Arts et Spectacles Panache 11 Cyrano, en vers et contre tous Sur les traces de Raimu, Gabin ou Philippe Noiret, Gérard Depar- dieu s'inscrit comme le meilleur acteur francais de sa génération. Pour sa prestation dans Cyrano de Bergerac, il a recu le prix d'interprétation masculine au festival de Cannes. On pouvait dire... On! Dieu!... bien des choses en somme. Seulement a la différence de Cyrano, difficile de varier le ton pour aborder le film de Jean-Paul Rappeneau. Grandiose et magni- fique, voila bien les deux adjec- tifs qui s’imposent. Grandiose parce que le cinéma frangais a su, pour une fois, déployer tous ses fastes. Dans l’armée de Rappe- neau, il ne manque pas un bouton de guétres. A la base de cette réussite, on trouve, bien sir, un budget impressionnant - 20 mil- lions de dollars -, sans doute le plus coiiteux du cinéma hexago- nal. Avec a la clef, une pléiade de comédiens et figurants et prés de quarante décors différents, dont les._plaines de Hongrie ot a été tournée la fameuse bataille d’ Ar- ras opposant cadets de Gascogne et armée espagnole. Seulement cette débauche de moyens n’est 14 que pour ser- vir, et bien servir, un scénario sans failles. Rappeneau n’est pas tombé dans le piége de la scéne a grand spectacle dont la seule.jus- tification semble étre l’absence d’histoire. Non, le décor, onl’ou- blie presque tant l’on reste subju- gué, envouté par ce diable de Cyrano. Cyrano Depardieu, cela va sans le dire. Et 14, on touche au magnifique. Massif comme un roc de granit, mais aussi drdle et poi- gnant - la scéne finale est dans ce registre un petit bijou -, l’acteur est déconcertant de facilité, d’ai- sance et de talent. Depardieu s’est coulé dans ce r6le comme une aiguille dans un trou de roche. Jamais, 6 grand jamais, il ne fait de cet incorrigible rimailleur, «bretteur et menteur sans vergo- gne», un pantin de farce. Toute l’humilité de l’ac- teur, du grand acteur - 1’Oscar pointe avec insistance le bout de son nez - est 14. Depardieu a par- faitement compris que la vedette s’appelait Cyrano, et plus encore cette langue francaise que notre Gascon manie avec une dextérité qui n’a pas d’égal, si ce n’est son talent de fine lame. Faisons fi des puristes ou autres adeptes de |’art dépouillé! Ce feu d’ artifice litté- raire est un enchantement. L’oreille court aprés les mots, s’enivre de ces trésors cachés, éclairant si crument la pauvreté de langage d’une société dite avancée. Un festin concocté de main de mai- tre, en 1897, par le sieur Edmond de Rostand et servi sur un plateau d’ argent. Quelque mille vers a dé- clamer et pourtant pas la moindre retenue. Les dialogues, qui se font le plus souvent monologues, cou- lent comme |’eau de source. Mais |’émotion n’est pas seulement 1a. Elle est aussi, toute entiére, dans le personnage, ce géant au coeur d’argile. Cet homme meurtri par la nature mais amou- reux de la beauté. Don Quichotte passionné qui n’a cesse de provo- quer et débusquer la couardise, la médiocrité et autre félonie. Que les faquins tremblent, seule la mort peut terrasser cet éternel révolté. Unhéros d’une redoutable “modernité, Voila peut-étre la rai- son du succés engendré par ce film, et plus généralement par l’oeuvre d’Edmond Rostand, une des piéces les plus interprétées en France. Mais avant de tirer défini- tivement son chapeau @ ce formi- dable Cyrano, il serait injuste de passer sous silence toute la gale- rie de personnages qui l’accom- pagne avec brio. Et notamment, 'S’ilest difficile de ne pas succom- ber aux charmes de la belle Roxanne (Anne Brochet), pour- quoi cacher le coup de coeur envers Ragueneau, ce patissier qui ta- quine si joliment la muse. Francois Limoge Cyrano de Bergerac, Varsity Theatre, 4375 10éme avenue ouest. Tél.: 222-2235. On reproche trop souvent 41a communauté francophone de se regarder lenombril pour ne pas souligner la jolie tentative d’ou- verture qu’est en train d’effec- tuer le centre culturel francophone Centre culturel Musiques du monde de Vancouver avec son festival «Musique ethnique». «/1 s’ agit de s’ouvrir sur lés autres commu- nautés,» expliquait, lors de la con- férence de presse, Anne Gold- berg, agente culturelle et commu- Les quatre virtuoses de Repercussion: Robert Lépine, Pierre Dube, Aldo Mazza et Chantal Simard. nautaire, Un pas en avant qui prend la forme de quatre concerts, ré- partis sur les mois de janvier et de février. Mosaico Flamenco Le festival débute avec le Le Soleil de Colombie charme, 1’élégance et la passion du flamenco. En fondant «Mosai- co Flamenco», Oscar Nieto a dé- montré que ces dances et chants andalousn’ étaient pas le domaine réservé des Espagnols ou des gi- tans. Cet américano-mexicain et | sa compagnie ont su trouver «le duende», ce démon qui transcende les danseurs. Dimanche 27 janvier, 20h30, au Blarney Stone, 216 rue Carrall. Prix des places: 83. Repercussions Quatre jeunes gens dans le vent qui s’avérent de véritables virtuoses dans le domaine des per- cussions. Talent et audace puis- que Repercussions n’hésite pas a mettre 4 son programme des oeu- vres comme «La Marche turque» de Mozart ou les «Danses slaves» de Dvorak. Un groupe montréa- lais qui avait séduit la critique lors de son demier passage a Vancouver et dont on attend le retour avec impatience. Samedi 2 février, 20h00, au Centennial Theatre, 2300 Lons- dale, Vancouver Nord. Prix des places: 22$. David Brosa Une naissance en Israél, une adolescence 4 Madrid et en- fin une immigration aux Etats- Unis. La musique et les chants de David Brosa gardent 1’influence de ces trois pays. Adaptation de poétes américains, musique fla- menco, chants en hébreu ou en anglais, David Brosa offre un grand moment d’émotions, un specta- cle chaud et sensible comme la Méditerranée. Dimanche 10 _ février, 20h30, au Blarney Stone, 216 rue Carrall. Prix des places: 10S. Celso Machado Demier spectacle du festi- val avec un Brésilien aux doigts magiques. Né prés de Sao Paulo dans une famille de musiciens, le guitariste Celso Machado a ef- fectué de nombreux concerts en Europe. Son interprétation d’une musique brésilienne populaire a enchanté les Vancouvérois a plu- sieurs reprises, notamment dans le cadre du festival de jazz inter- national de Vancouver. Dimanche 17 fé€vrier, 20h30, au Blarney Stone, 216 rue Carrall. Prix des places: 8S. Francois Limoge Réservations et informa- tions: 736-9806. Vendredi 25 janvier 1991