Pour sa réouverture offi- cielle et sa nouvelle vocation, cachet plus international, la Tibrairie Manhattan, en collaboration avec le Bureau du Québec a Vancouver, a fait un trés beau cadeau samedi dernier aux lecteurs et lectrices francophones en invitant I’écrivaine Marie Laberge. Auteure depuis I’age de 11 ans, Marie Laberge n’a jamais voulu étre écrivaine. Elle I’a toujours été. Venue a I’écriture par le théatre, elle fut tour a tour comédienne, metteure en scéne, scénariste. En 1997, elle fait Paraitre chez Boréal Annabelle, son quatriéme roman. C’est une oeuvre ou I’on sent la vie en devenir d’une adolescente, musi- cienne, confrontée aux enjeux psychologiques de ses parents. A Ia recherche de sa propre voix, avec en sourdine un passé trop récent, Annabelle doit « dépar- tager ce qu'elle doit aux autres et avec un ce qu'elle doit 4 elleméme ». Marie Laberge nous donne avec Annabelle un portrait nuancé de cet Age difficile et délicat et « une superbe réflexion sur I’art et la création ». e Soleil Ou est Punivers de Marie Laberge ? A quelle ville appartenez-vous ? Marie Laberge : Méme si plusieurs me rattachent a la ville de Québec, ot je suis née et que j’ai quitté il y a plus de 16 ans maintenant, j’ai le sentiment de ne plus ap- partenir & aucune ville. Et jaime beaucoup ¢a. Ne pas me sentir coupable de partir. Sans étre triste. J’aime beaucoup Londres, Paris, New York, Boston. Mais je n’appartiens & personne, & aucune ville. L.S. : Est-ce que les voyages nourrissent votre écriture ? M.L. : Quand on voyage, on est obligé de se faire face. w E v S : < § S Surtout quand on voyage seul. On a un autre regard et on est toujours en état de surprise. Ca me permet de me resituer vis-a-vis de moi-méme. On est en état d’ouverture. Et c’est la meilleure position pour étre en création aprés. Mais on n’est pas obligé de voyager pour étre en ouverture sur le monde. Je pense qu’on a une sensibilité & Vintérieur de soi qui fait que tout nous parle ou tout se tait pour nous. L.S. : Vous aimez vous poser des questions, vous remettre en question ; par lécriture, par les voyages, par vos rapports avec les autres ? M.L. : Je peux pas faire autrement, c’est comme ca. Je pense que cst plus intéressant de poser une question que de chercher une réponse. Un livre est une fagon de poser une question fondamentale : la question dune. obsession. Je crois qu’un écrivain a environ 3 ou 4 obsessions autour desquelles tournent la totalité de son oeuvre. Et c’est strement difficile de dépasser ¢a. L.S. : Et quelles sont vos obsessions en tant qu’écri- vaine ? M.L. : Elles sont trés classiques. Elles sont presque un peu plates a dire. L’amour, la vie et la mort. L.S. : Comment construi- sez-vous vos romans ? Avez- vous un schéma, un fil conducteur ? M.L. : Je structure mes romans en fonction des rapports humains. J’ai plus qu’un fil conducteur. J’ai une obsession. J’ai quelque chose & dire. Mes personnages de fiction s’installent autour de quelque chose qui me tient 4 coeur. Quelque chose qui me provoque fortement, qui m’atteint. Alors, je laisse macérer et puis ca devient un « par exemple ». Si je prends le cas d’Annabelle, je sais qu'un moment donné, j’ai été dépassé par le fait de voir & quel point les parents étaient souvent des enfants. Ils demandaient a leurs propres enfants de les prendre en charge. En mettant cette responsabilité énorme sur le dos de ces jeunes étres, c’est impossible = d’avoir ~—sun véritable rapport d’enfants. (a m’a beaucoup agacée. Et je Le vendredi 27 juin 1997 15 me suis demandé, qu’est-ce qui faisait qu’un étre humain devenait un artiste ? Dans mon esprit & moi, pour étre un artiste, ca prend du courage. Je crois que beaucoup de gens naissent artistes, avec la bonne sensibilité. Etre artiste c’est étre habité par l’émotion et la témoigner. Comme Annabelle qui dans le roman veut rendre |’émotion de la musique. II faut du courage pour aller vers les autres. On prend des risques. Le risque de trop se donner. Mais, il faut aller « trop ». L.S. : Qu’est-ce que vous aimez recevoir d’un artiste ? M.L. : L’émotion. Faites- moi rire, faites-moi pleurer. Mais, faites-moi quelque chose. L.S. : Pourquoi avez-vous délaissé le thédtre pour vous consacrer davantage au roman ? MLL. : J’étais une femme de théatre, mais j’ai laissé ce milieu-la par épuisement, par mécontentement. Javais commencé a écrire des romans et j’ai senti que je n’avais plus la générosité pour écrire du théatre. Je ne voulais plus donner mes textes a des metteurs en scéne, a « une gang » d’acteurs. Si je ne suis plus bien quelque part, je nVarréte, Je vais plutdt aller immédiatement 1a ou je suis bien. L.S. : Comment faites- vous pour mettre la beauté de Marie Laberge dans votre écriture ? M.L. : C’est Pespoir que jai, d’étre une personne avec une certaine lucidité, une largeur d’esprit, de tolérance. Je sais bien qu’on témoigne de soi quand on écrit. On témoigne d’un rapport qu’on a avec le monde entier, ou en tout cas dune sensibilité au monde. J’ai_ J’impression d’étre une sorte de filtre et que tout passe dedans et que je dois avoir une couleur quand on regarde le filtre aprés. Marie Laberge, Anna- belle, Montréal, Editions du Boréal, 1997, +480 pages. 27,95 $ PROPOS RECUEILLIS PAR JOHANNE CORDEAU Canadian Heritage Be canadien LE DISTRICT DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE ET DU YUKON SOUHAITE Poyeuse Fote the (Gonads A TOUTE LA POPULATION CANADIENNE