| La réalité contre l'illusion Deux premiéres ont eu lieu cette semaine : ‘‘ Captives of the Faceless Drummer’’ au Vancouver Art Gallery et ‘“‘Casse-Noisette’”’ par le Ballet Horizons, 4 New Westminster. La piéce de George Ryga, source de tant de disputes au Playhouse Theatre, veut arracher au. public canadien le voile d’il- lusions et de préjugés dont © il se protége. La soirée de ballet, au contraire, nous encourage A réver et Aacroi- re que la beauté existeen- core dans les créations de l’-homme. Parlons d’abord de la piéce. On traite d’une situation ana- logue A celle de Laporte et de James Cross. ©’est pro- bablement pour cela que la direction du Playhouse avait peur de la montrer en jan- vier, trop prés des événe- ments d’octobre. Le décor est abstrait : un podium bas délimité par des courbes d’un tuyau noir. Un lit défait, quelques boftes de conserves, et des cais- ses A l’air sinistre de bQ- chers. Il y a deux hommes assis un hippie-gangster a revolver ; l’autre, les chevilles enchafhées, porte un froc fripé - c’est le diplomate kidnappé, Harry. Lorsque paraft le ‘‘Com- mandeur’’, jeune barbu fa- ‘natique et anarchiste, la vraie confrontation commence. Le révolution- naire cherche 4 comprendre son prisonnier, qui s’esqui- ve derriére des mensonges. Des personnages de sa vie privée : sa femme, sa maf- tresse, un ami docteur, vien- nent revivre des moments mais Harry ne sent rien. Son existence molletonnée lui a permis de vivre sans sentir : il porte une cara- pace d’intellectualité._ C’est le Commandeur qui se révéle davantage, racon- tant. son enfance misérable. [Il parle avec des mots gros- siers, mais il yadel’amour, de la haine, du désespoir et de la fierté ; la vie en PAUL BLAKEY couleurs vibrantes. A cdté de ceci, la vie cor- recte de Harry. paraft inco- lore. Evidemment, c’est le Commandeur-Christ qui meurt, fusillé par les sauve- teurs du diplomate. — : Ce qui donne une autre di- mension 4 cette confronta- tion des classes, est le va- et-vient d’un choeur grec - deux garcons et deux filles qui dansent, miment et re- citent avec beaucoup de ver- satilité. Leurs gestes sou- lignent l’action centrale ; ils représentent l’opinion publique du Canada. Toutes les préoccupations triviales, 13s idées périmées sont ex- posées de facon satirique et trouvent leur expression ultime dans les chansons qui ridiculisent ‘‘Grey Goose’’, l’oie grise, symbole du Canada. Note intéres- sante planté parmi les spectateurs, un acteur ri- cane de temps en temps. Dans une distribution excellente, il faut mention- ner Norman Browning, tour- menté et émouvant comme le révolutionnaire, James Dou- } glas, le diplomate décadent, Gwen Thomas, lafemme am- bitieuse et snob de Harry et Roger Dressler, un mime DIANNE BELL étonnant qui posséde aussi des dons musicaux. ‘Captives of the Faceless Drummer’’ est une piéce bien plus profonde que ‘*Plaza Suite’’ qui l’avait remplacée au Playhouse, et elle avait le droit d’étre jouée dans un théAatre - ce sont les ‘‘sans-visages’’ de l’administration qui l’ont empéché Revenons aux Ballet Hori- zons, unenouvellecompa- gnie qui naft ici, 4 Van- couver, sous la direction de Morley Wiseman. Les jeu- nes danseuses de 1’école ap- paraissent dans ‘‘Casse- Noisette’? A cdté de leur professeur, la merveilleuse Dianne Bell. Elle danse la Musique de ses mouvements Fée-Dragée et aussi un role dans Spectrum, un nouveau ballet. Elle posséde une technique assurée, une flui- dite de mouvement et une personnalité trés vivante sur scéne. Nicola Blakey, 1’au- tre danseuse profession- nelle, semble, malgré une technique solide, un peu froi- de. Elle ne remplit pas la et son développé manque d’ ampleur - surtout 4 cdté des arabesques attendris- sants de Dianne Bell. Les deux cavaliers : Graham Goodbody et Paul Blakey, s’acquittent avec beaucoup d’élégance. Parmi les jeunes talents, signalons la grace de Nancy McNaughton dans le role de ‘*Clara’’ et une soliste d’au- torité dans la Valse des fleurs : Jutta Demsky. La musique est enregis-} trée, ce qui est dommage : un vrai orchestre ajouterait de 1’éclat, mais augmente- rait aussi les frais ! Souhaitons aux Ballet Horizons un avenir rayon- nant de succés. Lart au passé autant qu’un ave- nir. Son avenir il le dé- vore. En art il va si vite qu'il est toujours a la pointe des idées. Seul le Québec, peut-étre, entend encore accorder a la peinture « pure » des vertus | qu’elle a perdues a Vancouver, fief de l’art conceptuel et d’un cinéma qui est fait par des pein-. tres. L e Canada se cherche un Essentiellement pictural, le Québec |’est tant dans son pas- sé qu'il a toujours présent a esprit (James Wilson Morrice, Ozias Leduc, John Lymans), dans ses vedettes qu’il exporte : Bor- duas et J.-P. Riopelle, que dans son art actuel. La peinture au Québec, aujour- d’hui, est le résultat de vingt- cing ans de « libération de |’ceil et du geste ». Une exposition, d’ailleurs, répondant a ce titre, avait, &€ Montréal, il y a peu de temps, illustré le phénoméne de la découverte de l'art moderne ‘au Québec et de sa croissance, a partir des facteurs locaux don- nés. Si le Canada anglophone, on l’'a souvent dit, s'insere assez vo- lontiers dans le climat et les pro- blémes propres aux Etats-Unis, voisin encombrant, au Québec, les choses vont autrement. Le réle d’un Alfred Pellan est, ‘dans ce contexte, capital. Né en 1906, cet artiste a eu des con-’ tacts trés étroits avec les artis- tes de l’Ecole de Paris. II a d’ail- leurs travaillé a IlEcoie des beaux-arts du quai Malaquais, en subissant des influences aussi contradictoires que' celles de Bonnard, Klee, Max Ernst ou Pi- casso. C'est dire que son ceuvre porté au Canada une masse d'in- formations et de références. L’action du surréalisme y est plus formelle qu’aux Etats-Unis, ou el'e trouva plut6t un prolon- gement aans I’esprit. Pollock dé- veloppant, par exemple, |’action rintrospeciive et lyrique d’un An- rdré Masson. Formalisme donc, au Canada, qui s’adapte mieux a un pays infiniment moins at- teint dans ses forces vives et nouveau monde est de ce cété- ci de la frontiére, et non aux Etats-Unis qui sont un grand corps. .malade. Cette vitalité de l'art québecois ne va pas sans naiveté. Une ex- position. qui tente de faire le ‘|point, présentée a « Terre des hommes », illustre bien la situa- tion de cet art qui porte a un degré de force et d’intensité qui lui-est propre des formules es- thétiques qu’il hérite de {’Eu- rope. par Jean-Jacques Lévéque morales que les Etats-Unis. Le| PROPRIETE A VENDRE OU POUR ACHAT VOYEZ Madame Andréa THORNE Chez Ker & Ker Ltée au 202i Ouest, 418me Avenue. - 266-7151 ou résidence 228-8537. dg ital Seiad us tele ai est multiforme, et qu’elle a ap- LE SOLEIL, 23 AVRIL 1971, IX ie ii ia ioak i Oe, Ae hs ee Sa tl oi