Le Moustique Volume 5 - 3° édition ISSN 1496-8304 Mars 2002

Le vol du pigeon voyageur

de Christian Garcin. Critique littéraire de Paul Genuist

Se rendant compte que les écrits sont vraiment trop nombreux et qu’ils finissent toujours
par tomber dans l’oubli, Eugenio Tramonti, qui est écrivain, prend la décision de ne pas
poursuivre la redaction de ses manuscrits afin de ne plus “participer a cette inflation ridicule”
(p.16) d’ouvrages. Comme il est également journaliste, il avertit son patron, M. Choisy-Legrand,
qu'il n’écrira plus d’articles trop approfondis pour la page culturelle de La Voix du Sud. Ilse
contentera d’entrevues faciles.

Il entend désormais mener une vie saine, consacrer ses loisirs au jardinage et le week-
end aux calins de sa petite amie Mariana.

De nature passive, voire apathique, Eugenio passe aussi pour irrésolu car il trouve qu’un
choix et son contraire, qu’une opinion et l’opinion inverse sont toujours justifiables. Il est donc
incapable de prendre une décision.

Un matin son patron le convoque; il a un projet précis a lui confier: partir immédiatement
pour la Chine a la recherche de sa fille Anne-Laure qui vit la-bas depuis deux ans et ne répond
plus aux lettres de son pére. Sous le couvert de son travail de journaliste - il enverra
réguliérement quelques articles sur la Chine pour le journal - Eugenio ménera discrétement son
enquéte pour retrouver la jeune femme.

Eugenio renonce a la décision qu'il venait de prendre d’abandonner une vie trop active et
accepte cette mission, mais sans enthousiasme; les voyages exotiques le laissent indifferent.
Choisy-Legrand lui a donné quelques noms de personnes contacts, et le voici qui s’envole.

En Chine Eugenio est aux prises avec une maniére de procéder qui ne repose pas sur
une approche rationnelle et s'il avance dans son enquéte, c’est de fagon beaucoup plus fortuite
que logique. L’auteur sait ménager le suspense. Le roman nous fait découvrir les villes de Pékin,
Xian, et ce qu’en observe Eugenio dans les rues, hétels et restaurants. Il rencontre des gens
cultivés, d’autres sans maniéres, voire carrément impolis. On apprend que les Chinois
d’aujourd’hui sont beaucoup moins intéressés par l'idéologie maoiste que par le desir de
senrichir. Les impressions rapportées sont les remarques habituelles que se font les touristes.

Sa mission accomplie, il rentre, toujours désireux de vivre dans |’effacement volontaire
loin “d’un monde dominateur, clinquant, trivial, pittoresque et mortifére’(p.183). Faut-il encore
voir dans ce roman un rejet des effets de la mondialisation?

Christian Garcin, Le vol du pigeon voyageur, Gallimard, Paris, 2000, 185p.