Le Soleil, octobre 1994 - AS ll “La justice en Nouvelle-France AuXvile siécle, les Canadiens sont déja connus pourleur exubérance, leursens dela féte, leur joie devivre. C’estqu’en Nouvelle- : Foutellle es supplice France, lavie de tous les jours est dure, périlleuse et parfoismonotone malgré toutes les taches a accomplir. Seules les pratiques Les abus d’alcool ont toujours été, de par religieuses viennent interrompre les travaux quotidiens. Alors pour égayer leur vie, les habitants du Québec profitent des Mil\\e monde, la cause de problémes et de tragé- = longues soirées d’hiver pour organiser des réunions ou!’on danse, chante et s’adonnea des jeux de société. Evidemment durant (aS ee haiorele-sanes Let peapiotine au fléau ces soirées de loisirs, ilarrive quel’on boive plus que de coutume. Lorsquel! ‘alcool cause des problémes, lajustice doitintervenir. % che = Siena near io cae pre o> Danser, oui mais... = saaiierd ai : ne ue la féte continue gnerie peut conduire son homme sur le che oe ows ote ce oui eas : Beas lito eFrace = Défense de blasphémer Au temps ge la Nouvelle-France, 3 Malgré les semonces des autori- val. Cet instrument de supplice consiste en ee Spd gi RE Ee ne e- anes vs eR aes Les délits de vol, de meurtre, de la danse ainsi que les jeux de société, et 7 | tés et de 'église, les réunions au cours | une piéce de bois taillée en créte, sur laquelle | différentas de ee Re es seed i ’ A week ene 4 at hes) ‘A : viol, ou de lése-majesté conduisentles ~ particuliérement les jeux de cartes, sont 4 BN desquelles les habitants de lacolonie se | on place le condamné». Mais les peines les zs nécessaire de créer ee lois ada ieee ale ive sive eke eae présumés coupablesdevantlejuge. Mais les distraction (es ‘plus-populaltes.Le im > retrouvent pour chanter, rire et danser se plus sérieuses sont infligées a ceux qui vendent L Sersereennes Aeneas Sian eho Y Mipile rose ee il ne faut pas croire que les grands crimi- - clergé, qui est tout puissant, voit dans la Mi. a) multiplient. De Noé! au Mardi gras, les de l'alcool aux Amérindiens. Cela peut aller ces» (lois fa is tous & d eae sueliest ee ies . i ied a i ; t zs nels soient les seuls & comparaitre. Le & \ danse I'oeuvre du diable. C’est pourquoi | quadrilles et les menuets se succédent ‘ jusqu’a la condamnation a mort. Toutefois, les oe 3 ) Aa = ars wae 2 Re eae e a, ar pee thes blasphéme, l'injure et l'ivrognerie con- Ave il émet des interdits trés sévéres et méme, ‘HN fl au son de la musique que font les cae diewaciorsincurane lalie aitanaeice is : ih a - Ss ; cena : - Bu oe ane ae ee — duisent aussi les citoyens devant les#y't W\parfois, chargéS:de menaces. Les re- } I) evicloneux». Comme dans tout rassem- = trés, trés rares en Nouvelle-France. ont pour Dut oe of side ay a0 o re oe m ae es is ivi . enpa rcs tribunaux. Carinjurierle nom de Dieu est i rvs) 1 VY ay COMMandations de | Eglise a l'occasion Hl blement d'individus, il arrive parfois qu ‘il BERT OREO SOO a ee a eee ur ery OUICIMnegteries telle offense est la condamnation auik).™ - tion du Sieur iLouis-Théandre de contres joyeuses sont, & Ol..e problémes qui se posent, les représentants de l’église et du roi de France qui, pilori, sorte de poteau en forme de croix — Lotbiniére, au poste de lieutenant civil et | Bemis, ies Fen d Au XVile siécle, en Nouvelle-France, tout comme dans la plapart des pays, le rappelons-le, a I'6poque ne font qu'un, vont un peu loin dans la création des nae : ah ; fi pour les Canadiens, des occasions de , vol est souvent puni de mort. Parfois la peine infligée est Enorme par rapport a l'objet is Ainsi lenis di Bos.chitin ont lesdélitsd A ou l'on attachait les condamnés pour les criminel de la prévété de Québec le 4 IIH\\ s'amuser & une 6poque ou les sis! Gta d £3 i ge agi deme rE 2 9 gregiements. Ainsi non contents d'imposer des chatiments pour les délits de meurtre, exposer a la risée du public. Tous ceux février 1667, sontclaires et précises. Par flit i iGtrares: ~~”. dérobé. A Québec, en 1649, on pend «une c q ejgzde Vol Ou de moeurs, ils vont parfois jusqu’a réglementer la fagon de faire la charité. i lawninl Nal i i i \\i|| tions sont plu larronnesse». Mais les sentences différent suivant I'importance du vol. Le voleur —< os qui sont trouvés coupables d’avoirjuré et la voix de monseigneur de Saint-Vallier, Ned Sect lares. étre marqué d'une fleur de lys, (p: blasphémé sont condamnés, la premiére elle décréte: «qu'il ne faut point aller ‘NH aan > ‘peut étre condamné a plusieurs années de galeres, rq a8 BAAR fois, & payer une amende dont le mon- dans des maisons oti se feraient des Le charivari i recevoir des coups de fouet ou étre obligé de payer une amende. Comme il n'y st i , tant est fixé selon les biens qu’ils possé- assemblées de bal et de danse, mais ' Aujourd’hui, le mot charivari est d'avocats pour défendre les inculpés, il est bien rare que la sentence soit reconsidérée Eos citoyens et la justice Au XVile siécle nos ancétres doi- vent répondre de leurs actes devant les - tribunaux. Leurs droits et leurs devoirs sont définis par les usages en cours a Paris, mais aussi par de nouveaux dé- crets émis par les autorités en place. Puis, 4 mesure que la colonie s’agrandit, le systéme judiciaire évolue. A ce sujet, "'historien Marcel Trudel nous brosse un petit tableau de cette progression: «Ren- due d’abord par le gouverneur seul, puis par le gouverneur et son conseil, la jus- Nice devient, en 1651, le ressort de la “ sénéchaussée, tribunal seigneurial des Cent-Associés, qui toutefois n’a pas juri- diction sur Montréal. En 1663, 4 Québec ' et a Trois-Riviéres, on remplace cette \ justice seigneuriale par une justice royale; les Sulpiciens (moines appartenant a la dans |'administration générale.» «En 1663, le conseil souverain devient le plus haut tribunal du Ca- nada. Il «regoit le pouvoir de connai- tre toutes les causes civiles et crimi- nelles pour juger souverainement et ordonnances de notre royaume.» A partir de ce moment, on peut dire qu'il existe un systéme de justice plus concrétement établi. Trois ans plus tard, de juridiction royale pour la région de Québec. Le déroulement d’un procés expliquent, tout simplement, qu’ayant a faire 4 des juges peu expérimentés, des huissiers manquant de pratique, des accusés et des plaignants pauvres, il est? préférable pour tous de se passer des services d’avocats. Peut-étre que le systéme judiciaire d'autrefois était moins codteux que celui que nous connaissons aujourd'hui. mais on est en droit de se demander s'il était bien informé sur les faits de chaque. cause qu'il traitait et surtout s'il n’était pas un peu expéditif en matiére de légalité. ' juste assez pour qu’al’avenir, ilne puisse en dernier ressort selon les lois et Louis-Théandre Chartier de Lotbiniére =< est nommé juge président du tribunal: @&33 «Le procureur instruit la cause, organise l’enquéte judiciaire, puis | intente les réclamations au nom de |'Etat ou au nom des absents; un greffier, mi assisté d’un commis, tient les registres de la cour; un huissier et sergent royal }\ ° assignent les parties, exécutent les arréts.» Etrange justice ou, durant tout lek déroulement du procés, l’accusé comme le plaignant ne peuvent avoir recours a un : avocat pour défendre leur cause, car il faut attendre la conquéte anglaise pour que /§ les avocats aient enfin le droit de pratiquer. Devant cet état de choses, les autorités 4 dent et suivant |’énormité du blasphéme. Les deux tiers de la somme sont versés :: a I'hépital du lieu, et s'il n'y en pas, l'argent est donné a I’église; le dernier tiers va aux dénonciateurs. Chaque fois quele condamné récidive (recommence) le montant de l’amende double, triple et - - - quadruple. La cinquiéme fois, le coupa- ble est mis au carcan, exposé ala vue de tous, pendant les jours de féte, les di- manches ou autres et y reste de huit heures du matin jusqu’a 1 heure del'aprés midi. Si par malheur, il recommence a blasphémer il est alors conduit au pilori ou on lui coupe la lévre inférieure, et si par obstination il recommence, malgré toutes ces peines subies, a proférer le nom de Dieu, on lui coupe la langue, plus parler. De plus, dans le cas ot le ¢aises des jurons oli les noms d'objets religieux remplacent celui de Dieu. On peut se demander si ce petit détour de langage n'est pas une habile facon de contourner la loi ou tout simplement une petite trouvaille de la part de ceux qui, vraiment, ne pouvaient s'empécher de jurer. encore (...) interdire l’entrée de sa propre maisorea ces sortes de diver- tissements». VEglise n'interdit pas com- plétement cette sorte de loisir, mais les seules danses'qui trouvent grace a ses yeux sont. celles qui se pratiquent entre 4 personnes du méme sexe, encore faut-il personnes «raiSonnables». Toutes ces recommandatiansn’empéchent pourtant _-_—«xW| BK -festations se déroulent durantla nuit. Les | 5 A participants se rendent sous les fenétres pas les habitants du Québec de se dé- 4. gourdir les jantbes, dans des quadrilles endiablés, chaque fois qu’ils le peuvent. En fait, la danse atteint une telle popula- rité que le 16 février 1667, le brave TCS? évéque doit revenir a la charge pour Na A\/: dénoncer dans: une ordonnance «cer- / tains abus»: «Efjparce que nous avons‘ été informés quiil se faisait en divers séculiére, nous exhortons (....) et con- de s’absenter, a l’avenir, de ces sor- tes de choses dans lesdits jours, et pour ce qui est des danses et autres récréations danhgereuses qui se prati- lieux des assemblées de danse et: jurons tous les fidéles de notre diocése ~\ LO que ce soit en présence de parents oude , synonyme de tumulte, désordre, tapage et bruits discordants. Mais en Nouvelle- France, le CHARIVARI est une bruyante réjouissance populaire qu’organisent les lorsqu’un veuf ou une veuve ne respecte G Jira d’un quartier ou d’un village pas une période de veuvage convenable avant de se remarier, ou encore lorsque L _—————) la différence d’age entre les futurs €poux Vv quent entre personnes de différent sexe...» " est trop grande. En général, ces mani- du, couple en question ou ils font un vacarme de tous les diables jusqu’a ce " que cCelui-ci, A bout de patience, finisse par payer le montant de l’amende qu’ils réclament a grands cris, en échange de + leur silence. Ces manifestations peu- vent se reproduire des jours durant. Comme la boisson ne fait pas défaut Sh, dans ces genres de rassemblements, les juillet 1683, il les menace carrément d’avoir recours au bras séculier pour faire respecter l’ordre. Les jeux et l’argent La vie rude des premiers colons et l'isolement de certains d’entre eux expli- quenten partie leur godt pourles rencon- tres familiales ou amicales. Au Canada, | les soirées d’hiver sont longues, alors . quoi de plus naturel que de se retrouver : entre voisins pour. se distraire-un peu! | Les jeux de cartes sont les plus répan- dus. On joue au piquet, au pharaon ou au ‘| quadrille. Il faut croire que la passion du \| jeu prend de l’ampleur puisque une or- - donnance de |’époque interdit de s'y adon- ner pendant les offices religieux. Bien -\ que les jeux de hasard soient défendus, \'l jl se trouve toujours quelques joueurs - passionnés et quelques cabaretiers obli- geants pour enfreindre la loi. Par contre, les loteries sont permises, voire méme organisées pardes gens de grande noto- riété. joyeux drilles du groupe arrivent a créer © | tant de désordre et a faire un tel tapage, /~ par le juge. La chasse au meurtrier Durant ses premiéres années d’existence, la Nouvelle-France compte peu de méfaits, vols, rapts ou assassinats. C'est vraiment une population modéle qui habite la colonie. Mais bien vite, avec l'augmentation du nombre d’habitants, le taux de criminalité augmente. Cependant, compte tenu de I’importance de la population, on peut dire qu'il reste bas. Lorsqu’il y a un meurtre de commis, le criminel fait face a la pendaison. Il n’est pas rare que celle-ci soit assortie de divers supplices. Mais trouver le meurtrier peut s’avérer difficile, car celui-ci peut s‘enfuir dans les foréts qui recouvrent alors la plus grande partie du pays. Pour faciliter sa tache dans la recherche du présumé criminel, la police offre des récompenses aux dénonciateurs. De son cété, il arrive que le clergé intervienne et préte main forte aux policiers. Dans ce cas, le curé du village s’adresse a ses paroissiens durant les offices religieux pour les inciter a dénoncer les coupables. Il n'hésite d’ailleurs pas & menacer d’excommunication les «bonnes 4mes» qui s'aviseraient de n’en rien faire. Ais La charité? Oui, mais... Au XVile siécle, il n'est pas néces- saire d’étre un mauvais gamement pour se retrouver en prison, il suffit d’étre A eS congrégation de Saint-Sulpice) déte- coupable n’a pas d'argent pour payer autres divertissements aux jours de iXeroeien. pauvre. Les réglements du Conseil su- X\ f) naient encore la haute justice (c’est-a- l'amende imposée par le tribunal, il peut fétes et de dimanches et quelquefois Wil i périeur adoptés en 1676 en témoignent: 18 dire le droit de condamner a mort et faire jusqu’a un an de prison selon la méme, pendant le service divin, ce M : call ta «XXxXill. Défense aussi a tout & NE |d'infligerdes peinescorporelles); elleest: gravité du délit. Aujourd’hui, on retrouve qui est défendu par les ordonnances SASS Ad ied Ld ie beta aa ile AL N vagabond de l'un et l'autre sexe de Wn if ‘J supprimée en 1693 et Montréal s'intégre dans les expressions canadiennes fran- idu roi et par les lois de la police condamner publiquement lesdits ci- demeurer et de s‘habituer en centre toyens. Dans une ordonnance émise le 3 >d\ ville (Québec) et banlieue sans avoir auparavant donné déclaration du su- et de leur établissement et obtenu ermission dudit lieutenant-général _let procureur du roi, sous peine d’en étre chassé et d’amende arbitraire, méme de punition corporelle si le cas le requiert.» || est aussi défendu a toute personne nécessiteuse de mendier ou de quéter sans un certificat de pauvreté . signé par le juge ou le curé de la pa- roisse. Malgré ces interdits, la mendicité causée parla pauvreté s’installe au pays. Alors, le gouvernement se fait encore - plus dur. Il dénonce les pauvres en les accusant «d’étre oisifs, de créer tou- tes sortes de désordres, de vivre dans les cahutes qu’ils construisent autour de la ville et qui sont des lieux de scandale». Comme on le voit, le gou- vemement de l'époque a trés peu de sympathie pour ceux qu'il appelle avec dédain: «cette gueusaille». Cette atti- tude se retrouve d’ailleurs dans la mére patrie et dans la plupart des pays. Pire encore, les autorités en viennent a dé- fendre de «faire 'auméne a qui que ce soit, sous peine de dix livres d’amende». Mais toutes ces mesures, aussi sévéres soient-elles n’empéche- ront pas la misére de progresser et de demeurer|'immense fléau que nous con- naissons encore aujourd’hui.