6 Le Soleil de Colombie, Vendredi 7 Octobre 1977 Un choix national SECTION 1 Preface Il y a maintenant prés de 400 ans que le francais et anglais se sont implantés en territoire canadien. Co- lonie a l’origine, le Canada est ajourd’hui une nation souveraine. Tout au long de ce cheminement, les aspi- rations et les apports des deux communautés linguis- tiques ont profondément marqué sa personnalité col- lective et celle de ses habi- . tants. Bien avant la Confédé- ration de 1867, Canadiens de langue francaise et Cana- diens de langue anglaise se sont trouvés aux prises avec le probléme de leur identi- té propre et de leur concep- tion respective de la vie. Mais la Confédération a été l‘oeuvre d’hommes qui a- vaient appris 4 respecter ces différences; ils y voyaient méme une richesse. “Aussi désiraient-ils que la toléran- ce, la’ compréhension mu- tuelle et la justice fussent les assises de la nouvelle nation. La constitution du Cana- da— |'Acte de |’Amérique du Nord britannique— _ ac- corde aux langues francaise et anglaise un statut égal au Parlement et dans les organismes judiciaires fédé- raux et québécois. Au fil des ans, le Parlement a agréé diverses mesures con- sacrant le francais’ et anglais langues du Cana- da. Pius prés de nous, en 1969, le Parlement du Ca- nada a adopté la Loi sur les langues officielles. Le fran- gais et l'anglais y sont con- sacrés langues officielles du Parlement et de |’adminis- tration fédérale, et confir- més dans leur égalité. Une résolution du .Parlement, adoptée en juin 1973, est venue préciser les modali- tés d’application de la po- litique des langues officiel- les au sein de la fonction publique du Canada. La politique des lan- gues officielles refléte les réalités profondes de |'a- venture canadienne. Le pré- sent document a pour objet d’exposer les raisons histo- riques de cette politique et de faire le point sur son ap- plication, afin que nous Ppuissions mieux en saisir toute |’importance pour le pays. En publiant cet exposé a ce moment-ci, le gouver- nement tient 4 préciser que la politique des langues of- ficielles n’est pas et n’a jamais été considérée com- me la panacée nationale. Les problémes qui sollici- tent chaque jour notre at- tention sont nombreux et pressants. Au Canada, des. gens sont sans travail, d’au- tres vivent dans la pauvreté, des personnes 4gées sont a- bandonnées, des jeunes sont désemparés. L‘économie, qui pourrait leur venir en aide, subit elle-méme les contrecoups de crises inter- nes et externes. Le monde est au seuil de graves diffi- cultés que méme les esprits les plus clairvoyants par- viennent mal a définir. Tou- tes ces crises nous assail- lent en méme temps; c’est pourquoi il faut redoubler de calme, de sagesse et de compréhension. Nous ne Pourrons trouver de. solu- tions réalistes que si nous sommes srs de nous-mé- mes et du pays qui nous entoure. Mais voila que la ques- tion linguistique ressurgit sans Cesse, comme en témoi- gne l’actualité récente au Québec. Croire qu’elle dis- Paraitra comme par enchan- tement si !’on réussit a ré- soudre les autres problémes, c‘est oublier certains événe- ments cruciaux de I’histoire récente et ancienne du Canada.Toute I’histoire de Ihumanité, d’ailleurs, nous enseigne que de ne pas respecter les valeurs cultu- relles et les sentiments pro- fonds d’un peuple a des conséquences aussi tragi- ques que de ne pas satisfai- re ses besoins économiques et matériels. Nous ne sous-estimons pas pour autant la gravité des autres problémes auxquels le pays fait face. Le senti- ment d’aliénation qu’éprou- vent les populations de ‘Ouest du Canada, nos be- soins urgents en ressources énergétiques, nos difficul- tés d’ordre économique, no- tamment celles qui décou- lent des disparités entre les régions, du chémage, de la cherté de la vie, toutes ces questions et bien d'autres nous pressent d’intervenir avec vigueur et détermina- tion. Les questions constitu- tionnelles sont tout aussi importantes et non = sans corrélation avec nos autres problémes. Les Canadiens sont in- quiets de leurs rapports en- tre eux, parce qu’ils éprou- vent de la difficulté a dé- finir nettement leur appar- tenance a la fois a ce pays qui est leur et a leur pro- pre communauté linguisti- que et culturelle. Les mi- norités francophones 4 tra- vers le Canada et la mino- rité de langue anglaise du Québec souhaitent préserver leur identité sans renoncer pour autant 4 prendre une Part active a la vie socia- le, 6conomique et politique de leur province et du pays. Les autochtones, de cultu- re indienne ou inuit, ont les mémes aspirations. De mé- me, les Canadiens d'origine autre que britannique ou francaise, qu’‘ils aient adop- té l'une ou l’autre des deux langues officielles, sou- haitent préserver leur cul- ture tout en s‘intégrant a la société canadienne. On dit souvent que I’im- portance accordée a la lan- gue simplifie outre mesure un probleme complexe.Mais parler de langue, n’est-ce pas parler aussi de la vie méme des gens, de leur culture, de leurs institu- tions? La question fonda- mentale est donc de sa- voir si les Canadiens, bien que de langues et de cultu- res différentes, sont dispo- sés a partager, dans le res- pect mutuel, |’avenir social, économique et politique de leur pays. C’est pourquoi ce docu- ment traite des droits lin- guistiques des Canadiens. Pour peu qu’on y réflé- chisse, il devient vite évi- dent que ces droits tou- chent aux aspects les plus importants de leur vie en société: liberté de parole, éducation des jeunes et des adultes, administration pu- blique, administration de la justice, travaux parlementai- res, presse, radio, télévision, communications au_ travail ou dans les affaires, servi- ces sociaux,activités cultu- relles. Il est également manifes- te que l’exercice de ces droits dépend tout autant des lois et des politiques provinciales que. des lois et des politiques fédérales. Comment peut-on éviter ~nous que et ses programmes en matiére de langue au sein.de la fonction. publique fédé- rale, et ses projets seront bientét présentés aux syn- dicats intéressés. A la suite de ces consultations, le gou- vernement fera connaitre les modifications qu’il souhaite: apporter 4 sa politique. I! espére étre en mesure de le faire bientot. Le gouvernement, je tiens a le réaffirmer, a la ferme intention d’assurer la réali- sation intégrale des objec- tifs fixés par le Parlement en matiére de langues offi- cielles dans la fonction publique. Les modifications envisagées_s‘inspirent de l'expérience que nous avons acquise en remplissant jour aprés jour les obliga- tions découlant de la Loi sur les langues officielles, ainsi que des critiques et des recommandations qui ont été adressées. Je veux souligner avec la méme vigueur que les pro- positions du gouvernement ne visent pas que les minis- téres, mais aussi les socié- tés et les organismes de la Couronne. Enfin, le gou- vernement envisage de ren- forcer |autorité du Com- missaire aux langues offi- _cielles. - eee ae ‘ - S‘jnvite tous les Canadiens — = effet de voir que la question 4 considérer |'existence au linguistique reléve de tous les paliers de gouvernement? C’est d’ailleurs pourquoi le projet de charte constitu- tionnelle, qui a été discu- té a la conférence de Vic- toria, en 1971, contenait des dispositions précises a cet effet. Rappelons que certaines de ces dispositions. avaient été acceptées par sept des dix provinces et que cette acceptation les liait, tout comme le gou- vernement fédéral, de fagon irrévocable. En soulignant cet aspect de la question, le gouver- nement fédéral sait bien quel rdle est dévolu aux provinces en ces domaines. Il n’ignore pas non plus que la situation linguistique varie d‘une province a |’au- tre. Mais j’estime que le gouvernement du Canada faillirait 4 ses obligations morales et politiques s’il ne faisait pas connaitre a ce moment-ci son point de vue sur les droits fondamentaux des Canadiens en matiére de langue. A ce propos, 4 la suite de suggestions qui lui sont venues de nombreux ci- toyens canadiens — notam- ment de parlementaires et du Commissaire aux langues officielles— le gouvernement faisait part dans le dis- cours du trdne d’octobre 1976 de son intention de réorienter sa politique lin- guistique, afin d’accorder plus d’importance 4 toute la population , la jeunesse en particulier. Le gouvernement est en train de redéfinir sa politi- Canada de deux langues officielles comme un atout, non comme un obstacle a leur vie en commun. Le francais et l'anglais, incarnent deux des_ plus prestigieuses cultures, sont aussi aujourd’hui, dans un monde ot |’interdépendance est la condition de la sur- vie et de I’épanouissement, deux des langues les plus largement répandues. Nom- breux en effet sont les pays qui s‘efforcent d’assurer a leurs citoyens les moyens ‘d’apprendre ces deux langues que nous avons, nous, recues en_ héritage. Tout autant que les Cana- diens francophones, les Ca- nadiens de langue anglaise se soucient de préserver leur langue — qui dans leur cas n’est pas menacée — et aussi de protéger et de développer leur culture. Ils se rendent compte, tout comme les Canadiens fran- cophones, qu’en renforgant leur indentité culturelle, ils ‘contribuent a assurer |’indé- pendance politique de leur pays et sa présence effica- ce dans le concert des na- tions. Bien qu’ils portent en eux des inquiétudes a certains égards différentes, tous deux ont intérét a ce que leur pays ne soit pas démantelé ou affaibli a cause de différends d’ordre linguistique et culturel. La Loi sur les langues Officielles ne dispose pas qu’en faveur des Canadiens d’origine francaise ou bri- tannique. Les droits qu’elle tére qui- sanctionne bénéficient 4 tous les Canadiens. Il est a craindre cependant que nalité culturelle. Le gouvernement — est cet aspect ait échappé 4 résolu a renforcer le statut plus d’un. Ceci dit, il y a d’égalité du francais et de lieu de se réjouir de ce l'anglais et a participer a qu’un nombre croissant de l’essor des deux groupes Canadiens avantages apprécient de les linguistiques la diversité du Canada. que cette loi consacre, et Il sait qu'il répond ainsi voient de ~ plus clairement le profit qu’ils peuvent tirer de l’existen- ce, au Canada, de deux langues oOfficielles. Et parce que la tolérance et la com- préhension se font plus actives a travers le pays, un climat se crée qui permet aux Canadiens d'origine au- en plus au désir de la plupart des Canadiens qui sont fiers de partager les cultures fran- Gaise et britannique et d’affirmer ainsi leur per- sonnalité nationale. Dans le passé, de nom- breux Canadiens, de 1|’A- tlantique au Pacifique, ont tre. que francaise et bri- saisi l‘importance de la poli- tannique de mieux mettre en valeur leur patrimoine culturel. Aijinsi, la diversi- té, qui confére a la cultu- re canadienne son carac- distinctif, s‘offre en partage a tous les Canadiens. Quelle que soit leur langue maternelle, ils ont de plus en plus la pos- sibilité d’affirmer — leur individualité et leur origi- a Pierre Elliott Trudeau tique des langues officielles pour l’unité du pays. — Ils ont compris qu’elle pouvait étre une source d’enrichis- sement pour eux et pour leurs enfants. Leur atti- tude a contribué a lI’amé- lioration du climat de com- préhension et de respect mutuel sans lequel aucun projet commun n’est pos- sible. — Premier ministre du Canada. Roberts. publication, liére parution: Préface 2iéme parution: 3iéme parution: officielles 4iéme parution: dien. fédéraux.. 5iéme parution: Postface publiés Québec, APFHQ. Compte tenu de |’importance que revét actuellement [a question linguistique dans le contexte de la politique canadienne, voici le texte intégral du Livre Blanc sur les Langues, présenté aux Communes le 21 juin 1977 par le secrétaire d’Etat, John “Vu. le nombre de pages que nécessite sa nous avons choisi de faire paraitre les différents chapitres en cing parutions. Ces chapitres, ou parties du document, se répartissent ainsi: La langue, la culture et les pouvoirs publics. La langue et I’interprétation de I’histoire La langue et I’unité canadienne Les principes de la politique des langues Les langues officielles et le citoyen cana- * Les langues officielles et les programmes Les langues officielles et les provinces Cet espace est acheté par le Secrétariat d’Etat. Les textes qui s’y trouvent sont dans les journaux membres de I’Association de la presse francophone hors (Suite p.11) i RE ies abi : | } : } t j ii: Hot ec, ane ne RR limaths chee