page 6 REVERS DE LA MEDAILLE par Jacky MARGUIN Le 11 mars 1938, la sonnerie du téléphone retentissait dans le bureau de l’Ambassadeur d’Allemagne en Italie. Berchlesgaden appelait Rome; Adolp Hitler s’informait personnelle- ment auprés du prince Philippe de Hesse de la réaction de Benito Mussolini au “coup de main” qu’il venait d’entreprendre et de réussir en Autriche, connu sous le nom de |’Anschluss. Le diplomate allemand sortait du Palazzo Ve- nezia: le Duce l’avait assuré que “l’Autriche ne Vintéressait nullement et que Vintention de VItalie n’était pas de s’opposer 4 la réunion des deux nations-soeurs en un‘‘Grand Reich”. Bien entendu, le Fihrer “n’oublierait jamais, ’Ita- lie pouvait désormais compter sur la reconnais- sance et Vamitié éternelle de ]’Allemagne.” Le “Jawohl” de Ambassadeur approuva (si tou- - tefois il lui était encore permis de le faire). L’Axe était né; Munich s’annoneait; la guerre menacait; le malheur de Europe allait com- mencer ; il devait durer cing ans. Que resterait- il du vieux continent aprés cette secousse? Rien, sinon des plaies 4 guérir, des larmes a sécher. La peau de ces deux farfelus valait-elle done si cher, pour qu'il en cotita du sang? Le prix qui fut payé pour vendre leur 4me au dia- ble n’a t-il pas dépassé leur réelle valeur? Ils avaient instauré une nouvelle hiérarchie au sein de laquelle la force et la brutalité se sub- stituérent 4 l’intelligence, l’instinct 4 la pensée ; le prix de la liberté et de la victoire de ’hom- me sur la béte n’est jamais trop élevé. Nous sommes le ler octobre 1966; la pen- dule de la prison de Spandau 4 Berlin égréne lentement les douze coups de minuit; dans quel- ques heures l’aube va paraitre; deux hommes se pencheront alors sur leur passé et mesure- ront le chemin parcouru. Albert Speer, minis- tre de l’Armement du Ile Reich et Baldur Von Schirach, ministre des Jeunesses Hitlériennes, viennent de payer de vingt années de leur vie, la note de leur collaboration au régime nazi et de leur participation aux crimes de guer- re. Ils sont désormais libres. Mais que sont done devenus ceux qui par millions aspiraient aussi 4 la liberté, au temps ot ces doctrinaires ‘“Jouissaient” de tout leur pouvoir? Ils sont morts dans les camps de concentration, comme il n’est pas permis 4 un chien de mourir. En doutaient-ils, ceux-la méme qui retrouvent au- jourd’hui, non pas l’Allemagne gu’ils auraient souhaitée, car cette Allemagne-la est morte avee son fondateur, mais leur famille et leur liberté d’homme? L’Histoire s’est déja faite 1’é- cho des plaintes de leurs victimes; elle nous a appris qwils ont triché avec V’honneur. S’ils ne sont plus prisonniers des hommes, ils savent trés bien en leur 4me et conscience, en ont-ils ja- mais eues, qu’ils le sont de leurs remords. Car la Justice des hommes a ses faiblesses: elle par- donne; mais la Justice de Dieu est impitoya- ble: elle chatie tous ceux qui ont enfreint les L’APPEL Novembre 1966 lois de ’Humanité. La preuve leur en sera ap- portée au cours des derniéres années de leur vie, puisque leur calvaire commence au moment ou s’achéve leur internement. Ils se considérent innocents car ils prétendent n’avoir fait qu’o- béir aux ordres d’Hitler, mais le Fiihrer de |’ Al- lemagne ne croyait-il pas étre l’envoyé de la Providence de qui il s’inspirait? Que nous im- porte de savoir quwils aient agi sous la con- trainte, ce que nous doutons, ou volontaire- ment, puisqu’ils sont coupables a nos yeux davoir saigné et divisé l'Europe et le monde, et d’avoir aidé a faconner a leur pointure ce jouet dont les empreintes demeurent encore; la botte nazie. A sa décharge, Speer fut le seul des accu- sés de Nuremberg a plaider coupable. Cepen- dant le fait d’avoir ignoré les ordres de son maitre de destruction totale, alors que le régi- me qui devait durer mille ans se consumait, lui aura évité la corde de justesse. Cet ancien ar- chitecte, dont Hitler utilisa les services dés 1933, fut nommé ministre de l’Armement en 1942. Ses qualités d’Organisateur et son intelli- gence remarquable, permirent au Reich d’ac- eroitre considérablement sa production d’arme- ments 4 un moment ott |’Allemagne commen- cait la descente qui allait irrémédiablement la conduire au fond de l’abime. Conscient de cet- te perspective apocalyptique, il pensa méme a supprimer les habitants du Bunker de Berlin par le gaz. Mais que dire de Von Schirach? I] avait vingt-quatre ans en 1933, lorsque le Fiihrer lui confia le poste de Chef des Jeunesses hitlérien- nes. Pendant les derniéres années de la guerre, il envoya a la mort par vagues la jeunesse al- lemande exhortisée par ses allusions sur la beauté des morts d’enfants. Son lyrisme maca- bre ne lui aura méme pas valu la pendaison a Nuremberg, mais il peut se consoler, si je puis écrire, en utilisant ses talents littéraires aux services des Maisons d’Editions et des hebdoma- (suite 4 la page 9) SI VOUS NE CONNAISSEZ RIEN EN ASSURANCES, CONNAISSEZ VOTRE ASSUREDUR, CHARLENS CHALLMIE Bilingue Assurance Mérite 736-5451 — — 738-2582 Une Compagnie Canadienne, 70 Bureaux du Pacifique a l’Atlantique, Pas d’agents intermédiaires, Et surtout un service de réclamation efficace. PROTEGEZ VOTRE MAISON, VOTRE MOBILIER, VOTRE VOITURE.