Moustique Volume 2 - 5" édition ai_ 1999 Page: Monoloque Le petit bimoteur sierra leonais touche enfin le "tarmac" de l'aéroport de Conakry. Un vol relativement paisible, la saison des pluies est passée. Le pilote a dd toutefois plaquer l'avion au sol car il est tot dans l'aprés- midi.et les turbulences créées par la chaleur du sol n'ont pas arrété, pendant toute l'approche, de secouer l'appareil a en faire craquer la carlingue. On passe la douane et par les mains de la police. Formalités non justifiées du fait que l'on arrive de l'intérieur du pays ; mais tellement profitables, pour les agents en place, qu'elles sont rétablies par les autorités de l'aéroport chaque nouvelle fois que le gouvernement les interdit. Pendant que l'on essaye, a plusieurs reprises et sous n'importe quel prétexte, de me confisquer mon vieil appareil photographique, on entend au dehors une rumeur persistante. La police fait semblant de l'ignorer, tout en montrant des signes de nervosité inhabituels. Alors que 'on me laisse en paix quelques instants, je me hisse discrétement sur une chaise bancale qui me met a hauteur d'une fenétre aux trois-quarts aveuglée par un mur de parpaing sommairement cimenteé. Par un jour éclatant qui filtre entre deux blocs de ciment, on voit la route de l'aéroport qui s'aligne parallélement a l'aire de parcage. Au loin, une foule innombrable se déverse en un flot tumultueux sur toute la largeur de la route. Quelques groupes excités débordent vers |'aéroport en s'infiltrant entre les véhicules en stationnement. Armés de gourdins, quelques énerguménes, particulierement agités, s'en prennent déja a quelques voitures dont les vitres volent en éclats. Je me rappelle en effet que les élections présidentielles sont prévues pour dans quatre a cing jours. On m'avait recommandé d'étre prudent et de ne pas circuler dans les villes de Guinée pendant cette période. J'ai mal choisi mon jour pour retrouver ma femme et mes enfants que je n‘ai plus vus depuis quelques mois. Je redescends de mon perchoir et je prends a part I'Africain qui nous sert a la fois de chauffeur et de cicérone. Bien qu'il soit la également pour nous aider a passer les formalités et nous éviter les tracasseries administratives officielles (et officieuses), je lui demande de ralentir les procédures. Je ne suis plus aussi pressé de quitter l'aéroport. Méme cette douleur lancinante dans 'oreille gauche parait s‘atténuer. Tout a l'heure, quand nous survolions encore la ville, la variation d'altitude accentuait la pression sur le tympan, distendu par l'infection purulente. Je tordais les accoudoirs de mon siége pour me retenir de crier de douleur. A présent que j'ai vu les émeutiers en action, je ressens moins le besoin d'aller me faire soigner. Pourvu qu'ils n'entrent pas dans |'aérogare | Les policiers ont disparu. L'atmosphére est probablement devenue assez chaude pour leur Ster la joie de nous extirper quelques sous de plus. On s'avance prudemment vers I'entrée. Il y a toujours cette foule vibrante qui exprime son exaltation par des cris stridents et belliqueux. Mais l'apparition de quelques soldats et d'un énorme char d'assaut a vidé le parking de ses saccageurs. Je respire |! Je propose d'attendre encore quelques instants avant de monter dans le véhicule. Le cortége des manifestants a presque dépassé la zone ot! nous nous trouvons. Dans peu de temps, ils seront au-dela d'un croisement qui nous sépare d'un autre quartier. Prendre la route sera alors plus str. Peut-étre ! On saute dans une voiture et l'on emprunte la direction opposée 4a celle du cortege. Quitte a faire un enorme détour, on rejoindrait ainsi I'hétel en toute sécurité. La ville, d'ordinaire assez laide et malpropre, a en plus cet air de désolation qui s'attache aux jours d'émeute. .. Suite... =]