a \ eae y 8 - Le Soleil de Colombie, vendredi 24 novembre 1989 VOYAGES Par Jean-Claude Boyer Paris, 20 septembre 1984. Je suis hébergé depuis quelques jours par les religieux de Sainte-Croix - mon ancienne communauté. L’arrivée de Mon- tréal, hier, des deux soeurs du frére D'Amour m’a obligé de: m installer provisoirement dans la lingerie. Lit pliant, propreté, tranquillité, je n’en demande pas plus. J’ai, en fait, dormi comme une marmotte. Avant de quitter |’6tage-résidence, je me laisse «accrocher» par Berna- dette, la ménagére, qui me sert un monologue compliqué sur ses malheurs de famille. (En deux mots: une de ses soeurs est morte brdlée, victime d’une explosion survenue alors qu’elle allait rendre visite a sa mére mourante; celle-ci est décédée le lendemain et sa soeur, deux jours plus tard.) Cette brave Martiniquaise est solidement «accrochée» a la religion. Je parviens a grand-peine a me «décrocher» de ses drames pour me rendre a la station Picpus, puis aux Invalides, |’ensemble monumental concu par Louis XIV (1670) pour abriter les soldats blessés a son service. Surprise devant la noble facade: un défilé militaire se met en branle, agrand renfort de marches triomphantes, de cavaliers musiciens aux pana- ches rouges, de limousines... Vient tout juste de passer devant moi celle de M. Mitterand. L’événement? La passation des pouvoirs d’un gouverneur des Invalides a un autre, medit-on. Une cérémonie de remise de décorations a également eu lieu, en grande pompe. Appareil-photo en main, excité comme un gamin, je bombarde la scéne de «clic!». Défilent uniformes blancs, kaki ou bleu marine, galons, médailles et 6cussons v6yants; casques, casquettes, képis (aigrettes rouges), bérets de cété... Gauche, droite, gauche, droite. Une ‘centurie’ entonne un air glorieux. De rares moustaches, toutes en croc. Ce défilé de militaires gantés de blanc et armés proclame avec éclat les vertus del’ordre et dela discipline. La-majestueuse fagade des Invalides est séparée d’une grande esplanade par des fossés et des murs en forme de fortification. Des canons de bronze s’alignent, pacifiques. Deux chars allemands, capturés en 1944, encadrent |’entrée. Au centre, magnifique — portail: Louis XIV a cheval, entourée de la Prudence et de la Justice. Au-dessus, le fier tricolore. Jiobserve une vingtaine de jucarnes joliment décorées de trophées. Un d6éme gracieux, au fond, domine ce vaste décor. Un brin d'histoire. Avant le reégne du grand Monarque, les vieux soldats invalides étaient pratiquement réduits a la mendicité. La construction de ce vaste complexe permit de donner refuge a sept mille d’entre eux alafois. Le matin du 14 juillet 1789, des émeutiers s'y sont portés pour se munir d’armes. Vingt-huit mille fusils furent emportés! En 1840, Ihétel des Invalides regoit les cendres de Napoléon Bonapar- te, qui avait un jour déclaré: «Je: désire que mes_ cendres reposent sur les bords de la Seine au milieu de ce peuple francais que jai tant aimé». Aujourd’hui, ces batiments vénérables hébergent, en plus d’un nombre restreint de pensionnaires, |’Institution na- tionale des Invalides, le musée de |’Armée et quelques services militaires. En me présentant au guichet, j’apprends que seules les cartes d’étudiant des moins de 30 ans sont acceptées. Tant pis. On miinforme que le billet est valable pour deux jours. Tant mieux. Je me demandais justement comment «conqué- rir» un tel monument en un seul jour. Contentons-nous du mu- sée de |’Armée pour aujour- ‘’abondance et d’hui. A l’attaque. Je suis fort impressionné par l’excellente présentation des armes et armures, qui permettent de suivre en détail |’évolution des moyens individuels de défense et d’attaque. Une légion de mannequins donne vie au moindre accessoire. (Curieux ce bruit que font mes chaussures sur ces vieux planchers de bois.) J’admire les somptueux harnais ciselés des rois de Paris, les France, les épées, dagues et rapiéres de la Renaissance ou les armes a feu signées des plus célébres armuriers. En entrant dans la _ salle voisine, je suis accueilli par les premiéres mesures dela Grande Marche d’AIDA, l’opéra de Verdi que j'ai l’intention di’aller écouter a Beaubourg en fin d’aprés-midi. Se succédent ensuite diverses marches mili- taires, dont mon pére aurait raffolé. Mais ce qu’il est riche ce