12 Le vendredi 5 décembre 1997

SOLEIL

Les angoisses de Noél

UN TRAITEMENT CINEMATOGRAPHIQUE

L’approche rapide de la
saison des fétes comporte son lot
annuel de stress et d’angoisses
relatifs & l’achat des cadeaux de
Noél.

andis que les studios

hollywoodiens repren-

nent leur souffle, avant

le dernier sprint de
l'année qui verra déferler sur les
écrans vancouverois une
avalanche de films soi-disant
prestigieux (Deconstructing
Harry, Amistad) ou a grand
potentiel commercial (le dernier
James Bond Tomorrow Never
Dies, Titanic), le temps se préte a
quelques recommandations
destinées aux cinéphiles qui
aimeraient tant voir leurs bas de

Noél remplis  d’images_ et
d’inspirations.
Truffaut - Hitchcock de

Francois Truffaut. Celui par
lequel se mesurent tous les autres
livres sur le cinéma. Avant
d’atteindre son apogée de
cinéaste, Francois Truffaut,
ancien critique aux Cahiers du
cinéma, a effectué une entrevue-
fleuve avec le maitre du cinéma &
suspense. Une conversation
pendant laquelle Truffaut
explore avec minutie |’oeuvre
entiére —_d’ Hitchcock. Les
questions sont pertinentes et
éclairées, et les réponses nous
font comprendre les techniques
et mécanismes qu’utilise un
réalisateur pour parvenir & ses
fins dramatiques. Passionnant.

Making Movies de Sydney
Lumet. A Taide d’exemples

La _ Seiziéme vient de
terminer une tournée avec La
Grande Ourse d’Yves Masson.
Alain Jean a fait sa premiére mise
en scéne, depuis son arrivée a la
compagnie. L’acteur Joey
Lespérance, lui, a participé a 4
pléces avec la troupe La Seiziéme :
Le Mariage ouvert de Dario Fo,
Le Petit Prince de Saint-Exupéry,
Entre parenthéses et La Grande
Ourse, toutes deux d’Yves
Masson.

oey Lespérance aime rire,
parler et faire du théAtre.
Losqu’on lui demande
comment il voit son
métier, il répond d’emblée : «
Jaime travailler quand il y a de

la place pour la créativité, que’

tout ne soit: pas décidé a
Pavance. C’est A ce momentla
que le miracle se passe. Lorsque
je n’ai pas d’idées préétablies,
jessaie des choses. Si tout est
déja décidé, ga ne se passe pas.
Ce qu’il faut se rappeler au
théatre, c’est le miracle qui se
déroule sous vos yeux. »

choisis &4 méme sa carriére, le
cinéaste américain (Dog Day
Afternoon, Serpico, Network)
décrit les différentes étapes de la
fabrication d’un film, du choix
dun sujet & la diffusion du
produit fini. Lumet en profite
pour raconter des anecdotes
savoureuses. I] en résulte un livre
démystifiant le processus ciné-
matographique, ainsi que le
témoignage passionnant d’une
carriére mouvementée. Malheu-
reusement, au moment d’écrire
ces lignes, le livre n’est toujours
pas traduit en franeais.

Le Temps scellé d’ Andrei
Tarkoyski. Le cinéaste soviétique
(décédé avant la chute du
communisme) n’a tourné que six
films en vingt ans. Six chefs-
doeuvre qui ont fait’ de
Tarkovski Pun des plus grands
cinéastes de |’Histoire. Le Temps
scellé est un recueil de notes, de
discours et d’écrits rassemblés
par le cinéaste, concernant ses
théories et ses expériences
artistiques. Non seulement est-ce
un grand livre sur lart et ses
fonctions spirituelles et sociales,
c’est aussi, 4 mon humble avis, le
plus grand livre publié sur le
cinéma ; les écrits d’un artiste qui

n’a jamais compromis — ses
idéaux.
VIDEO
Trois recommandations,

trois titres de films qui n’ont
jamais été projetés en salles
commerciales & Vancouver (le
deuxiéme a été projeté au festival
du film de Vancouver et le

i af 2 |

Sara Léha : Comment est-ce
que tu situes la piéce La Grande
Ourse dans ta carriére ?

Joey Lespérance : La Gran-
de Ourse fut ma plus belle
expérience.

Eugéne a perdu sa femme
dans un accident de voiture il y a
un an. Son fils Patrick ne
comprend pas qu’il ne doit pas
parler de sa mére. Eugéne vit
dans le silence, un silence qui le
détruit et détruit sa relation avec
son fils. Ce réle m’a donné
beaucoup d’émotions. Le silence
du personnage m’a touché. C’est
un personnage opposé a ce que
je suis. Pexprime aisément des
émotions et je suis un comique.
Un réle dramatique me lance un
défi qu’il est intéressant de
relever. J’ai appris, entre autres,
a arréter de faire des grimaces.
Au lieu de m/’asseoir sur mon
role, j'ai joué simplement. Jai
appris a4 faire confiance au
personnage.

S. L. : Comment sont tes
relations avec |’équipe ?

troisitme au Pacific Cine-

matheque).

Par dela les nuages (Beyond
the Clouds) de Michelangelo
Antonioni et Wim Wenders.
Quatre esquisses d’ Antonioni sur
les désirs amoureux, les
rencontres manquées, ces
impulsions qu’on ne peut
expliquer parfois. Quatre petites
histoires superbement reliées par
Wenders et son personnage de
réalisateur (John Malkovich)
observant ou participant aux
mystéres de la nature humaine.
Avec Vincent Pérez, Iréne Jacob,
Marcello Mastroianni, Jeanne
Moreau, Fanny Ardant, Sophie
Marceau, Jean Reno. Un voyage
dans l’inexplicable.

Underground demir Kustu-
rica. Gagnant de la Palme d’or en
1995, Underground est un délire
visuel, une orgie d’images
composant une fresque hal-
lucinante sur la situation de |’ex-
Yougoslavie. Le film a_ été
violemment  vilipendé __ par
intelligentsia francaise qui a
reproché au cinéaste d’origine
serbe un parti-pris déguisé et
aveugle. Du réalisateur de Papa
est en voyage d'affaires et du
Temps des gitans. Kusturica,
cest un peu _ |’équivalent
cinématographique de Garcia

Marquez.

Le Regard d’Ulysse ( Ulysses’
Gaze) de Théo Angélopoulos. Un
voyage initiatique au coeur des
Balkans. Le mythe d’Homére
transposé dans le récit moderne
d’un cinéaste d’origine grecque
(Harvey Keitel), & la recherche de
Pinnocence pure dans le contexte

©¢

J. L. : Je dois dire... nous
quatre (les acteurs et le régisseur
de scéne) on s’aime ! Ca facilite
tellement les choses ! C’est du
monde qui est dans mon coeur.
Nous avions de la patience les
uns envers les autres, nous
discutions. Nos _personnages
nous ressemblaient —d’une
certaine maniére, ils allaient
chercher une sensibilité en nous.
C’est du théatre vérité, réaliste.

S. L. : Quelle est ta per-
ception du texte de l’auteur ?

J. L. : Yves Masson a une
vision. Ce qu’il présente est clair.
Il ne se laisse pas compter
d’histoires. I] est intégre et
exigeant. La Seizitme a monté
deux de ses piéces qui sc
ressemblent, Entre parenthéses
et La Grande Ourse.

SE. Parle-nous_ des
réactions des jeunes ?

J. L. : Dans les écoles, on ne
sait jamais quelle réaction on va
provoquer. En général, on a

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des Balkans mis & feu et & sang.
Le Regard d’Ulysse est une
méditation sur |’état actuel du
cinéma et de la mémoire des
regards, une exploration de
Vart et de l’absolu, avec des
plans-séquences d’une beauté
vertigineuse. Poésie, beauté, vie
et mort sont au rendez-vous. Du

grand cinéma. Avec Maia
Morgenstern et Erland  Jo-
sephson.

Ces cassettes sont dis-

ponibles en version originale

affaire 4 un public sensible,
touché par la piéce. La Grande
Ourse provoque de I|’émotion.
Cependant, durant la tournée, il
y a eu des moments plus
difficiles. Dans certaines écoles
d’immersion, ils ne  com-
prenaient pas toujours ce que
lon disait 4 cause du niveau de
frangais. Cela était difficile. Mais
dans Il’ensemble, ils sont
extraordinaires.

S. L. : Avais-tu Pintention de
faire du théatre pour cnfants
lorsque tu as étudié au Collége
Langara ?

J. L. : Je suis arrivé par
hasard au théatre pour les
jeunes, Je n’avais jamais prévu
ga. Pai d’ailleurs adoré faire La
Crande Ourse. Il y a eu des
moments sublimes. Par ex-
emple, 4 un moment, je me leve,
je m’avance vers le public ct
j'admets que j’ai recommencé &
fumer. Tl y a des_ silences
intenses. Je sens les jeunes dans
la salle. Je n’ai ressenti rien de tel
avec une autre pitce. Et puis,

avec sous-titres anglais chez

Video Matica.

Ce ne sont la que quelques
conseils visant & procurer chez le
cinéphile vancouverois un plaisir
cinématographique dont il (elle)
vous reconnaissant(e)
jusqu’é la fin de vos jours. En
attendant, il ne me reste plus

sera

qu’& vous souhaiter... bon
magasinage !
SYLVAIN AUMONT

jaime le public jeune car il est
honnéte. S’ils n’aiment pas tu le
sais tout de suite.

Bien str les joies de la
tournée, c’est que l’on fait tout
ensemble, Le décor prend deux
heures et demic a construire, tu
te costumes ct tu te maquilles, tu
joues ct tu ramasses avant de
partir.

Joey Lespérance trouve
Pexpérience enrichissante en
tant que comédien et en tant
gqu’humain. Comme — projets
futurs ? La Seizitme a_ fait
traduire la piéce Beat the Sunset
de Michael MacEnzie. Tl y joucra
le réle principal dans une
lecture publique le 28 janvier
1998. Copain Copain sera refait
et il interprétera le rdle du clown
pour une tournée en Alberta, au
Manitoba, en Saskatchewan ct
en Ontario.

SARA LEHA

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