12 Le Soleil de Colombie, Vendredi 10 Juin 1977 Loin de Chicoutimi Un francophile de Nanaimo C’est un samedi soir, récem- ment, sur la céte du Pacifique. Le soleil est en train de se coucher derriére les montagnes. Le vent souffle de ]’est. apporte la puanteur de l’usine de pate a papier a la ville. Déja les véhicules des jeunes roulent dans les rues. “Nerveuse”, je demande 4 ma femme. “Un peu”, répond-elle. “Moi aussi”, j’'admets. Nous sommes dans notre voi- ture, approchant de notre desti- nation. “C’est 1a,” m’indique ma fem- me, aprés avoir regardé l’adres- se. “Es-tu certaine”, je lui deman- de. “Il est presque huit heures et il n’y a pas d’autres voitures.” Elle me récite |’adresse. “Mais ot sont Jes autres”, je me demande 4 haute voix tandis que je stationne la voiture devant une maison verte d’am- ples dimensions. “Pourquoi est- ce que...” “Regarde,” interrompt ma femme. Une autre voiture arrive. “C’est Mme St. Laurent,” m’informe ma femme. Nous sortons de Ja voiture et nous attendons. “Hi! Is this the place?” dit Mme St. Laurent en sortant de sa voiture. “We think so,” je réponds, transpirant, aprés avoir prati- qué mon francais en route. “Te met the Sabourins, but I've never been here before,” explique Mme St. Laurent. Le placotage continue en an- glais. Nous atteignons la porte. Mme St. Laurent appuye sur le timbre. Je regarde ma femme, qui me donne un sourire inquiet. De la sueur apparaft sur mon front. Je recherche un mouchoir pour l’essuyer, mais la porte ouvre avant que je puisse le trouver. : “Bonsoir. Rienvenue”, dit une affable vieille dame portant une chemisette et des pantalons. “Bonsoir Mme Sabourin. Com- ment ga va,” répond Mme St. Laurent. Nous sourions nerveusement, puis regardons nos souliers. “Assez bien, assez, bien,” révé- le Mme Sabourin. “Alors,” dit Mme St. Laurent, “je veux vous faire rencontrer Mme et M. Gunnarsen — Don et Janet.” “Bonsoir. Mon plaisir.” dit ma femme timidement. “Je vous en prie,” joffre, bien doucement, avant 7 remarquer mon erreur. Les femmes étant plus que gentilles, ne rient pas. De nou- veau, je recherche mon mou- choir pendant que Mme St. Laurent et puis ma femme donnent leurs manteaux 4 Mme Sabourin. Je garde mon veston, mais aprés étre entré dans le salon, je le regrette. Le salon, a cété de l’entrée, est absolument propre. étincelant. Et grand. Fnorme méme. D’au- tant plus que tous les meubles sont placés contre les murs. Un feu briile dans le foyer — c’est la raison pour laquelle je regrette d’avoir gardé mon veston. Sur ” 9 des planches, ici et 1a. sont les - photos de la famille. et plusieurs ic6nes. M. Sabourin, un ancien fermier des prairies. je -décou- vre, est devant la télévision, regardant un match de hockey (a ma surprise sur un canal an- glais). “Bonsoir”, dit-il. et puis il se léve. “Bonsoir, M.* Sabourin”, ré- plique Mme St. Laurent en méme temps que je déboutonne mon veston. Mme St. Laurent est trés au courant de notre nervosité. “Je veux vous faire rencontrer Mme et M. Gunnar- sen —- Don and Janet.” “Mon plaisir”, dit ma femme a M. Sabourin. “Enchanté, je Jui ais. lui serrant la main. Les formalités sawplet sas: nous prenons des chaises et essayons de nous mettre a l’aise. “Quels sont les points’, je demande a M. Sabourin qui est retourné a la T.V. “Cing a un pour les Cana- diens,” il me répond. Mme &t. Laurent explique a Mme Sabourin que ma femme et moi avons récemment appris le francais et que nous avons joint. leur groupe I’automne passé. “Oui,” dit Mme Sabourin si- multanément intéressée et éton- née. “Oui,” je soutiens. haussant les épaules. Mme &t. Laurent avait raison. Ma femme et moi-méme, nous deux les Anglophones, avons récemment appris le francais, et nous joignions la société locale des Francophones afin d’avoir un contact avec le monde Canadien- Francais en cette partie ci du pays. Jusqu’é ce moment 1a toutes nos relations étaient avec l’animatrice régionale et plu- sieurs autres dans un petit bureau au centre de la ville. Je ne sais pas du tout pourquoi nous avons décidé d'assister a la réunion du soir en question: la réunion annvelle.-Mais. de toute facon, nous étions ]a Les Canadiens marquent un autre but. I.e timbre sonne de temps en temps. J] v a d’autres présentations, et de la conversa- tion. Les Canadiens marquent une fois de plus. J’enléve mon veston. Le représentant du Secrétariat d’Etat arrive (hélas, la société est subventionnée) puis Mme Sabourin éteint la télévision et la réunion commen- ce. C’est une réunion comme tou- tes les autres, je décide en méme temps que ]’ordre du jour est adopté, la secrétaire donne son rapport. Mais un petit peu plus tard, je change mon idée: la société des Francophones n'est pas comme les “Lions.” C’est Mme St. Laurent qui m’en donne la preuve. ‘Vous savez,”, elle. ma conci- toyenne, dit au représentant du Secrétariat lorsque tout le-re- portage est complété, “nous ne pouvons pas survivre sans votre - aide. C’est difficile d’étre un Francophone ici, dangereux mé- me de parler dans les rues. -“Dangereux,” je répéte a moi- méme. “Il y a des bigots certai- nement, mais dangereux? Hmmmm.” Fn principe, pour garder notre maigre. vocabulai- re, ma femme et moi parlons notre sorte de francais presque toujours; dans Jes rues, chez nous —-n’importe ow: De plus, de temps en-tenips, je rencontrre ; ~ une amie francaise avec qui je ne parle que le francais — et elle rit impitoyablement & mon accent. En tout cas, je ne me suis jamais senti en danger (sauf de la Frangaise). I.a seule chose extra- ordinaire qui se soit passée si je me rappelle correctement était quand une femme. aprés avoir remarqué le porte-monnaie de la francaise, l’a traité avec condes- cendance en disant: “You habi- tants sure do beautiful artwork.” Le porte-monnaie était fait par un artisan de la région. La francaise est loin d’étre une habitante. C’était mon tour a rire. . “Dangereux”. Le mot résonne dans ma téte tandis que Mme St. Laurent continue. “L’aide est essentielle,” souli- gne-t-elle, “mais vos réglements: Mon Dieu!” “Quai,” ajoute une dame prés de M. Sabourin. Comme plus de la moitié des gens dans le salon, elle est assez vieille. Il n’y a personne qui ait moins de trente ans —- sauf le représentant du Secrétariat d’Ftat. peut-étre. “Les réglements sont les mé- mes partout,” explique-t-il. “Mais ils ne sont pas justes,” Mme St. Laurent commence de nouveau. ‘““Si nous faison de l’argent le montant que vous nous donnez est toujours dimi- nué. Nous ne pouvons pas avan- cer; nous ne pouvons pas construire quelque chose pour montrer notre présence aux autres.” “Vous pouvez utiliser votre langue,” je pense. — “Le Secrétariat d’Etat veut vous voir faire du progrés vous- méme, révéle le jeune fonction- naire. _ “Comment,” St. Laurent, évidemment en colére. “C’est_ a vous A le résoudre,” dit le représentant. Nous ne le résolvons pas. Le sujet change. Une femme avec un accent fortement québecois dit qu'il serait gentil d’avoir des cadets de ]’armée au prochain banquet pour donner un air chic a la soirée. Ie représentant me donne un coup d’oeil que je retourne, pensant. 4 la fois, aux bons soldats de “Jia Guerre, Yes Sir.” Nous ne pean: pas cela non plus. Puis le moment. a6 Vélection des officiers arrive. Je relaxe un peu. Méme ma femme. Nous n’allons étre élus 4 aucun poste. Zut! Nous avons tort. Mme St. Laurent nous nomme. Je dis que nous ne sommes pas exactement les meilleurs exemples des Fran- cophones. Personne n’est d’ac- cord. Nous devenons membres d’une sorte de comité. _ Je retire mon mouchoir de ma poche. Les affaires se termi- nent. Temps pour le vin et fromage. @ Mme Sabourin a préparé assez. de nourriture pour une armée et demie. Le vin et le fromage sont perdus au milieu des autres plats. Fncore tremblant de l’élection, je ne peux pas man- ger. Heurevsement. deux cou- ples, qui me sont inconnus, ‘arrivent de mordiller ma part. - Les femmes, toutes les deux, ne parlent pas le franeais. La conversation devient. de plus en plus anglaise. Plusieurs des hom- mes disparaissent 4 la cuisine. Aprés quelques instants, je re- demande Mme trouve mon veston et nous _ partons. “Ca va,” je demande a ma femme tandis que nous mar- chons vers la voiture. “Pas mal,” elle me répond. Je mets la voiture en mar- che. “C’est triste,” dis-je un peu plus tard. “Quoi?”, me demande ma fem- me. “Ces gens la, les Canadiens- Frangais: ils leur manquent de la confiance en eux-mémes. Méme plus que nous a Ja réunion, si c'est possible.” “Qui. Ft ils sont les ressources naturelles pour Je gouverne- ment,” ajoute-t-elle. “Tl y a plus de trois cents ans qu’ils sont ici. Qu’est-ce qu’on peut faire,” je conelus. Un jeune chauffard. un des vrais dangers dans les rues, nous frappe presque. J’espére qu'il n’est pas la pour Ja prochaine réunion. Décés M. Oscar Alain Le 21 avril dernier décédait a Maillardville M. Oscar Alain, époux de Jeanne Drolet. pére de Théodore, de Jeannine, Mme Laurent I.évesque, et pére adop- tif des jumelles Laurette, Mme Rossmussen, et Lorraine, Mme Darnel. Né a Alainbourg. comté d’Ar- thabaska, P. Qué., bourg nommé d’aprés ses ancétres venus de la Normandie, i] émigra aux Etats- Unis en 1918. De retour en son patelin en 1930, i] vint s’établir en Alberta, ov i] travailla succes- sivement 4 Edmonton et a St-Paul. Ce bel étranger ne passa pas jinapercu 4 Mile Jeanne Drolet, qui le remarqua dés son arrivée dans ]’Quest, mais. ce n’est qu’en 1940 qu'ils s’épousérent en l’église de St-Paul. M. Alain était en ce moment 1a 4 l’emploi de I’école industrielle indienne Blue Quail Schoo] dirigée par les Oblats de Marie Immaculée. Lorsque les Péres Oblats fu- rent appelés a diriger la destinée de l’église N.D. de Fatima, M. Alain fut attiré 4 Maillardville, ou il arriva en 1942. Mme venant le rejoindre, accompagnée de Laurette et Lorraine. fillettes que ce jeune couple adopta ‘ |également en 1945 Le couple Alain encouragea constamment de sa présence active tous les groupements d’expression francaise. et leur église paroissiale. M. Gilles L.izée. organiste a Véglise N.D. de Fatima, faisait remarquer aux membres de la chorale que, malgré une condi- tion cardiaque assez prononcée, M. Alain, depuis plusieurs an- nées assistait 4 toutes les funé- railles, et c’est avee un certain respect qu'il dirigea. aidé de — Mme Th. Lagrange la partie musicale du service funébre. Son neven, le Rév. Pére Raymond Alain, o.mi.. célébra la messe du 24 an soir, tandis que son frére, le Rév. Pére Théodore Alain, 0.m.i.. chantait le service funébre. le lundi 25 avril 1977. Il laisse pour pleurer sa perte, outre son épouse. Jeanne, ses | enfants, Jeannine et. Théodore, son beau fils I.aurent Lévesque, sa bru Sandra, et Laurette et Lorraine ses filles adoptives’ et. maris, ainsi que 11 petits en- fants. A la famille éprouvée, les Maillardvilliens offrent leur plus profonde svmpathie. Mme P.J. PAQUETTE M. Adélard Sauvé Le jeudi 26 mai 1977 avaient lieu les funérailles de M. Adélard Sauvé de Maillardville en I’église N.D. de Lourdes. Le service funéraire fut chanté par le Rév. Pére Gérard Chabot o.f.m., curé de la paroisse, assisté de M. Yabbé Nestor Therrien.’ lequel - pronong¢a une courte homélie, rappelant durant quelques mo- ments, les activités de ce patrio- te qu’était Adélard Sauvé. Fils ainé d’Hvacinthe Sauvé, Adélard naquit le 9 novembre 1895 a Corran Ontario. Lorsqu’il eut quinze ans, ses parents déménagérent a Ste Rose de Lima, Manitoba. Dans ces para- ges, Adélard passa sa vie de jeune homme, et en 1920 épousa Mlle Bernadette LaFrance en l’église paroissiale de Ste Amé- lie, Manitoha. Poussé par ]’aventure et le désir d’améliorer le sort de sa jeune famille i] vint s’établir a Maillardville en 1926. Peu de temps apres i] fut embauché a la Fraser Mills. Dés son arrivée dans notre patelin, Adélard devint actif a la création de la Caisse Populaire, ou il tint plusieurs postes au comité de la direction; a son décés il était encore son “ange gardien”, c’est-a-dire qu'il véri- fiait chaque soir et chaque matin si tout était sous contréle, portes et fenétres fermées. stationne- ment et parterre en bonne. condition, etc... Un des fondateurs de la Socié- té Bi-Culturelle, i] fut encore l'automne dernier réélu au poste de secrétaire-financier. voyant ainsi de prés 4 Ja bonne marche du Foyer Maillard. énaulant le travail du président de la Socié- té,-M. A. Braconnier et du gérant, Viens, vovant en plus a louer et percevoir les loyers de la maison de la Société située a 1005, avenue Brunette. Il tenait aussi au moment de sa mort, le poste de trésorier, a la section francaise. Branche 86, du mouvement 0.P 4. (Old Age Pensioners) de la-C B Membre actif de Ia F.F.C., les plus anciens se rappellent sa - présence constante A toutes les réunions et aussi sa participation totale, car M. Sanvé ne savait pas rester indifférent. 4 la desti- née de ses compatriotes. Retraité de Ja Fraser Mills depuis 1960, i] demeura actif jusqu’au dernier mois. Plusieurs ° regretteront son départ si rapi- de, aprés cette courte maladie. Le couple Sauvé eut trois filles: Jeanne, Mme Ben Rebantab; Laurette. Mme Ber- nard Brennan, de Maillardville; et Julie, Mme Harvev Wilson, de Surrey. Il laisse pour pleurer sa perte, outre son épouse. Bernadette, ses trois filles et heaux-fils, six ‘petits enfants, un arriére petit enfant, trois fréres. Charles, Napoléon, I.ionel. deux soeurs, _Marie-Anne et Thérése. et d’in- nombrables amis. Tous les Ganadiens-frangais, par l’entremise de notre journal communautaire, offrent leurs plus sincéres sympathies ala famille éprouvée. Mme P..J. PAQUETTE.