Se — 16 Le Soleil de Colombie, vendredi 12 janvier 1979 Le Mail par Roger DUFRANE Comment naissent les vil- les du bord de l'eau? Le plus souvent par le commerce des denrées. I] se forme un grand mouvement de ba- teaux et de chariots, du nord, du sud, de l’est, de louest, ce qui trace une croisée de deux voies, l'une fluviale, l’autre terrestre. Bientét, un chemin longe leau et un autre y descend. Ils s’élargissent en avenues qui au fil des ages s’adjoi- gnent des rues paralléles qui soulagent le trafic. Dublin, Paris, Bruxelles, Montréal, Vancouver, en fournissent des exemples. Pour ce qui est du Paris d’aujourd’hui, nous voyons, le long de la Seine, la Rue de Rivoli, et, en montant, le Boulevard Sébastopol, ac- compagné des deux routes anciennes, les Rues Saint- Martin et Saint-Denis. Jetons les yeux sur un plan de Vancouver. Hastings Street, qui longe l’eau de lest a l’ouest, s’accompagne AU MILLE 108 DANS LE DISTRICT DE CARIBOO En 1862, tout le monde parlait du ‘‘District de Cariboo’’ en Colombie- Britannique. Billy Barker avait trouvé de l’or dans les monts Cariboo et la cara- vane du nord, qui partait du mille ‘‘0’’ & Lilloet, était pour les mineurs de trois continents la limite de l’univers. Les éleveurs ont re- levé les mineurs et. au- jourd’hui de nouvelles va- gues d’arrivants emprun- tent le vieux chemin ca- ravanier de Cariboo (main- tenant |l’autoroute 97) au nord de Cache Creek. En effet, les golfeurs,. les écuyers, les excur- sionnistes, les joueurs de tennis, les adeptes de la péche sportive et les fondeurs s’acheminent vers le vaste site de villé- giature de 104 km 2 (40 milles carrés), passé Vauberge du mille 100, au mille108. Il s’agit du ranch du mille 108 (108 Resort Ranch). L'auberge principale compte 63 chambres meu- biées avec baicon, télé- vision couleur, baignoire avec douche et clima- tiseur. Elle offre également des lits supplémentaires a tous les skieurs de la famille. La salle 4 manger du pavillon’ (Club House) surplombant le lac et la vallée, propose une excel- lente cuisine dans un décor élégant. L’emplacement de ce centre de loisirs aux lignes modernes, qui a été choisi avec soin, con- vient particuliérement aux activités de plein air of- fertes au mille 108. Outre le terrain de golt de championnat, les champs accidentés et les boisés de cette ferme au sud des Rues Pender et Robson. D’autre part, la Rue Granville se frange de nom- breuses paralléles. Comme la Rue de Rivoli et le Boule- vard Sébastopol sont deux des voies principales de Paris, Hastings et Granville forment les deux axes de Vancouver, les essieux de la roue. La s’anime le plus grand passage. La se dé- ploient magasins, cinémas,. restaurants, de quoi affrioler les yeux des badauds. i Hélas les badauds,s’ils pul- lulent a Paris, capitale ov les gens ont longuement appris le plaisir, n’abondent pas dans les cités d’Amérique du nord, trop t6t asservies a l'automobile. Les citadins du Nouveau-Monde forment une corporation de nilotes innombrables, qui ne lachent leur volant que pour se ruer dans les magasins. Cela n’est pas naturel. Les édiles, gens d’élite et qui ont voyagé, s’en inquiétent. Ils ont ob- servé comment l'Europe re- médie a l’Américanisme. A Bruxelles, ot les tunnels d’élevage (2000 tétes de bétail), qui offrent égale- ment lt’un des _ réseaux de ski de randonnée les plus étendus au Canada, feront la joie des écuyers. Les km (60 milles) de pistes balisées, jalonnées de prés' de 3 000 indicateurs, accueil- lent aussi bien les dé- butants que les skieurs aguerris. Les plus entre- prenants pourront s‘aven- turer dans les sous-bois et les vallées sur une distance supplémentaire de 160 km (100 milles). Les skieurs peuvent consulter une excellente carte de la piste. Aux explorateurs, nous recom- mandons le guide. Le réseau de sen- tiers du mille 108 a été allongé cette année et relie maintenant les 62 km (38 milles) de pistes balisées et entretenues par l‘auberge trés fréquentée du 100 Mile House: le Red Coach Inn. Les touristes qui font escale au mille 108 ot. qui sont désireux de skier vers la ville et de manger a l|’auberge peu- vent faire leurs réserva- tions au Red Coach Inn. L’ensemble du_ réseau, c’est-a-dire plus de 160 km (100 milles), est le plus important au Canada aprés celui du Marathon de ski de randonnée (Québec). Les touristes qui ont peu de bagages ou qui ont’ besoin d’un_ rensei- gnement ont accés a une boutique de location met- tant & leur disposition 60 équipements et peu- vent recourir aux con- seils d'un moniteur. Le soir au Ranch, on peut s’adonner notam- ment a la traine sauvage sur une piste éclairée, au patinage,- au curling et au ballon-balai et parti- pour autos interdisent la contemplation des vitrines, on aménage des ilots pour piétons, on préserve d’étroi- tes rues, on perce des gale- ries vitrées a l'image des bazars orientaux. A Vancou- ver, des spéculateurs inven- tent Gastown. Mais Gas- town, malgré ses restau- rants de luxe, reste le ro- yaume des clochards. Les ministres, députés et maires des Etats-Unis et du Canada, ont observé cela en Europe. Ils ont ramené dans leur bureau des idées neu- ves. Ah les gens de Van- couver ne marchent plus! Ah sortis d’une génération de pionniers ils n’ont jamais. pensé a se promener! Ah les autos les accaparent! Remé- dions-y. Donnons-leur un mail et placons-le sur une de nos deux grand-routes. Cha- cun sait qu’un mail est une promenade plantée d’arbres, en Europe tracée sur d’an- ciens remparts. Une ville surpeuplée éclate. On nivelle son ancienne ceinture, on la baptise mail et les bonnes gens viennent s’y ébattre. Le mail de Paris, ce sont les Grands Boulevards, celui de Vancouver, c’est Granville Street. Notre mail ne manque pas d’agrément. Une étroite chaussée serpente entre deux trottoirs aux arbres fréles. Attendez qu’ils aient grandi, que des cafés pous- sent sur les trottoirs et vous aurez une pale imitation des Grands Boulevards pari- siens. A Paris, la courbe naturelle des Boulevards ré- serve al’oeil de plaisantes surprises. Ici, les urbanistes ont fait assez cocassement se courber une avenue entre des trottoirs rectilignes. Peu importe, l’effort est louable. Espérons que |l’ondulation de la chaussée servira de lecon aux gens pressés. A votre aise, Messieurs! A votre aise, Mesdames! C’est ici le lieu de vous asseoir sur les banes, de vous arréter aux vitrines, de vous abandon- ner a la flanerie. Mais, entre nous, méfiez-vous des clochards! CHRONIQUE VOYAGE ciper & une randonnée en traineau a l’ancienne, deux fois la semaine. Un attelage de che- vaux fringants ornés de grelots quitte l’auberge a 21h00 et transporte les touristes au Starlight Knoll ou les attendent les chan- sons et une grande féte avec grillades et vin chaud. Retour a l’auberge a minuit. Le transport est é- galement offert aux per- sonnes qui désirent aller prendre un verre au Farrier ou au Town & Country Cabaret ot ont lieu des spectacles et ol peuvent danser ceux qui ont le pas léger. Jack Suttles, grand amateur de musique “‘country’’ et gloire de Nashville, est un ami et voisin du Ranch du mille 108. Natif du Ken- tucky, il s’est ‘‘retiré’’ dans le district de Cariboo et, de son propre aveu, il a commencé a se prendre d‘amitié pour les gens depuis que les nombreux touristes de l’auberge du mille 108 ont commencé a venir visiter sa ma- gnifique maison au bout de la route. Le guitariste de la maison, Tom Gough, anime l‘aprés-ski, prétexte 4 une dégustation de vin chaud; Jack Suttles et ses deux talentueuses filles, Juanita et Berdenia, présentent des spectacles dans la splendide chapelle ‘‘oecu- ménique’’ du ‘’Garden’’ ou l’acoustique est ex- cellente. Le touriste peut ad- mirer aussi dans ce fameux jardin de Cariboo qua- torze scénes de la vie du Christ sculptées gran- deur nature. Des chantres de réputation internationa- le comme- Big: John: Hall et Della Dorsey se pro- duisent réguliérement. Le forfait Ski Bird de Pacific Western Airlines avec vol direct de Van- couver a Williams Lake ($70 aller-retour) est le moyen le plus simple de se rendre au mille 108. Une limousine franchit les 88km (55 milles) qui sé- Parent l’aéroport de Wil- liam Lake du _ Ranch. On peut faire le voyage également en sept heures dans un autobus de la Greyhound jusqu’au 100 Mile House ou en huit heures par le train Panoramique des services ferroviaires de la Colombie- Britannique a raison de $30 par personne. Le forfait par che- min ‘de fer offre I’hé- bergement pour cing nuits avec petit déjeuner de skieur, aprés-ski quotidien avec vin chaud, randonnée en traineau au Starlight Knoll et transport a Wil- liams Lake (aller-retour) a $76 par skieur pour une chambre double. I! faut ajouter $10.50 par jour. pour le déjeuner et le repas du soir. On peut se rendre directement en vol nolisé ou privé a la piste d’at- terrisage du mille 108 qui est ouverte toute |’an- née et qui accueille des Convair d’une_ capacité maximale de 55 passagers. Les skieurs qui veu- lent se divertir cet hiver doivent écrire au 108 Resort Ranch, B.P. 2, R.R. 1, 100 Mile House, (Colombie-Britannique), ou téléphoner directement de Vancouver au (604) 687- 2334. Pour de plus amples renseignements sur le ski de randonnée au Canada, prigre de s’adresser a ‘Office de tourisme du Canada; Ottawa KIA: OH6: (Canada). Lisez les écrivains francophones Jean Guéhenno Tout auteur, pour s’ex- primer, ale choix entre la littérature de fiction (ro- man) et la littérature de témoignage (essai, journal, mémoires). C’est a cette der- niére qu’appartient l’oeuvre du grand écrivain frang¢ais _ qui vient de disparaitre. Jean Guéhenno, au nom bien breton, est né a Fouge- res en 1890. Fils d’un cor- donnier et d’une piqueuse de souliers, il dut aller travail- ler a la fabrique de chaus- sures dés l’Age de 14 ans. Bientét, faisant preuve d’un courage inoui, il entreprit seul des études littéraires qu'il mena jusqu’a |’Ecole Normale Supérieure et Vagrégation. Aprés l’épreuve de la pre- miére guerre mondiale, il fut professeur dans les plus cé- lébres lycées de Paris: Louis le Grand, Henri IV, tout en écrivant de nombreux essais et en collaborant a plusieurs journaux. Socialiste, ardent pacifiste et esprit libre, il ne pouvait plaire, en 1940, aux nou- veaux maitres. Relégué en province, il fut en butte aux mesquineries du gouverne- ment de Vichy et s’empres- sa de militer dans la Résis- tance. Nommé Inspecteur Géné- ral lors de la Libération, il entra 4 l’Académie francaise en 1962. Son oeuvre exprime 28 avril 1941. Samedi, j’ai da faire la queue a la mairie pour changer ma carte d’alimentation. [Les professeurs de gymnastique seuls ont droit a la carte T - 350 grammes de pain. — Ceux qui comme moi ne soulévent que des mots n’ont droit qu’a la carte A — 200 grammes de pain —]. Pendant trois heures j'ai écouté les conversations. Les propos étaient d’une effarante bétise. La majorité des gens demande la fin, la fin 4 tout prix. Ils imaginent qu’alors tout recommencera comme auparavant. Un infiniment petit nombre a quelque idée de ce qui se passe et de ce qui nous attend. Peu d’hommes méritent la liberté. C’est pour cela qu’elle est en train de mourir peut-étre. (Journal des années noires). n’ai jamais écrit, a-t-il dit, que pour donner aux hom- mes des raisons d’espérer”. PARMI SESMEILLEURES OEUVRES: Journal d’un homme de 40 ans. Souvenirs d’enfance et de guerre. Ré- volte contre tout ordre social générateur d’injustice et de misére. Le point de vue d’un pacifiste en 1934. Changer la vie (1961), jour- nal d’un homme de 70 ans; coup d’oeil plus serein sur sa vie déja longue et sur son époque. LISEZ POUR COMMEN- CER: Journal des années noires. Au jour le jour, la vie ‘des Francais et les inquié- tudes d’un intellectuel pen- dant l’occupation allemande. EDITEURS: Grasset, Galli- mard, Livre de Poche. — une immense générosité, “Je i i i i i i a ee |e! Traducteurs qui ne sont pas chanceux Un grand magasin bien connu du public québécois annonce dans sa publicité la mise en vente a prix réduits d’articles de qualité, et cela pour féter son centenaire. Mais des rédacteurs publi- citaires en mal de traduc- tion ont simplement rendu l'anglais ‘centennial spe- cials” par “Spéciaux centen- naux”. Deux fautes de francais en deux mots. Comme quoi il y a des traducteurs qui ne sont pas chanceux. Au lieu de spéciaux, il faudrait dire vente, mais la plus grosse faute ‘est cer- tainement dans le choix de centennal. Cet, adiectif.en francais... Louis Paul BEGUIN. veut dire qui.se fait, qui revient tous les cent ans. Centennal ne signifie pas une action faite a l'occasion ‘du centenaire. On pourrait a la rigueur écrire: vente d’anniversaire, vente du centenaire. Quant 4 centennal, c'est un adjectif qu’on emploie assez rarement. On ne peut pas accepter non plus l’expression qu’on trouve dans l’annonce: an- née centennale, puisque cen- tennal (de centum et annus) signifie 4 la fois cent et année. On dit correctement: exposition centennale, c’est- A-dire qui a lieu tous les cent ans. Le Mot du Jour a i i ll