"of Chine par Gil “McKinnon UNE SEULE CHINE Le 25 octobre dernier, les Nations., Unies ont ouvert leurs portes 4 la Chine com- muniste. Aprés vingt-deux années de réticence, l’As- semblée générale est préte & reconnaftre A Pékin le droit d’y siéger. Il faut se rappeler qu’il ne s’agit pas de décider d’admettre un nouveau membre. La Chine était un des signataires ori- ginaux a la Charte des Nations- Unies signée en 1945. Cependant le gouverne- ment représentant la Chine était celui de Chiang Kai Shek. Ainsi était-il normal que ses représentants soient aux Nations-Unies. Néan- moins songer que les repré- sentants de Chiang Kai Shek y siégent encore, vingt-deux ans aprés la fuite de ce dernier du continent, nous semble fort bizarre. En 1950, l’Union Soviétique a proposé a l’?Assemblée générale que ‘les représentants chinois soient remplacés par ceux du gouvernement de Mao-tse- tung. Pourquoi les Nations Unies ont-elles décidé de ne pas accorder 4 la Chine le droit universel de nommet ses propres representants‘ Habituellement lorsque une révolution réussit, les diri- geants sont remplacés et le pays reste avec un seul gou- vernement. La Chine est une exception a cette régle géné- rale. Depuis 1949, la Chine est représentée par deux gouvernements. Les com- munistes n’ont jamais réussi a écraser tout 4 fait leurs adversaires. Bien que les partisans de Chiang KaiShek se soient enfuis en débandade en 1949, ils ont pu se re- trouver sur l’fle de Taiwan, une province de la Chine. En 1950, quand les soldats de Mao-tse-tung s’appré- taient A traverser le Pas de Taiwan, les Américains y ont envoyé la septi¢éme Flotte pour protéger Taiwan. Sous la sauvegarde des Etats- Unies, Chiang Kai Shek était capable, non seulement de s’installer dans une province de la Chine mais encore de convaincre plusieurs pays (le Canada inclus) que son gouvernement restait le seul gouvernement légitime de la Chine. Si le -critére pour re- connaftre un nouveau gou- vernement avait été pure- ment objectif, celui de Mao- tse-tung aurait été reconnu comme le seul gouvernement chinois en 1950 auplus-tard. Le territoire tenu par Chiang Kai Shek ne pouvait pas se comparer au vaste continent qui subissait le controle de son homologue. Mais le cri- tére tombe inévitablement sous des considérations sub- jectives: est-on d’accord avec les principes de ce nouveau gouvernement? ; 1? approbation de ce gouverne- ment va-t-elle oui ou non favoriser nos intéréts * Lépoque suivant la deuxiéme guerre mondiale était char- gée de supcons. Huit pays européens ont été amenés dans l’orbite soviétique. Quatre ans aprés, le centre de l’Asie est tombé aux mains des communistes. En 1950, les soldats de la Corée du Nord ont envahi la Corée du Sud. Les Américains se trouvaient trés menacés par cette expansion communiste. La réplique américaine s’est manifestee par plusieurs al- liances avec les pays asiati- ques. Légitimer le gouver- nement révolutionnaire de Mao-tse-tung, responsable de cette crainte répandue dans le Pacifique, n’était guére dans les intéréts des Etats Unis. Ce qui était dans leurs intéréts, c’était d’avoir une base militaire trés prés de la Chine. L’fle de Taiwan a satisfait les exigences. En outre, les Américains trou- vaient que Mao-tse-tung se sentirait -moins puissant dans l’aréne internationale si la plupart des pays re- connaissaient un autre gou- vernement comme la voix de la Chine. Etant donné leur rdle important dans le monde entier, les Etats Unis pou- vaient compter sur leurs alliés aux Nations - Unies pour garder les représen- tants de Chiang Kai Shek. Cependant, l’aréne inter- nationale n’est jamais long- temps statique. La peur du communisme diminuait, les tentacules du pouvoir amé- ricain se rétractaient un peu. Plusieurs pays asiatiques et africains trouvaient plus a- vantageux d’opposer les Américains aux communis- tes que de rester dans le camp américain. Au fur et a mesure que les pays eu- ropéens se remettaient sur pied, ils exprimaient leurs propres idées. L’image pré- sentée par la Chine devenait de moins en moins comme celle d’un agresseur. Le nombre croissant des é- changes culturels et le dé- veloppement du commerce avec la Chine ajoutaient foi a la légitimité de Pékin. Depuis quelques années, il existe une majorité des membres des Nations-Unies disposée A y faire siégé des représentants de Mao- tse-tung. D’aprés la Charte des Nations-Unies, un vote majoritoire est suffisant en ce qui concerne la repré- sentation d’un pays. Toute- fois, une majorité de 1’As- semblée générale peut dé- cider qu’une certaine ré- solution est une question im- portante, laquelle -exige alors un vote favorable des deux tiers des membres. D’aprés les Etats Unis, la représentation de la Chine est une question importante -parce qu’un vote pour l’ad- mission de Pékin signifierait l’expulsion d’un membre, Taiwan. Il n’y a aucun doute que 1’expulsion d’un membre est une question importante. Mais il ne s’agit pas de cela. Caractériser la représenta- tion de la Chine de cette fagon est indéfendable. Pékin aussi bien que Taiwan ad- mettent qu’il n’y a qu’une seule Chine, y compris l’fle de Taiwan. Comment peut-on expulser un membre si la Chine reste encore dans les Nations-Unies aprés. l’ap- probation. de la résolution‘ Les Américains peuvent ex- pliquer un tel phénoméne mais seulement 4 condition qu’on .accepte qu’il y a, en effet, deux Chines. Les Etats Unis travaillent depuis long- temps dans le but de faire accepter cette idée parce qu’ elle leur offre un moyen de reconnaftre la réalité des choses en Asie. et en méme temps de garder un allié qu’ils financent depuis vingt ans. Que cette idée est inaccep- table aux deux gouverne- ments chinois est bien connue par les gouverne- ments qui tenaient 4 re- connaftre Pékin. Dés qu’un état reconnaftra Pekin, Taiwan cessera tout rapport avec le gouvernement en question. De méme Pékin . ne retournera pas le com- pliment jusqu’a ce que le gouvernement rompe toutes relations avec Taiwan. Pourtant les Etats Unis re- fusent catégoriquement d’ accepter l’idée d’une seule Chine. .Le gouvernement a- méricain n’était pas d’ail- leurs le seul A partager ce point de vue. Jusqu’a 1971, la question de la Chine a toujours été considérée comme importante malgré l’existence d’une majorité en faveur de Pékin. Que cer- taines nations comme la notre aient voté d’une fagon si ambigute, reste inexplica- ble. En tout cas, en 1971, la question préliminaire des Etats Unis a été rejetée par un vote de 59 contre 55 avec 17 abstentions. Pour la premiére fois, la représen- tation de la Chine serait déterminée par une simple majorité. L’Assemblée générale a adopté la résolution albani- enne par un vote de 76 contre 35° avec 17 abstentions. La résolution a reconnu les re- présentants de Mao-tse-tung comme les seuls repré- sentants légitimes de la Chine et a exigé tout de suite l’expulsion des représen- tants de Chiang Kai Shek. En fait, la résolution a regu plus des deux-tiers du vote. Peut-@tre qu’elle aurait été votée méme si la question préliminaire avait été adop- tée. Cependant, quelques commentaires suggérent que la résolution albanienne n’ aurait pas regu autant de votes si la question préli- minaire n’avait pas. été re- jetee. Il semble que des membres se soient rangés du bon cdté aprés le premier vote. L’adoption de la résolution albanienne a fait échouer la résolution américaine. Les Américains ont proposé que les représentants de Pékin remplacent ceux de Taiwan dans le Conseil de Sécurité mais que, dans l’Assemblée générale, la Chine soit re- présentée par deux groupes - SPBODPBOV PLM A AM SAWP? celui de Taiwan aussi bien} que celui de Pékin. Il paraft} que Taiwan était prét 4 ac- cepter une telle solution} malgré toutes ses déclara- tions contraires. Peut-étre que Chiang Kai Shek était d’avis qu’il valait mieux par- tager le siége que de lef perdre tout a fait! Ou peut- étre qu’il savait bien que Pékin n’assisterait jamais aux Nations-Unies dans de telles conditions. Aprés vingt deux ans, le gouvernement de _ Péki prendra sa place aux Nations Unies. Il est dommage que les représentants de Taiwa soient expulsés aprés ving deux ans de participatio effective. En effet, un état dont la population est supé- rieure 4 celle des deux- tiérs des membres reste hors des Nations-Unies. Ce fait regrettable existe au- jourd’hui non pas 4 cause de l’expulsion de Taiwan (un événement qui n’a jamais eu lieu) mais plutdt A cause de la réticence de certains pays a accepter la Chine de Mao- -tse-tung dans la communauté des Nations. Le gouvernement de Taiwan devrait étre représenté aux Nations Unies mais non pas comme le représentant dela Chine. Dés que Taiwan cessera d’ étre la base d’du se lancera la contre-révolution, il de- viendra un véritable état en soi, capable d’étre admis aux Nations- Unies comme le} cent trente-deuxiéme mem- bre. Chiang Kai Shek n’a plus qu’&a admettre que son} gouvernement n’est point celui de Taiwan. I] est fort} probable que cette tache dé- passe les forces de Chiang Kai Shek. Espérons que son} successeur sera moins ob- sédé par la revanche. "LE SOLEIL, 12 NOVEMBRE 1971, XIII ig aN i lp RN Hi Np i Rp pt i