} wr een tannin won ean cma mami 5 pte gt oe ease 4, TELE-SOLEIL, Vendredi 20 octobre 1978. Affrontements ouvriers-bourgeois:“Race de monde” On pourrait dire que, depuis dix ans, Victor-Lévy Beaulieu n'a pas cessé d’écrire et de pu- blier. En 1968, il fait paraitre d'abord aux Editions Esterel Mémoires d’outre-tonneau. Puis, devenant lui-méme éditeur |'an- née suivante, il publie successi- vement chez VLB /a Nuite de Malcomm Hudd, Pour saluer Victor Hugo,-les Grands-péres, Jack Kerouac, Oh Miami, Mia- mi, Miami, En attendant Trudot, Don Quichotte de la Démanche, - Manuel de la petite littérature du Québec, Blanche forcée, Ma Corriveau, Jos . Connaissant, Monsieur Zéro, et, tout récem- ment trois ouvrages sur |'au- teur de «Moby Dick» intitulés Monsieur Melville. Doué d’une pensée vigoureu- se, d'un art bien a lui pour jouer avec les mots, d'une franchise parfois brutale et d'un style ex- trémement original, pour ne pas dire iconoclaste, Victor-Lévy Beaulieu fait souvent sursauter ses lecteurs.. Quant aux criti- ques, tous d’accord sur son ta- lent unique, ils ne |’ont pour- tant jamais ménagé. A le lire, 4 entendre ses tex- tes a la radio ou a la télévision (on se souvient de son téléro- man Jes As), on pourrait croire que Victor-Lévy Beaulieu est une sorte de_ révolutionnaire, voire de terroriste genre «bour- geois, n'approchez pas». Dans la vie, |'auteur de Race de monde (qui débutera le mer- credi 25 octobre a 20 heures) est l'homme le plus charmant du monde. II vous recoit avec une simplicité désarmante, dé- contracté, souriant, la pipe a la bouche et la main tendue au tra- vers de son immense table de travail jonchée de paperasses et flanquée d'un téléphone qui carillonne sans arrét. Ceci.n'en fait pas pour autant un capitalis- te bon teint mais, chose cer- taine, un homme qui vit simple- ment, dans une maison modeste. de Montréal-Nord ol, sans ce satané téléphone, il aurait la paix la plus compléte, en plus d'une vue en plongée sur la ri- viere des Prairies comme toile de fond a sa table de travail. Pourquoi Race de monde? Quand on lui pose la question, Victor-Lévy Beaulieu répond en sortant d'un rayon de sa biblio- théque son roman Race de mon- de paru aux Editions du Jour en 1968... un livre dont on a dit qu'il était «dur, presque obsceé- ne parfois, blasphématoire sou- vent... un livre rabelaisien». Ce qui fait sourire |’'auteur qui y a puisé largement pour construi- re son téléroman: «Je me suis inspiré de mon roman pour la plupart des personnages de la famille Beauchemin, des ruraux qui ont quitté leur terre pour ve- nir s'installer 4 Montréal ow ils nese sont jamais adaptés, du moins les parents. Pour les en- fants, ce sera différent parce qu’ils étaient bien jeunes quand ils sont arrivés en ville. En pa- ralléle avec les Beauchemin, fa- mille modeste, pauvre méme, ou on mange de la vache enragée plus souvent que du filet mi- gnon, je fais vivre la famille Pi- card, une famille bourgeoise ou l'argent ne manque pas mais ou les problémes sont d'un autre ordre. En fait, les deux familles vivent des problémes trés quo- tidiens mais sur des plans dif- férents. : «Chez les Beauchemin, les préoccupations matérielles pri- ment constamment. Ils sont bien _ plus prés du survivre que du vi- vre. Le pére ne gagne pas grand- chose. Les enfants, sauf Steven, boursier du gouvernement ac- tuellement en Europe, et Abel, employé de banque et pressé de sortir de son milieu au plus vite, les enfants Beauchemin, dis-je, n‘ont pas eu la chance de s’ins- truire, donc de s’élever dans "échelle sociale. Ils ont donc une mentalité bien spéciale et des réactions propres aux gens qui connaissent les inconvé- wee :> : ; rien nients de la pauvreté. «Chez les Picard, tout est dif- férent. Pierre Picard; ex-direc- teur du journal Le Réveil, est un brasseur d'affaires. L’argent ne compte pas pour lui, ou si peu qu’il le distribue généreusement sans grever son. budget. II croit pouvoir tout acheter, méme la paix de son ménage en dotant sa femme d'une boutique de mode payée le prix fort. Il ap- prendra a ses dépens que I'ar- gent ne fait pas le bonheur. Sa femme ne lui montre guére de reconnaissance et elle lui repro- che plutét de lui avoir fait ce ca- deau somptueux pour excuser ses fredaines. «Pierre Picard réplique en se fachant, naturellement. Réaction qui le caractérise; dans /es As, il était presque toujours enragé contre quelqu’un ou quelque chose. Mais je le montrais ain- si dans son milieu profession- nel. Dans Race de monde, Pier- re Picard apparaitra bien plus sous les traits du mari et du pére. I] sera beaucoup plus hu- manisé. On le verra dans ses relations avec sa fille Catheri- ne, amoureuse du jeune Abel Beauchemin, avec son fils Ro- bert, un dréle de bonhomme au caractére instable et excentri- que, enfin avec sa femme Hu- guette, une névrosée qui ne sait plus par quel moyen attirer I'at- tention de cet homme qu'elle a aimé, qu'elle aime toujours mais qui ne I’aime plus depuis long- temps. «Comme vous voyez, l’action de Race de monde se situe tou-, jours sur deux niveaux diffé- rents: deux niveaux de vie, deux niveaux de langage au sein des problémes les plus quotidiens et 4 travers le con- _ flit des générations.» : “oo Me 29D Avant de s’arracher a sa ta- ble de travail pour aller a un rendez-vous, Victor-Lévy Beau- lieu nous dit sa joie d’avoir comme réalisateurs des hom- mes comme Maurice Falardeau et Jean-Yves Laforce et comme interprétes des comédiens ex- traordinaires... «les jeunes, par- ticuliérement, qui m’ont renver- sé tellement ils jouent comme des professionnels». : Fernand Coté La distribution Lionel Villeneuve .. Pierre Picard Monique Lepage .... Huguette Picard Marc Malenfant .... Robert Picard Claire Bourbonnais .... Catherine Picard Paul Hébert .... Charles Beauchemin Monique Aubry : .... Mathilde Beauchemin Robert Rivard .............. Oncle Phit Mireille Deyglun : .... Colette Beauchemin Louise St-Pierre .... [sabelle Beauchemin Michel Dumont .... Jos Beauchemin Jean-Luc Montminy .... Abel Beauchemin L’équipe de production Maurice Falardeau et 5 Jean-Yves Laforce .. réalisateurs Lyse Desjardins et Nicole Lefebvre .... Script-assistantes Jean Gadoua : .... assistant ala productio: Jacques Desrosiers .. décorateur Charles Boulay .......... ensemblier Louise Bach ............ maguilleuse Gérard Hébert costumier . Guy Desmaaris .... directeur technique Bij Shits we Saget Une fresque de la société américaine a travers une famille de noirs C'est a compter du 25 octobre que les téléspectateurs pourront voir la série «Roots», Racines, tous les mercredis soir dans le cadre de Hors série, a 20 h 30. Cette série, la plus populaire de toute l'histoire de la télévision américaine, sera présentée en primeur sur la chaine frangaise de Radio-Canada. Bien que les 12 épisodes de cette série racontent l'histoire d'une famille de noirs, en re- montant jusqu’a leur ancétre africain, cette fresque ne se li- mite pas a décrire leurs coutu- mes et leurs moeurs. A travers la vie de chacune des généra- tions de cette famille, c'est aus- si l’évolution de la société amé-. ricaine qui nous est dévoilée. C'est sans doute la premiére fois qu’il nous est possible d’a- voir une vue panoramique sur ~* deux cents ans d'Histoire. ' Cette série nous confronte avec des réalités difficilement acceptables mais dont on ne saurait nier l’'existence. On as- siste, dans Racines, & un témoi- gnage sur l'expérience vécue par les ancétres de l’auteur. Au- dela de l'anecdote, c'est cha- que homme et chacune de.ses valeurs qui sont remis en question. Le racisme est loin d’étre de- venu chose du passé. Mais mé- me les racistes d'aujourd’hui réagiront devant l’ampleur d'un défaut qui devient monstrueux lorsqu’on lui permet de se dé- velopper. Chaque téléspectateur, quels que soient son pays, sa langue ou ses convictions, sera touché par la cruauté dont on a fait preuve envers les noirs. Cet exemple place chacun face ~ € ses propres questions sur "humanité et ses tendances multiples. Premier épisode L'histoire débute en Gambie, Afrique, avec la naissance de Kunta, dans un petit village. L'enfant grandit dans le calme et le bonheur de sa vie fami- liale ot il apprend a chasser et a se défendre. On sait déja dans le pays que des hommes blancs volent des noirs et leur mettent des chaines aux pieds. Au cours du deuxiéme 6épiso- de, on assiste aux rites de |'ini- tiation de Kunta et de ses com- pagnons qui doivent subir cer- taines épreuves avant de deve- nir un homme. C'est au cours _ de cette initiation que le gar¢gon est capturé par des hommes blancs qui l’embarquent avec d'autres jeunes sur un navire. Cent cinquante noirs sont ainsi enchainés et entassés dans les cales infectes. Plusieurs seront malades et certains mourront. Le troisiéme épisode nous montre les inutiles tentatives des noirs pour se libérer et leurs difficiles conditions de vie sur le bateau. Le manque d'hy- giéne et la répression causent plusieurs décés. Ils arrivent en Amérique le 29 septembre 1767. Au quatriéme épisode, on voit le maitre de Kunta qui, aprés l'avoir acheté, a le droit de lui donner un nom. II choisit celui de Toby, ce que Kunta ne peut admettre, pas plus que ses chai- nes. Le maitre le confie & Violon qui est chargé de lui apprendre a obéir et a travailler dans la plantation. Au cinquiéme épisode, nous, nous retrouvons 12 années plus tard. Kunta est maintenant agé de trente ans. Bien qu'il se soit adapté a sa vie d’esclave, il n'a pas perdu son désir d’étre a nouveau libre. Il fait ainsi une nouvelle tentative d’évasion et cette fois en le rattrapant, on s'assure qu'il ne recommencera pas: on lui ampute le pied droit... Lorsqu'il se réveille, il décou- vre qu'il est maintenant au service du frére de son ancien maitre. Le sixiéme épisode, qui se situe deux ans plus tard, nous montre Kunta qui est mainte- nant marié et qui est devenu le cocher du maitre, le docteur William. Plusieurs esclaves s’é- chappent vers le nord mais Kunta devenu le pére d'une fille décide de rester avec sa petite famille. Au septiéme épisode, nous nous retrouvons seize ans plus tard. Kizzy, la fille de Kunta, est maintenant une belle adolescen- te. Noah, un jeune noir menacé d'étre vendu et éloigné de sa mére et de son amie Kizzy, dé- cide de s’enfuir. Parallélement, Kizzy se réjouit du retour de la niéce du docteur qui a été sa meilleure amie d’enfance. Mal- heureusement, elle sera elle aussi vendue et amenée loin de son pére et de sa mére. Le huitiéme épisode nous pré- sente Kizzy et son fils George, dix-huit ans plus tard. Pour la premiére fois, Kizzy restée cé- libataire tombe amoureuse du cocher d'un riche sudiste en visite a la plantation mais elle refuse de |’épouser pour de- meurer auprés de son fils. Le neuviéme épisode se situe 17 ans plus tard. George qui a maintenant 35 ans a été surnom- mé «chicken George» & cause de son habileté 4 dresser les cogs de combat. Il est marié et a plusieurs enfants. A cause d’événements imprévus, sa mé- ae re lui avoue que le docteur Wil- liam est son pére. Cela n’empé- chera d’ailleurs pas celui-ci de vendre George, son fils, peu de temps aprés. Malgré la promes- se faite € George de protéger sa mére, sa femme et, ses en- fants, il les vend a quelqu’un d'autre aprés son départ. Au dixiéme épisode, George retrouve sa famille. Nous som- mes alors en 1859 et il est de- venu un homme libre. Aprés plusieurs années de séparation, il retrouve enfin sa femme et ses enfants qui ont été achetés par M. Harvey. Comme ceux-ci sont encore esclaves, -il n'a pas le droit de vivre avec eux. C'est le début de la Guerre civile, et de nombreux événements chan- geront la vie de son fils Tom et de sa famille. Au onziéme épisode, nous nous retrouvons a la fin de la Guerre de sécession. Bien que l'esclavage soit alors aboli, cer- tains blancs .tentent de terro- riser les noirs afin de continuer a les exploiter. Le douziéme épisode nous montre les problémes des noirs dans cette longue lutte vers une liberté difficile 4 conquérir. Nous assistons au cours de cet épisode au retour de Chicken George et au départ de toute la famille pour le Tennessee. L'auteur: Alex Haley Durant son enfance qu'il pas- se, en été, avec sa grand-mére a Henning dans le Tennessee, Alex Haley entend souvent les . vieillards raconter des histoires d'esclaves et de plantations qui remontent 4 un passé menant toujours a un homme nommé l'Africain. Ce sont ces histoires — *r esas concernant le passé de sa famil- le qui le poussent a entrepren- dre, en 1962, des recherches qui- vont durer 12 ans et vont l’ame- ner a découvrir son ancétre africain. Cette enquéte |’a mené jusqu’en Gambie, lieu de nais- sance d'un garcon nommé Kun- ta. Kinte qui avait été vendu comme esclave en 1767 et trans- porté aux USA. 150 ans séparent l’arrivée de Kunta en Amérique et la géné- ration d’Alex Haley. Racines ra- conte l'histoire de cette famille et, en tracant le portait de ses aieux, l’auteur nous présente aussi une fresque de la société américaine. Jusqu’a |'age de 37 ans, Alex Haley parcourt le monde en tant que garde-céte. En 1959, il commence a écrire a plein temps, ayant déja une certaine expérience puisqu’il avait été journaliste pour le Coast Guard. Bientét il vend des articles a des magazines comme Harper, The Atlantic. Monthly et The New York Times. Durant plu- sieurs années, il écrit des inter- views pour la revue Playboy. Et c'est aprés avoir interviewé - Malcolm X qu'il prend deux ans pour écrire l'autobiographie de celui-ci, livre qui fut publié en huit langues. Depuis 1962, il s'est. entiére- ment consacré a Racines ou «Roots» qui a été publié en 1976 _ et qui est rapidement devenu le: plus grand best seller des USA. C'est de ce livre que l'on a tiré la série qui vous sera présen- tée a Hors série tous les mercre- dis & 20 h 30. Héléne Fecteau