L’hyper-puissance Hubert Védrine a accompagné I'action diplomatique de Francois Mitterand pendant les quatorze années de sa présidence et, de 1997 a 2002, il a été ministre des Affaires étrangéres de la France. Sous le titre Face a lI'hyper-puissance, il a publié le texte de ses discours et de quel- ques entrevues et articles confiés a la presse entre 1995 et 2002. L'activité diplomatique de Hubert Védrine s'est déroulée 4 une époque qui a été témoin de grands bouleversements internationaux cons- titués par la chute du mur de Berlin, l'effondrement de I'URSS, et leurs conséquences pour le monde. Certains historiens annoncérent méme que I'Histoire avait pris fin. Désormais, il n'y aurait plus de grands conflits meurtriers, l'ONU et la Cour pénale internationale allaient prévenir de nouveaux crimes et de nouvelles guerres. "Il ne resterait plus a la "communauté internationale" qu'a remettre dans le droit chemin quelques régimes totalitaires ou Etats "voyous" apparemment menacants mais, en fait, marginaux et condamnés"(p.8). Quant a l'Europe, elle se métamor- phoserait en une puissance vraiment politique capable de parler d'une seule voix. Hubert Védrine n'a jamais cru a ce conte de fée créé par quel- ques historiens, dont Fukuyama, et que les événements les plus cruels ont d'ailleurs bien vite démenti : guerres, génocides, attentats sont en effet une réalité courante bien en contraste avec les analyses de ces réveurs. Parce qu'il se définit comme profondément réaliste, Védrine n'a jamais souscrit 4 des espérances aussi fragiles et trompeuses. Aprés la fin de I'URSS, la conception du monde a changé dans les années 1990. L'équilibre entre les deux super-puissances depuis la fin de la Se- conde Guerre mondiale a été rompu. II n'y a plus désormais de monde bipolaire mais, et pour un certain temps encore, une seule puissance, les Etats-Unis, que Védrine dénomme une hyper-puissance. Pour bien des Américains, ce mot a été percu comme une critique, le terme hyper étant souvent associé 4 une pathologie. Dans plusieurs de ses textes, Védrine essaie de justifier l'emploi de ce mot en constatant que l'Amérique est la seule puissance dans tous les domaines : pas seulement militaire mais aussi économique, culturel et que, de ce fait, son influence politique est prépondérante. 22