VOYAGES Le Soleil de Colombie, véndredi 25 aodt 1989 - 11 Galway (ouest de |’Irlande), 6 Septembre 1984. J’ouvre les yeux sur la coquette chambre d'un «Bed & Breadfast», bien reposé. Unedélicieuse odeur de café achéve de me réveiller. Crépes, bacon, muffin et confiture maison me_ sont bientét servis avec de petites attentions. Une heure plus tard, je monte dans un bus: pour Clifden (80 km), capitale du Connemara, |’un des districts les plus pittoresques et déshérités du pays. Le chauf- ‘feur accepte mon Eurailpass. Thank you! Je retrouve avec plaisir le couple Agé de Bruxelles avec qui j’ai voyagé hier de Dublin 4 Galway; leurs visages rayonnent de bonté et de sagesse. Excellent début de journée, n’est-ce-pas? En quittant la ville, j’apercois dans une vitrine une niéme Photo de Jean-Paul II, commé- Morant son pélerinage en Irlande (1979) - premier voyage de son pontificat. Mes compa- gnons_ belges, me_ sachant intéressé aux récits de leurs pérégrinations, m’en_ servent une belle brochette, aussi Captivants les uns que les - autres. lls me font voyager dela Bulgarie a la Turquie, du Maroc ala Tunisie, alors que sous nos _ yeux défilent murets de pierre grise, troupeaux, vastes tour- biéres, cottages, cimetiéres aux croix celtiques. Des moutons tachés de rouge ou de vert, selon leur propriétaire, paissent Parfois tout prés de la route. Chevaux dispersés un peu partout. Le chauffeur arréte son véhicule pour descendre saluer un ami, dirait-on. Jelaisse mon imagination passer d'une féte Champétre bulgare aux grands _ Récit d'un tour du monde Le Connemara Par Jean-Claude Boyer mirages du désert, d'une maison enfouie dans la terre a une oasis marocaine. Ces Belges sont 4 mes yeux une encyclopédie vivante. Ils me donnent, par exemple, une description imagée du yucca, plante arborescente que je ne connais pas, et un apercu des caractéres cyrilliques. Vive la culture! — D'un cété de la grand-route défilent maintenant pics de quartzite et montagnes dénu- dées, escarpées; de |’autre, landes ondulantes et tourbiéres granitiques sillonnées de mu- rets de pierre. Un ciel mouvant se refléte dans une succession: de lacs qui me rappelle ma région natale (Mont-Laurier, Québec). Apparait soudain Clifden, gros bourg a l’ombre de montagnes rocheuses. Descen- du du bus, jedis au revoir ames amis belges aprés leur avoir promis de reprendre le bus avec eux, a 19h00, et d’aller terminer la soirée en beauté au Galway Arms Inn, pub que j’aimerais leur faire connaitre. Promenade de détente et d'observation. Nombreux h6- tels, nombreux bus. Clifden ne vit-i| que de tourisme? Plus d’une vitrine expose de magnifi- ques bijoux de marbre vert - fameuse richesse naturelle du district - et des carpettes de tweed. Deux églises voisines, catholique et protestante, sem- blent donner l’exemple de la bonne entente fraternelle. Surla devanture d’un magasin, une affiche illustre la péche au homard et au saumon. A l’intérieur, je lis au verso d’une carte postale: foire annuelle américaine de plongeon. Toute la famille s’amuse a la foire ! Joignez-vous a la grande féte du 75iéme anniversaire du PNE! lly aura plus d’attractions et de spectacles quilnyena jamais eu! Feux d'artifice éblouissants chaque Samedi soir. Exploits sensationnels du «Wild west show» et de |'6quipe Admirez de fascinantes expositions et goUtez!‘authentique cuisine de |'Indonésie au pavillon indonésien. N'oubliez pas nos casinos et les courses de chevaux a l'Hippodrome les Mercredi, Vendredi, Samedi et Dimanche. Pour de plus amples renseignements, appelez le PNE au (604) 253-2311 SNE 89. Une aventure quotidienne. Du 19 Aout au 4 Septembre. aux poneys du Connemara. Spectacle haut en couleurs, parait-il. Le commentaire préci- se que ces robustes petits chevaux sont nés d’un croise- ment avec le cheval arabe et élevés en liberté dans la région. Une autre carte présente une belle vue panoramique de Clifden, port sis au fond d'une baie. J’en achéte une dizaine! C'est prés d'ici que les aviateurs Alcock et Brown vinrent se poser en 1919 aprés avoir accompli le premier vol transatlantique - en provenance de Terre-Neuve. Des coupures de journaux sur le mur d’un restaurant rappellent cet ex- ploit. Percée de soleil. En mordant dans un petit pain encore tout chaud, je reconnais, de l’autre cété de la rue, un jeune couple que j’ai croisé plusieurs fois sur le bateau lors de la traversée dela Manche. La beauté de leurs visages m’avait frappé. Je m’empresse de terminer mon repas frugal pour aller faire leur connaissance. IIs . se souviennent de m’avoir vu, bien sdr. Nous avons tét fait de nous attabler devant un café irlandais - avec whisky et creme fouettée. Hamid et Christine, l'un iranien, l'autre allemande, habitent Berne, la capitale suisse. lls parlent cing langues, y compris le frangais: Non seulement ils miinvitent a retourner a Galway par la route cétiére avec eux, mais ils insistent pour m’héberger lors- que j'irai en Suisse. (J’y serai royalement accueilli. Voir «Au dela des Alpes».) Ils sont déja préts a partir, et moi aussi! Je me rendrai al’arrivée du bus, ce soir, pour retrouver le couple belge. Prise de photo de mes nouveaux amis devant des facades aux couleurs criardes, et nous voila en voiture. La route cdtiére suit une ligne fort sinueuse, révélant des paysages montagneux criblés de lacs, parsemés de bruyére et de lichen. J’aime |’apre beauté de ce Connemara, sa douce lumiére, la variété de ses demi-teintes. J’ai soudain |’im- pression d’étre parvenu au bout du monde. Une maison tradi- tionnelle, ici et la, semble vouloir passer inapercue. Champs semés de rocs et de boutons d’or. Vaches, chevaux, moutons. Tout est paisible. nouveaux amis. se d'une — gentillesse Mes montrent consommée. Ils s’arréteraient . cent fois pour que je prenne des photos si je le désirais. «Prends ton temps», insiste Hamid chaque fois que je sors de la voiture avec mon appareil. C’est a croire que je les paie pourme | ramener a Galway. Aux vaches,, moutons, chevaux, s’ajoutent maintenant chévres, anes et dindons. Nous devons ici ralentir et méme immobiliser la voiture: un troupeau d’innocen- tes bétes laineuses «occupe> la, chaussée, protestant sans doute contre |’exploitation par l'homme de leurs chaudes toisons. Nous parvenons maintenant au royaume des_ tourbiéres rouges de I’Irlande. En aperce- vant de la tourbe empilée et un ouvrier a l’oeuvre, nous nous arrétons pour marchersurce sol spongieux et prendre d’autres photos exotiques. Notre con- versation (truffée de «turf»!) avec le tourbier nous apprend l'importance de ce moyen de chauffage et de production d'électricité. Il existe méme une centrale thermique alimentée par de la tourbe! Debout sur la tourbiére, le regard au loin, je respire, pour ainsi dire, le sol généreux de la vieille Irlande. Nous manions a tour de réle l'outil de travail du sympathique tourbier avant de reprendre la route sinueuse. Les piles de tourbe combusti- ble se multiplient. Un vieil Irlandais achéve d’en charger sa charrette -tirée par un cheval. Je ne serais pas surpris que |’on vende des petits sacs de tourbe dans les magasins de souvenir. J’en fais la remarque a mes compagnons, ajoutant qu’aprés tout j’ai déja vu des sachets de crottin d’orignal en Alaska! Qui a dit que l’argent n’a pas d’odeur? A mesure que Hamid joue du volant, les murets de pierre grise se succédent, de plus en» plus nombreux. Des chaumié- res blanches au milieu de taches vertes attirent le regard. J'apercois une pompe a eau couleur... seven-up. Un cheval caracoleprés d’un Ane qui al’air de se mourir d’ennui. Puits recouvert d’un petit toit de chaume. Un cimetiére et ses croix celtiques. Au nord de la route, les montagnes varient leurs teintes a l'infini sous des nuages changeants. Nouvel arrét, cette fois a un restaurant-chaumiére. ‘Plus loin, Christine me prend en photo devant un muret gris; en arriére-plan, d'autres murets courent, en grand nombre, a travers les champs _ pierreux. Nous remontons en voiture, chacun y allant d’un commen- taire romantique sur le Conne- mara. Cenom me rappelietout a coup la chanson prenante que Michel Sardou a consacrée a cette contrée sauvage. En retournant au centre de Galway, j'indique a mes bienfaiteurs ol se trouve le Galway Arms Inn, le pub «irlandais pure laine» ot j'ai terminé en bon vivant ma soirée d’hier. Je décide maintenant de prendrele prochain train pour la capitale. Le jeune couple accepte volontiers de se rendre a l’arrivée du bus de Clifden pour remettre au couple belge le message que je lui adresse, expliquant briévement les cir- constances qui ont causé mon... manque de_ parole. Hamid et Christine se feront également un plaisir d’amener le couple au pub avec eux. Remerciements et poignées de mains chaleureuses. Ce n’est qu’un au revoir. Dans le train pour Dublin, j’adresse la parole a une dame de 75 ans, toute jeune de coeur.: Elle déplore |’érosion rapide de la culture gaélique, m’appre- nant que des «Colléges d’été» pour la sauvegarde et le perfectionnement du gaélique jatonnent la route cétiére. S'y trouve également une station de biologie marine. «La meilleure littérature du pays, m’assure-t- elle avec humour, vous la trouverez la ou se rassemblent buveurs et fumeurs!» Pour elle, le Connemara est le paradis des peintres et des méditatifs. Au petit dortoir de mon auberge, j’entends, ce soir-la, deux anglophones deviser pé- remptoirement sur les «devoirs urgents» de Brian Mulroney, le nouveau Premier Ministre du Canada. Je monte dans un des lits superposés pour m’aban- donner sans tarder a un profond sommeil... politique. STUDIO ET CHAMBRES NOIRES A LOUER Amateur ou professionnel , _ si vous étes un photographe a la recherche d’une. chambre. ¢ Noire, appelez-moi'! — Pour renseignements ou inscription: Jean-Jacques au 7 685-5528 entre 18h00 et 22h00 C'EST RISQUE! -ALCOOL... TROP, TROP SOUVENT,