__ENSEIGNER ET APPRENDRE LE FRANCAIS DANS L’ENSEIGNEMENT __

PUBLIC A VANCOUVER
par William BRUNEAU, Université de la Colombie Britannique

INTRODUCTION

Cette communication étudie la situation de l’enseignement du
francais comme seconde langue vivante (Francais Langue Seconde-
FLS) dans I’enseignement public a Vancouver y compris ses colleges
et universités depuis 1886. A certains égards, le FLS constitue a lui
seul un phénoméne éducatif d’importance: il est l’'unique lien tangible
qu’ont eu—ou qu’auront—95% des résidents de Vancouver et de
Colombie Britannique avec la langue, la culture et la vie frangaises
(y compris québécoises). Mais a ce jour, il n’y a pas eu d’étude sur
son développement et son importance. II y a suffisamment d’évidences
pour tenter une premiere explication de histoire du FLS a Vancouver.
De fait, il s’est avéré impossible de traiter, dans le cadre de cet
article, du cas des écoles privées ou d’institutions non-publiques
enseignant le FLS (Alliance Francaise, Centre Culturel Colombien,
etc.). La discussion présente se base surtout sur des documents
officiels et ceci a cause de la rareté d’information de premiére main
sur le FLS et du fait qu’il n’existe pas d’études historiques ou d’opinion
sur ‘importance du francais a Vancouver (ou d’autres langues (1)).

_Dans l'ensemble, il y a peu de publications sur l’histoire de la
pédagogie de.]’enseignement des langues au Canada de l'Ouest (2).

A lheure actuelle par contre, nous en savons plus qu’auparavant
sur le ¢ontexte du FLS. Les années 80 ont vu d’importants travaux
sur l’enseignement et l’apprentissage des langues dans l’enseignement
privé a Vancouver (3). De méme, il existe depuis 1960 des études
indirectes du “fait frangais” en raison des activités de l’Office National
du Film (Canada Ouest), de Radio Canada, de la Société Historique
Franco-Colombienne ainsi que, plus spécifiquement, de celles des
Canadian Parents for French et de I’Association des Parents du
Programme Cadre (4). Les recherches historiques et littéraires
approfondies sur ‘histoire de Vancouver et de la province ont
augmenté d’une facon exponentielle, tant en quantité qu’en qualité
depuis 1960 (5) et cette communication n’aurait pu étre rédigée
sans y avoir recours.

ARGUMENT PRINCIPAL

De 1890 a 1960, le FLS fonctionna 4 Vancouver un peu a
Vinstat du Latin au cours de la moitié du 19e siécle dans |’Est des
Etats Unis et du Canada. C’était un sujet “garde-fou” et constituait
un test de la capacité mentale de la plupart des éléves des écoles
secondaires. Le FLS résista au mouvement progressiste des années
1925-50 et resta populaire du fait qu'il était requis pour entrer a
beaucoup d’universités.

En comparaison, la période aprés 1960 est contradictoire. D’une
part, Vancouver accepta le principe du FLS au niveau de l’enseigne-
ment élémentaire a partir de 1961; la Commission Scolaire de
Vancouver finanga durant les années soixante l’expansion de l’infra-
structure de l’enseignement des langues; la ville fut favorable a la
législation fédérale sur le bilinguisme et le biculturalisme (6); les
départements de Frangais s’agrandirent a l'Université de la Colombie
Britannique et au nouveau City College (7); les Vancouvérois

Le chronographe Volume III no. 1-2, Printemps-Eté 1986

soutenaient avec une tolérance amusée les cours d’immersion fran-
caise en 1970 et, puis, avec grand et vrai enthousiasme a la fin des
années 1970 et au début des 1980 (8). D’autre part, cette méme
ville accepta—avec bienveillance méme—la décision de l’université
de la Colombie Britannique, en 1972-3, de faire du francais une
matiére 4 option pour l’admission en premiere. année (9). Van-
couver—ou plutét les groupes et classes de la société vancouvéroise
motivées—n’avaient visiblement pas pris de décision a l’égard de ce
que devrait étre la “fonction” du FLS.

1. Présence sans prospérité: Etudes Frangaises jusqu’a 1925:
Les modéles extérieures: De tous temps,]’éducation publique a
Vancouver devait beaucoup aux modéles en cours dans l'Est du
Canada, aux Etats Unis et en Angleterre. Les enfants de l’enseigne-
ment privé de l'Est canadien des années 1830 et 1840 apprenaient,
selon leur sexe, le francais comme “langue de culture” ou de
“préparation aux taches gouvernementales” (10). Un demi siécle
plus tard, l’enseignement du frangais était demandé par de nom-
breuses personnes qui n’avaient pas une claire idée du pourquoi de
cet usage. Mais c’était du fait, sans doute, de son introduction au
niveau élémentaire en Ontario et dans les Provinces Maritimes, et
des débuts d’un enseignement secondaire de masse (11).

La situation du FLS en Colombie Britannique est différente a
bien des égards si on la compare a celle de l'Ontario et du Nouveau
Brunswick ou les étudiants d’obédience protestante trouvaient étrange
d’étudier une langue qu’ils associaient au catholicisme. Par ailleurs,
la présence dans |’Est du Canada de plusieurs millions de locuteurs
francophones conférait une signification et une importance spéciales
a l'apprentissage du frangais. La présence frangaise dans cette région
favorisait une industrie florissante du livre francophone et, de méme,
létablissement de programmes de formation de professeurs de
frangais dans les écoles secondaires. Tout cela nourrissait une vision
élitiste de I’enseignement des langues et en particulier du frangais
(12). Mais a Vancouver comme dans l’ensemble de la Colombie
Britannique, la question des écoles catholiques, qui fut résolue en
1872, devint a nouveau l’objet d’une controverse en 1977 (13). En
effet, les Francophones constituaient une petite minorité en Colombie
Britannique qui ne dépassa jamais les 2% du total de la population
aprés la confédération avec le Canada en 1871 (14).

Les débuts de lenseignement du francais a Vancouver: Le Van-
couver des pionniers n’était pas la ville rude et simple a laquelle on
pourrait s’attendre. Déja en 1890, la jeune agglomération ouvrit
une école secondaire. Sur les 31 premiers éléves, 8 suivaient des
cours de latin, 3 en grec et 10 en francais. Seulement l'anglais
(composition, réthorique, littérature) était obligatoire.

Il, semble qu'il aurait été possible—en théorie en tout cas—
détudier le francais a l’école élémentaire. Pourtant, il aura fallu
attendre 70 années avant que les écoles élémentaires en décident
ainsi. Parfois, des enseignants ou des écoles se langaient dans cette
direction, mais le systeme dans son ensemble ne suivait pas.

Comme partout ailleurs, les administrations scolaires et les
enseignants de Vancouver semblent avoir accepté I’idée que le francais
a deux fonctions essentielles et quelques facteurs bénéfiques mineurs.

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