- 14 —_ Le Soleil de Colombie, vendredi 15 avril 1983 Les Japonais : Steveston, un havre balloté Suite de la page 1 visée, en une expiration pro- fonde venant du ventre” révé- lent les manuels. Des cours de japonais synt également proposés dans les locaux du Centre. “Nous avons une soixantai- ne d’étudiants, de la premiére a la 12@me année, indique Jonathan Yokoyama, !’un des enseignants et pasteur de léglise japonaise-anglicane de Steveston. Beaucoup de’ nos éléves poursuivent leurs études u département des Etudes asiatiques de UBC.” Pas de miracle L’école a été fondée en 1911 mais ne fut réouverte, aprés sa fermeture lors de la Seconde Guerre Mondiale, qu’en 1960. Il n’y a pas eu de miracle pour Steveston et l’effet de “l’éva- cuation” de 1941 fut 1a aussi traumatique. Bien avant 1941 dailleurs, les Japonais-Cana- _diens du quartier devaient ressentir les morsures du racis- me. Une des heurs en 1900 déclenche la confisca- tion progressive de la moitié des 2500 permis de péche détenus par des Japonais. En 1941, c’est la confiscation des bateaux et des autres pro- priétés. “La destruction et la dis- persion furent si completes que peu de traces demeurent de la vie de nos Canadiens Japonais ici avant 1945”, peut-on lire dans le petit musée de Steveston. Le déve-_ loppement de la communauté fut bahar wa po: au akan = siécle. Aujourd’hui, il n'y a plus que 515 foyers japonais-canadiens disséminés — ironie amére — autour de clubs et de maisons de retraite de l’'armée cana- dienne. naise, Les vieux seuls Steveston n’a donc rien d'un vase clos japonais. L’histoire a laissé ses cicatrices. Le présent — aujourd’hui des tradi- tions millénaires. Les costu- aux cérémonies, avoue Gwo- sho Abe, prétre bouddhiste au majorité avec des non- Japonais d’autres confessions, ne viennent plus _au temple, ou quand ils viennent, ignorent la langue. Le dimanche, je fais donc un service en japonais et un avec mon anglais primitif...” Gwosho Abe est arrivé au Canada il y a 6 mois. “Comme c'est facile d’y conduire” lais- se-t-il échapper... Le bouddhisme local ga pourtant pas la rigidité 4 bouddhisme au Japoin. Au Canada, le piano et l'orgue accompagnent les cérémonies. Jonathan Yokoyama, le pas- teur anglican, est d’ailleurs prompt a souligner que les rites bouddhistes locaux sont comparables aux célébrations chrétiennes. “Nous autres, Ja- ponais Canadiens chrétiens, ajoute-t-il, conservons les tra- ditions bouddhistes pour les mariages et les funérailles”’. Mélange des genres et des cultures, érosion de l’identité, a. l'image de Jonathan Yoko- yama lui-méme. aa Quelle surprise de l’enten- dre parler de son engagement dans l’armée japonaise pen- dant la guerre. De l’entendre justifier la déportation 4 cette époque d’hommes et de fem- mes dont certains sont parmi ses fidéles aujourd’hui. “La guerre est la guerre, vous savez, dit-il. Les Japonais ont déporté des _missionnaires chrétiens. Ah ‘si j'avais été au Canada a cette époque, je penserais certainement diffé- remment...” La perte d'identité atteint des niveaux alarmants au niveau de la quatriéme géné- ration. “C'est un autre type physique” laisse tomber abruptement Ken Shikaze, un Sansei, impliqué profession- nellement dans la communau- té depuis 7 ans. Pour lui dailleurs, cette derniére n’existe pas. “Les générations, les associations, les individus sont divisés, souligne-t-il. Alors qu’un Centre culturel est tellement nécessaire pour se retrouver, exposer, appren- dre, vendre méme, aucun progrés n’est réalisé dans cette voie.”” = L’Asian Centre, a UBC, en tient souvent lieu. Nom- bre d’activités japonaises trou- vent 14 un cadre prestigieux pour s’‘épanouir. Divisions Plus grave, pour la premié- re fois l’importante Japanse Canadian Citizens Association (2) menace de retirer son. financier notam- cat derniéres ‘ditions). “lly a des problémes dans la com- munauté” se borne a dire une responsable de_ |l’association qui désire conserver l’anony- mat. Le Festival, symbole de lunité, du retour symbolique de la communauté éparpillée a la vieille Japantown hé- roique, est donc menacé d’éclatement. Il serait cependant injuste de conclure sur cette note e. Un autre regroupement an- nuel, attirant des participants venus d’aussi loin que Kam- loops ou Kelowna, prend place en juillet, au temple bouddhiste de Vancouver: c'est le Festival japonais Obon Odori, une cérémonie en Vhonneur des morts, illumi- née par des lanternes tradi- tionnelles et animée par des danses solennelles. D’autres faits positifs exis- tent: Kokuho Rose Prohibi- ted, un groupe musical van- couvérois o¥ s'intégrent des Japonais-Canadiens, écrit des musiques de plus en plus originales et personnelles. Des » artistes du Japon viennent a Vancouver encourager les ar- tistes locaux, dont certains, comme le maitre de la pote- rie Shoji Hamada, sont par- faitement reconnus. Une po- terie du précédent $5000. L’attitude face au Japon Un hebdomadaire, rédigé en japonais, le Vancouver Shimpo, est publié depuis 5 ns. “Nous tirons entre 1500 et 2000 exemplaires, avec des nouvelles locales, internatio- nales et du Japon” précise Saeko Andil. Le Japon... Les attitudes par rapport a la mére-pa- trie déterminent une grande ees opera vaut part de la conduite des Japo- nais-Canadiens. Les immi- grants récents qui ont lancé le Vancouver Shimpo n’ont pas vis-a-vis du Japon la réaction de retrait d’un Sansei comme Ken Shikaze. “Mes sentiments envers le Japon? Ce n’est pas une question pertinente. Est- ce que vous demandez a un Canadien Anglais s'il vient d’Ecosse ou d’Irlande?” Confucianisme La crise d’identité des Japo- nais Canadiens a peut-étre des causes enracinées au-dela du _ £& traumatisme infligé lors de la Seconde Guerre Mondiale et de “l’assimilation ordinaire”. Le Japon, avec sa tradition confucianiste et l’accent porté sur le culte des ancétres et Tunité de la famille avec le reste de l’univers, rend peut- étre plus difficile a ses fils le déracinement qu'impose la migration. Mais on ne revient pas sur l’histoire. Le premier (1) Art martéal de combat ou Varme est un sabre en lamelles de bambou gainées de lanié- De l’un de nos abonnés au Japon res de cutr. (2) Par exemple, c’est par son intermédiaire qu’un prét de ant japonais en Colombie britannique, Manzo Nagano [centre] et sa famille, autour de 1910. $221 000 a été dirigé en 1978 vers la réfection de la mazson de retraite japonaise de Powell Street. Un tour d’horizon du frangais au Japon Par Raoul Holland _ Nagoya, Japon Le frangais, situé au troisié- me rang au niveau univer- sitaire (aprés bien sar l’an- glais, mais aussi l’allemand) fait l'objet d’études par 11% seulement des étudiants japo- nais. Mais dans les facultés des tranchés: l’anglais 25 000, V'allemand 20 000, le francais 16 000 et le chinois 5 500. Au secondaire, ow l'anglais est obligatoire dés l’age de 13 ans, on constate néanmoins une augmentation du nombre d'éléves qui apprennent le francais, répartis dans quel- que 65 lycées. En 1980, un éléve sur 1 000 s'initiait a notre langue, tandis qu’ac- tuellement il modo un sur 650. La Maison Franco-Japonaise Les trois Instituts Franco- . Japonais (Tokio, Kyoto et Fu- kuoka) ainsi que les trois Alliances Francaises (Nagoya, Osaka et Hiroshima) regrou- pent 6 000 étudiants. A Tokio, mentionnons égale- ment le Collége de I’Etoile du Matin (Gyosei), la Maison Franco-Japonaise et L’Athé- née Francais. Le Collége de l’Etoile du ‘Matin, fondé par les Maria- - nistes il y a presque un siécle, dispense un enseignement ot Je francais demeure une ma- tiére privilégiée, depuis le jardin d’enfants jusqu’a la fin du lycée: 50% des éléves étu- dient le francais comme pre- -miére langue, les autres com- me deuxiéme langue aprés l'anglais. La Maison Franco-Japonai- se existe depuis 1924. Elle favorise tout un éventail d’échanges et de recherches scientifiques et culturelles, ge- re la bibliothéque la plus riche du Japon en livres et pério- diques francais (40 000 vols) et organise une cinquantaine de manifestations diverses chaque année. L’Athénée Frangais, mis sur pied en 1913, et doté en 1970 d’un Centre Culture] oi se donne une vaste gamme d’ac- tivités culturelles, assure 641 y en a grosso heures de. cours par semaine, grace a ses 54 enseignants, dont 32 Francais. Tl ne faut pas oublier non plus les 150 écoles de langues privées ot environ 12 000 éléves se mettent a l’apprentis- sage du frangais, ni les cours radiodiffusés (300 000 audi- lion de spectateurs) par la chaine éducative de la télévi- sion nippone. La population de l’archipel est de l’ordre de 110 millions d@habitants. Finalement, ajoutons les milliers d’étu- diants japonais en France, en Belgique, en Suisse et au Canada francais. Le frangais sur les ondes La radio -MF~ nationale diffuse en plus une demi- heure de chansons francaises chaque dimanche matin. Si vous avez une bonne antenne, Radio Corée, Radio Suisse internationale, Radio France internationale (pour 1’Afri- que!) et la Voix de l’Alle- magne s’ajoutent a vos possi- bilités d’écoute. Francois Mitterrand en direct La télévision offre au cours de l’année au moins six films en francais, dont on peut écouter la bande sonore ori- ginale si son poste est muni du dispositif nécessaire. Par- fois on passe en francais avec sous-titrage des entretiens avec des gens de marque dans les arts. Et M. Mitterrand s'est ainsi adressé directement au peuple japonais lors de sa visite officielle en 1982. Les réclames commerciales qui pullulent a la télévi- sion japonaise font souvent usage de quelques bouts de phrases en anglais. Les publi- cités qui se servent du fran- cais, surtout pour les véte- ments et les produits alimen- taires, s’avérent assez nom- breuses, elles aussi. De méme, létiquetage des produits de beauté, des friandises et des vétements utilise souvent cette langue, et nombreux sont les restaurants et boutiques, no- tamment dans les quartiers huppés des villes de ce pays nouveau-riche, dont les ensei- gnes se lisent “La Maison Blanche”, “La Poupée” ou encore. “Petit Pont’. Les cinémas passent de temps en temps des films en francais (sous-titrés en japo- nais), si bien que dans les andes villes on a la possi- bilité d’aller voir au moins un film francais par mois, sans parler des courts et longs métrages qu’offrent les Allian- ces et les Instituts. -En ce qui concerne la presse écrite, il existe, a part les magazines francais disponi- bles dans quelques grandes librairies, un mensuel fran- cais publié 4 Tokio — “Vul le — journal francais du Japon” (tirage: environ 15 000). La plupart des chiffres du présent article sont puisés dans ce mensuel,-d’ailleurs. La Société japonaise de langue et de littérature fran- caises regroupe plus de 1 200 professeurs et publie deux fois par an le bulletin Etudes de langue et littérature frangat- ses, un numéro en francais et l'autre en japonais. Toujours est-il que le nombre de cher- cheurs dans le domaine des littératures francophones - hors-hexagone est minime. Personne, ou peu s’en faut, | ne s'intéresse ici aux oeuvres maghrébines, canadiennes ou négro-africaines. La langue du client Méme si certains Japonais persistent a croire que tous les étrangers sans distinction sa- vent l’anglais, et que les Francais refusent de le parler par “impérialisme linguisti- que”, les plus avertis se ren- dent compte de la réalité francophone dans le monde, et reconnaissent aux autres le “droit a la différence” que représente le frangais (et tou- tes les autres langues, diail- leurs!). A titre d'exemple, les employés d’une certaine socié- té japonaise qui suivent des cours de francais avant de partir au Mali sont persuadés -de la vérité de cette phrase: “La langue du commerce n’est point I’ anglais, mais la langue du client.” Conclusion La langue frangaise, l'un des véhicules par excellence de la pensée, de l’expression littéraire et des beaux arts occidentaux, retrouve au Japon des échos multiples de sensibilité et de raffinement, ce qui incite encore aujour- d’hui le plus grand nombre de Nippons a |’étudier. Pour d'autres néanmoins, elle donne plutét accés a certaines recherches techni- ques bien précises, ou encore aux marchés des quelque trente pays de la Franco- phonie. Quoi qu'il-en soit, il serait a peine exagéré de dire que notre langue semble jouir actuellement d’une situation plus favorable au Japon, ot elle subit toutefois la rivalité écrasante de l’anglais, que sur le territoire de cette autre super-puissance, ow l'anglais ne la concurrence pas du tout en tant‘que langue étrangére, que sont les Etats-Unis! Exigences: ' rance-chémage. La Société Historique ouvre 3 postes d’assistants-archivistes Projet: RELAIS (NEED) But du projet: monter salle-archives. Durée du projet: 20 semaines. e doit avoir fini de recevoir des primes d’assu- * connaitre frangais et anglais. © expérience en classification. e dactylographie serait un atout. Salaire: $200 par semaine. Début du projet: d'ici environ 1 mois. S.V.P. contactez Catou Lévesque au 879-3911.