LES MINORITES Le lundi 14 aoit a 19 heures 30, avait lieu l’ouverture officielle de la piscine de Gravelbourg, devant quelque 300 personnes, des jeunes pour la plu- part. Bien que parmi les invités qui, prirent la parole on retrouvait MM. Pierre Bouvier, Mare Piché et Guy Dauphinet, pas un traitre mot ne fut prononcé en frangais. C’était la deuxieme surprise de ma visite a Gravelbourg, que je considé- rais, a Vinstar de ceux qui ont étudié histoire des francophones de 1’Quest dans les livres, comme une ville d'une certaine importance et comme un cha- teau-fort de la francophonie dans les prairies. . Ma premieére surprise fut de décou- vrir, que, malgré sa station radiopho- en fait qu’une bourgade: deux rues et 1,200 habitants. L’incident de la piscine n’est pas un fait isolé, mais pope concrete de la situation générale de Gravelbourg oi plus de 75% des noms inscrits dans l’annuaire téléphonique sont fran¢ais mais oii tout se fait en anglais deg qu’on sort du foyer. : ei oe Le directeur de la station. de-sradio, M. Raymond Marcotte, qui miilite de- puis toujours dans les associations: fran- caises et qui demeure un optimiste én- vers et contre tous, me dit a regret que. les choses ont bien changé 4 Gravel-. bourg. sae “Tl y a 30 ans, lorsque j’étais étu- diant au collége, tout le monde parlait francais. Aujourd’hui, c’est, bien diffé- rent. Le commerce se fait surtout en. anglais. Les jeunes... (une pause suivie d’un soupir)... c’est le probleme; ils ont de la difficulté a s’exprimer en francais.”’ . ' en Saskatchewan, on pourrait citer ceux: -de Sainte-Anne au Manitoba, de Saint- Isidore en Alberta et de Ferland en! Saskatchewan qui sont toujours francais. Deux témoignages recueillis, -a_12 heures d’intervalle, de-.deux sources plutét différentes — un professeur: d’uni- versité venu de la Suisse il y a une douzaine d’années et un fermier né en. ‘Saskatchewan — semblent cependant indiquer que Gravelbourg se situe plus dans la tendance générale que les autres villages cités. Le docteur Bernard Wilhems, direc- teur du Centre bilingue au campus de Regina de l’université de la Saskatche- wan, considére que l'association pro- vinciale des francophones devrait concentrer ses efforts sur les . villes car la plupart des petites communautés rurales sont vouees a |'assimilation- ‘Le lendemain matin, M. Clothaire Denis, un Bros fermier qui a bien réussi- et qui fait pure de pilier du fait francais, affirme également que les villages vont continuer a s’angliciser, “‘A quelques exceptions pres’, précise-t-il. mieux l’anglais que. le francais (durant mon séjour dans l’ouest, en deux occa- sions seulement, j'ai entendu des jeunes ire’ quils étaient plus a Taise en rancais). M. Denis base sa prévision ‘syr, la nécessité grandissante de_se regrouper et donc de parler anglais avec les habitants des autres villages. Optimiste malgré tout, M. Denis ajoute qu’en forcant les provinces. a faire une place au bilinguisme, le gou- vernement fédéral leur fournit “une lueur d’espoir”’. On peut avancer certains chiffres con- cernant le phénomene de l’assimilation. D’apres_ le dernier recensement, seu- lement 46,000 (2.9% de la population de l’Alberta) des 85,000 citoyens d’origine francaise ont ne ee la langue francaise comme celle employée le plus souvent. La proportion est 4 peu pres la méme dans les deux autres provinces des prai- Ties. ae _ Plus que ces statistiques qu’on: peut interpréter de mille et une manieére, ce sont les causes de cette assimilation qui inquiétent les leaders de la minorité francophone. : Ce qui a permis aux francophones de survivre si pa seen malgré le manque de moyens et l’absence de reconnaissan- ce officielle, c’est l’isolement dans le- quel ils ont vécu autour de leur église paroissiale et sous le leadership de leur clergé. ing ’ Or depuis une quinzaine d’années, tou- ‘tes ces protections ont disparu suite a nique et son college, Gravelbourg n’est A cété de I’exemple de Gravelbourg,. En plus du fait que les jeunes parlent - lVexode vers les villes (pres de la moi- tié des francophones de |’Alberta, habi- tent Edmondton et Calgary) a l’installa- tion d’anglophones dans les villages fran- cais, a la régionalisation des écoles, au retrait progressif du clergé et, surtout, suite a l’invasion de la presse électro- nique anglophone. Cette brisure de l’isolement protec- teur a également entrainé le phénomeéne des mariages mixtes qui se soldent dans 99% des cas par l’anglicisation des en- fants. i faut enfin signaler la “‘saignée de Pélite” vers Ottawa et le Québec. Une étude faite il y a quelques années deé- montrait que 90% des diplomés du collé- ge Saint-Boniface vivaient au Québec. Aprés avoir consenti des frais sup- plementaires pour faire éduquer ses enfants en francais, M. Roland Pinson- neau m’avoue tristement que ses trois. enfants demeureront au Québec et ne reviendront jamais en ‘Saskatchewan continuer l’oeuvre pour laquelle il tra- vaille depuis 30 ans. Tous sont d’accord pour admettre que la transition des quinze derniéres an- nées a été catastrophique pour les fran- cophones de |’Ouest. parle de “ge neration perdue” ou de “génération vide” chez les jeunes de moins de trente ans. | On éprouve de plus en plus de diffi- culté a faire parler les jeunes en fran- cgais. Un groupe revenant d’un voyage- eéchange au Québec affirme avoir aimé experience mais déplore qu’il y ait eu trop de francais. Un autre groupe ayant visité les jeunes de Sainte-Anne- du-Ruisseau en Nouvelle-Ecosse n’a pas eu le méme probleme puisque |’on a tout simplement parle anglais. __ Il existe bien stir des familles of |’on ne parle que le francais mais on admet que des la sortie du foyer les jeunes retournent a l'anglais. Presque tous les francophones ren- contrés considerent que seule la pré sence de télévision et d’écoles francai- ses aurait pu permettre a la communau- té francaise de faire face a cette pério- de de transition sans y laisser trop de plumes. . Le prochain article de cette serie sera consacré aux ouvertures obtenues ces dernieres années dans le domaine scolaire. Quant a la presse électroni- que, la situation demeure précaire pour les francophones. On compte présentement quatre sta- tions radiophoniques: Saint-Boniface au, Manitoba; Gravelbourg et Saskatoon en Saskatchewan; Edmonton en Alberta. Toutes ces stations sont affiliées a Radio-Canada qui fournit en moyenne 40% de leurs revenus. De plus, la société d’Etat se propose d’acheter les quatre stations et d’en prendre progressivement l’entiére res- ponsabilité en commencant cette année par celle de Saint-Boniface. Les quatre directeurs des stations sont d’accord pour affirmer que leur cote d’écoute n'est pas tres élevée, a l’excep- tion de certaines émissions de musique pe act Ils reconnaissent ne re- joindre qu’une tres petite minorité de la ‘Jeunesse francophone. : Dans un restaurant de Gravelbourg, un animateur social demande a une jeune — fille _d’écouter telle emission au poste CFRG. Elle lui répond n’avoir jamais écouté cette station et ne pas la connai- tre. 2) Gravelbourg ne parle plus francais de l’article de Gérald LeBlanc du Devoir . national de Rario-Canada et rejoint en consequence une faible clientele. ’ On publie également trois hebdoma- daires: au Manitoba, La Liberte; en skatchewan, Eau Vive; en Alberta, le ranco-Albertain, qui est de loin le mieux fait et le plus lu des trois. .. Revenant au phenomene de I’assimila-_ tion, on peut se demander si la politi- que du gouvernement Trudeau et le re- gain de vie qu'elle a suscité dans les associations provinciales et dans les activités culturelles pourront renverser la vapeur et pure une “*génération sau vée’’ apres la “‘génération perdue”’ qui existe présentement. Les réponses varient selon que la ques- tion est posée aux jeunes, aux responsa- bles des associations, au personnel des écoles francaises, ou aux autres. Méme a lintérieur de ces catégories on d'un extréme a !'autre. En guise d indi- ce, voici quelques enaienages parmi les quelque 75 recueillis dans les trois pro- vinces. Chancelier de l'université de I’ Alberta 4 Edmonton et un des personnages les plus influents de la communaute tranco- phone, Me Louis A. Desrochers, consi- dére que les améliorations des dernie- res années dépassent les pertes subies. “Nous sommes plus forts que -jamais, ajoute-t-il, et je suis convaincu que ¢a va s'améliorer dans la présente décen- nie.” Plusieurs autres abondent dans le me- me sens et soulignent gue “la perte en quantité a été compenseée par un gain en qualite’’. A l'autre extréme, on retrouve un jeu- ne avocat et sa femme qui ont aban- donné et qui “émigrent’’ au Québec Pour M. et Mme Guy Duperrault, de Regina, c'est impossible vivre en francais en Saskatchewan et l'aide féde- rale ne fait que prolonger !’agonie de la minorité francophone. Tout en partageant en grande partie opinion des Duperrault, plusieurs af- firment qu’ils ne quitteront jamais !’Ou- est ou il fait bon vivre, ol le chomage est beaucoup moins élevé qu’au Québec et le “train de vie’ beaucoup moins énervant. [ls n’ont qu’a inviter le visi- teur a se payer une bouffée d’air de PQuest ou a lui demander d’observer le respect envers les piétons dans les villes, pour le convaincre qu’il s’agit d’un pays oti ‘il fait bon vivre’. Certains autres, comme MM. Clo- thaire Denis et Bernard Wilhems, cites au début de cet article, se refusent a lidée d’une assimilation inévitable,. ne voient pas encore la fin du processus actu eae et gardent donc “une lueur ‘espoir’’. D'autres enfin, comme M. Maurice Pinsonneau — un fermier qui possede avec son frére des terres telles qu’il leur faut des instruments et des ba- timents évalués a pres d'un quart de million pour les cultiver et qu'on qualifie de “neutre” vis-a-vis de la cause fran- caise — souligne le fait que ses enfants parlent le francais et ne voit pas pour- quoi ¢a ne continuerait pas. “On est chanceux, ajoute-t-il, a Gravelbourg que nos enfants puissent apprendre les deux langues. Si j’avais a choisir, je choisirais l'anglais mais ‘si je peux avoir les deyx, c'est beau- cake mieux”’. ‘acute La station de Saint-Boniface tente ayer spate de rejoindre les jeunes en leur consacrant une émission de 23 heu- res a 1 heure. On a consenti a inclure 20% de chanson anglaise dans la pro- dee ge Tout en admettant que c’est ‘la seule maniére de toucher les jeunes, ile directeur de la station, M. Roland- ‘Gérard Couture, me confie ses réticences 'a introduire de l'anglais dans la pro- rammation. “Nous ne sommes pas en rance ou méme au Québec, ajoute-t-il, et nos jeunes sont déja trop exposes a . ambiance anglophone.” | La situation est encore plus deplorable en ce qui regarde la télévision. En Sas- katchewan, le poste anglais de Regina diffuse cinq heures de francais par se- maine (samedi et dimanche matin). En Alberta, le poste francais d’Edmonton ne rejoint que les environs d’Edmonton et, de plus, cede l’antenne de 9 a 16 heu- res et de’17 4 21 heures pour permettre la transmission d’émissions educatives en anglais. > Quant a la station de Winnipeg, elle diffuse surtout des émissions du réseau LES FRANCOPHONES VOUS INVITENT A UN SOUPER DANSANT au ELKS CLUB (au coin de la 388éme avenue et de Fraser) le samedi 30 septembre a 19h00 ORCHESTRE PORTUGAIS Prix total (souper et danse) : $ 7.00 Danse seulement : $ 2.00 ‘RESERVATIONS : Marcel Bernard 437-0165 Téléphonez 4 (aprés 18 h) Monique Riou 874-4175 Claudette Patterson 588-5557 LE SOLEIL, 22 SEPTEMB 'y I J * Seitestinatnee hill hin cae . nn