler sur |'arbitre. .. SUITE...