VOYAGES Le Soleil de Colombie, vendredi 9 juin 1989 - 11 Par Jean-Claude Boyer Stuttgart (s.-o. de I’Allema- gne), 1er octobre 1984. Je viens de dormir sept heures d’affilée dans la grande AJ surplombant la ville. Une nuit dans la quiétude d’un monastére ne m’aurait sans doute pas été plus Salutaire. (Ma journée d’hier a Heidelberg, qui célébrait dans une sorte de trop-plein de vie la fin de son festival d’automne, m’avait, je |’avoue, littéralement assommé de fatigue.) C’est donc tout ragaillardi que je reprends letrain, cette fois pour Baden-Baden, lacélébre ville de Cure et de jeu sise dans la vallée de l’Oos, entre la Forét-Noire et le vignoble badois. A la station de Karlsruhe, un préposé me demande dialler occuper le deuxiéme wagon vers l’avant. A vos ordres. En m’y rendant, je suis frappé, tout a coup, par la... virilité de la langue allemande (je n’entends ~ que coups de glotte!), ma langue maternelle ne me paraissant que douce et caressante. La Forét-Noire défile avec sa multitude de troncs maigrelets et sa verdure resplendissante au soleil. Ré- veur solitaire, je revois Hansel et Gretel, la maison en pain d’épice, un pan demon enfance. ll me faudra descendre, m’apprend-on, a Baden-Oos (8 km de ma destination). M’y ~ voila, déja. En attendant le bus pour Baden-Baden, je remarque que tous les poteaux télégraphiques sont habillés de feuillage de la téte au pied, les plantes grimpantes commengant a s’enrouler autour des _ fils eux-mémes. Clic! Une photo. Je monte bient6ét dans un bus moderne. Les nouveaux passa- gers compostent leur ticket alors que je n’en ai méme pas Récit d’un tour du monde Baden-Baden un. Je les observe, figé, n’ayant pas I’habitude de ces mécanis- mes. Personne ne s’occupe de moi: tant pis. (Trajet gratuit: tant mieux.) Par la fenétre, j'apergois pommiers, pruniers et poiriers aux branches courbées, et autant de femmes que d’hommes affairés (ou «affairées»?) aux récoltes. Je descends maintenant dans l’artére principale de Baden- Baden. Désireux de profiter a plein de ma bréve visite, je m’adresse & une jeune femme élégante attablée, seule, a la terrasse d’un café, espérant obtenir quelques renseigne- ments pratiques en anglais. Elle est alsacienne. Petite conversa- tion aimable au cours de laquelle elle déclare sur un ton... badin n’étre qu'une «badaude», et me conseille de m’adresser a un Badois. (Just too bad!) Les informations obtenues, je me rends au fameux casino, réputé le plus luxueux du monde, lancé par le Frangais Jacques Bénazet. Evidemment, il n'est pas question que je puisse y pénétrer, mon blue- jean me donnant, dans ce milieu aristocratique, l’aspect plutét miteux. Je réussis tout de méme (par un manége que j'ai oublié de noter) a jeter un coup d’oeil dans une salle éblouis- sante, comme la plus somp- tueuse de Versailles. Chacune est décorée, parait-il, dans le style d’un Louis différent. Promenade sur la Goetheplatz entre mille fleurs pimpantes et de belles facades, dont celle du théatre, inauguré en 1862 par nul autre qu’Hector Berlioz. Une chaise a l’ombre me permet, apres avoir dévoré mon en-cas, de bien me reposer. Suit un peu de léche-vitrine dans la rue Sofia - supplice de Tantale pour assistés sociaux. J’apercois parmi les piétons, la plupart vétus comme des cartes de mode, des touristes a |’accent américain en bermudas fleuris: violent contraste! Une affiche annonce des courses de chevaux dans la plaine. Je me rends maintenant a une fontaine veillée par trois échassiers dont |’un, aux ailes déployées, fait couler de son bec un long jet d’eau. Un couple agé y cause discrétement, les mains dans l’eau. Je remplis a moitié la petite bouteille de Vittel que je garde dans mon sac. Grande gorgée. Plit au ciel que cet oiseau crachat de bonne biére glacée plutét que ce liquide tiéde et sans saveur! Le couple s’éloigne. Un homme de mon age s’approche. Je lui fais part de mon voeu fantaisiste. II se met aussit6t a faire |’éloge de ces eaux alcalines radio-actives aux vertus curatives, ne s‘interrompant que pour en boire dans le creux de sa main. «Cette .station thermale tait déja connue sous les Romains, affirme-t-il fiérement. L’empe- reur Caracalla lui-méme y est venu soigner ses rhumatis- mes.» Il glisse un mot sur les ruines des thermes romains, puis me confie que l’un de ses amis vient tremper ses mains ici trois fois par jour pour prévenir l’arthrite. Jeplonge les miennes: sensation agréable. Ce Badois semble sy connaitre en balnéothérapie. Il me parle également d’une abbaye de cisterciennes, fondée au Xillle Sjareet d’une «maison de Brahms», ow l’illustre musicien a composé plusieurs de ses chefs-d'oeuvre. «C'est presque scandaleux que vous ne passiez ici que quelques heures», conclut-il, sourire aux lévres, avant de nous quitter. Je retourne ensuite flaner dans le quartier thermal, centre de la vie mondaine: vaste promenade, splendides parter- res, pavillon a musique, bel édifice 4 portique corinthien, magasins sophistiqués... Puis dans le Vieux-Bade: longs escaliers, petites rues pavées en pente raide, établissements de cure, ancienne église collégiale du Vile s. (remaniée en style gothique au XVe s.), chateau: Renaissance, place du marché, moulte maisons an- ciennes, fontaines aux eaux vives, gracieux lampadaires... La chaleur et les pentes finissent par venir a bout de mon énergie. M’étant mis en téte, hier soir, de retourner a _ Heidelberg aujourd’hui pour visiter le cachot des étudiants, raté de justesse, il est grand temps que je m’y rende, d’autant plus que j'aimerais circuler a nouveau dans ses rues pittoresques, libérées cette fois de leurs foules de «festivaliers», et me prélasser dans les jardins du chateau dominant la _ ville illuminée. Je retourne donc sur-le-champ a Baden-Oos (gratuitement!) pour remonter en train. Ce voyage me permet de m’assoupir, de mettre mon journal a jour et de descendre a Heidelberg frais et dispos. Robin @ Oriental, Ivory 4342 Main St. Vancouver, B.C. Tél.: 877-1500 @ Meubles antiques Citons ici, simplement, trois lignes du Michelin sur cette ‘prison estudiantine’: «Le ca- chot abrita de 1712 a 1914 les 6tudiants trop tapageurs. Nom- bre de ceux-ci s'employérent a badigeonner les murs dinscrip- tions, blasons ou silhouettes en souvenir de leur incarcération, considérée souvent comme |’un des épisodes Jes plus flatteurs de leur carriére.» Qui aurait dit qu'un jour je paierais pour visiter un cachot universitaire? En fin de soirée, je retourne, satisfait, a |’AJ de Stuttgart ot m’attend une autre nuit de repos... monastique. J’apprendrai plus tard, au sujet de Baden-Baden, qu’elle était au Xlles. la résidence des margraves (princes) de Bade, que legrand Paracelse (XVies.), l'un des fondateurs de la pharmacopée moderne, est venu y soigner le margrave, et qu’elle devint, au siécle dernier, la capitale d’été de l'Europe. Son équipement thermal a été complétement rénové depuis la derniére guerre. Aujourd’hui, compte tenu des nombreux congrés internationaux (clienté- le élégante et fortunée) qu'elle accueille en toute saison, Baden-Baden demeure la reine incontestée des villes d’eau de |’Allemagne. alery @ Royal Doulton @ De collection Master Card Visa. ‘Canada "MAINTENANT, LES PIECES D'INVESTISSEMENT DELA FEUILLE D'ERABLE EN OR NE SONT PLUS TAXEES EN COLOMBIE-BRITANNIQUE. Les piéces de la Feuille d’érable en or sont en vente dans les banques, les maisons de courtage et chez les marchands de piéces. Monnaie royale Royal Canadian canadienne Mi