6 Le vendredi 18 juillet 1997 a rue devient, pour de plus en plus de gens, un domicile a ciel ouvert. La montée galopante de la pré- carité précipite aujourd’hui des jeunes et des moins jeunes vers l’insécurité. La rencontre avec des itinérants qui acceptent, le temps d’un échange, de faire un zoom sur leur cheminement laisse entrevoir de facon moins catégorique les causes profondes qui sous-tendent & cette déviance involontaire. Il ressort des propos recueillis cd et l& que les circonstances & l’origine de cette descente aux enfers peuvent varier selon les -individus et ne répondent pas toujours A des causes immuables. En revanche, c’est parfois en filigrane & travers des parcours de _ personnes devenues par la force des “Mais aussi et surtout des similarités qui renvoient indubitablement aux mémes symptémes de base menant vers une quasi perdition. symptomes Parmi les *est VPhistoire de Frank Wirsz, qui aura bientét quatre-vingt-dix ans, encore droit comme chéne et pas de tremblotte dans les mains. C’est Phistoire d’une mémoire vivante, dun pionnier qui a vu le jour a Philadelphie au tournant de ce siécle qui s’en va. Le pére de Frank avait vu une annonce disant : Terre pas chére a vendre au Canada, 160 acres pour 10 $ . Le pére de Frank avait vingt dollars, donc il a acheté 320 acres et s’est établi, lui et sa famille, en Saskatchewan. Frank s'est amené en Colombie- Britannique lorsqu’il avait neuf ans et n’a jamais quitté depuis cette province qu’il adore. En 1959, aprés avoir exercé différents métiers liés a la foresterie, il a acquis juridiction (les droits de coupe) sur une portion de la montagne Burke, sise A Coquitlam. Frank et ses proches, comme bien d’autres, voulaient se faire quelques piastres en vendant le boiscoupé sur cette montagne imposante. Mais le probléme était en fait de se rendre a cette portion de terre « prétée » par le gouvernement. Frank a_ passé trente-cing années de sa vie (de 1959-1994) a défricher cette montagne, & ouvrir des chemins des variantes de trajectoires- récurrents on trouve aux premiéres loges l’enfance et son corollaire la _ cellule familiale. La toxicomanie est ensuite suivie de prés par le chémage et les ruptures conjugales. Quatre anciens itinérants qui vivent aujourd’hui & la Maison New Step de Surrey, un refuge pour hommes en cure, portent un regard sur leur passé. Les symptémes Pour Marc L. 38 ans, originaire de Rouyn-Noranda (Québec) et habitant depuis 15 ans & Vancouver, son enfance est un moment déterminant dans la tournure que sa vie a prise par la suite. « Fils unique, mes parents pour se rendre au sommet. Frank comprenait bien Vimportance dun chemin & faire (un chemin, cest le début de tout, des villages, des villes, des régions) et, il en a ouvert plusieurs de ces chemins, dans cette montagne sauvage, dans cette forét vieille de 500 4 1 000 ans, un phare sur toute une région, la vallée du Bas Fraser. Un jour, les autorités ont compris limportance du travail qu’avait abattu: Frank Wirsz durant toutes ces années, en dotant la montagnes de chemins. La montagne avait pris beaucoup de valeur. Alors, on a voulu changer le destin et ambition de Frank en lui offrant de l’argent pour qu’il cesse ses activités (en fait, pour qu’il s’en aille, le gros du travail ayant été fait). Frank, lui, a refusé d@encaisser le chéque... Aujourd’hui, d’une voix profonde et d’une mémoire qui se souvient, Phomme presque centenaire raconte tristement comment, d’une part, on a arraché un homme de son outil et de son gagne-pain ; et comment, d’autre part, on n’a pas reconnu le travail de sa vie. Au haut de la montagne Burke, le gros chat de Frank (une grosse machine pour le bois) est Photo : Pierre-Anc étaient des inconditionnels de la bouteille et des drogues. C’est tout gamin déja que je m/’adonnais a la boisson pour faire comme tout le monde. A 9 ans, je suis devenu un adepte des drogues et a 13 ans ma famille m’a jeté & la -porte. Jétais livré a moi- méme sans le contréle d’un adulte. L’image que je me faisais d’une vie de famille tournait autour de la consommation sans _restric- tion de Valcool et des stupéfiants. Mes parents avait lair d’étre heureux dans leur monde, je pensais que le monde en général devait ressembler 4 celui que mes parents vivaient. Quand ils mont renvoyé de la maison, j avais impression qu’ils ne voulaient pas que je partage leur “ fun ”. A 15 ans j’ai quitté mon coin de pays pour me retrouver 4 Montréal », se rappelle Marc qui entamait ainsi le début de son errance. L’age adulte s’est accom- difficultés liées a la toxicomanie, au chémage et a Pimpossibilité d’assumer une vie de couple. Joseph L., 4gé de 40 ans et natif de Sherbrooke, réside mort. I] Pa revu lundi dernier en notre compagnie et ses yeux ont commencé A mouiller ; il se remémorait les sueurs qu’il a bues et les risques qu'il a pris pour ouvrir cette montagne & la civilisation. Au bas de la montagne, des petits chemins portent le nom d’individus de cette région : celui de Frank Wirsz est absent, on I’a volontairement oublié. Frank a perdu son travail dans lequel il a oeuvré jusqu’a Page de 86 ans. Maintenant, il souhaiterait ardemment que la montagne et les _autorités pagné d’une kyrielle de aussi & Vancouver depuis bientét 15 ans. Il vient d’une famille dite normale avec des parents qui ont selon lui exercé convenablement leur role. « Ma vie a basculé plus tard quand j’ai quitté le Québec pour Vancouver. Ce sont les difficultés de la vie qui m’ont amené & la rue », souligne Joseph qui garde un souvenir agréable de son enfance. La __ recherche infructueuse d’emploi le pousse 4 abandonner et & se détourner de la vie de famille. Le gain facile de la drogue lui fait tourner la téte. Quant 4 Raymond L., 60 ans, récemment arrivé a Vancouver aprés avoir vécu & Toronto pendant quelques années. C’est un vieux de la vieille de la rue. Ce Montréalais de souche traine derriére lui plus de quarante ans de vie bohéme. Raymond est un peu une star de la rue _ pour avoir & son actif un ~ documentaire qui retrace son parcours d’homme_ en errance. I] n’aime pas trop parler de sa_ prime jeunesse. « Mon enfance est trop lointaine, nous dit-il, pour que je m’en souvienne. n’enfouissent pas son nom dans des dédales économico-politiques ; il voudrait que justice lui soit rendue, qu’un chemin porte le nom de celui qui a porté cette montagne la ot elle est maintenant : Mais je sais que j’étais pas ben facile et la famille me rendait la pareille ». Le monde de la toxicomanie fait partie intégrante du milieu dans lequel il a vécu pendant des décennies. Antony M. est un jeune homme de trente ans originaire de la Malaisie qui habite & Vancouver depuis vingt ans. Trés tét, il embarque dans les gangs asiatiques locaux et méne une vie de dur & cuire. « Mes parents attendaient de moi que je sois un parfait garcon respectueux des us_ et coutumes asiatiques. La conformité ne me convenait pas et la vie de gang avait de toute facon fait de moi quelqu’un d’autre. » Le déchirement avec sa famille est une des raisons de sa volonté de changer. » Tous les quatre anciens itinérants ont accepté de revenir sur leur passé afin de mieux _ |’exorciser. Maison New Step se présente comme un nouveau départ. Mamabou GANGUE ouverte au monde. A son Age, Frank a des secrets de la vie, mais certains de ceux-la sont resté encore trop cachés. On va donner suite, Frank. Denis GILBERT Comptabilité, conseil gestion , IMpdts 4 i oe WM, "60 RO-WEST/ ° hay CONSULTING’ bel! AV, ImpOly et A eombtabilits -., ny J "Gerard G. Darmon | A hpant oe 35- 1130, caer r ouest vancaner C. 3 "9 nn Tél.: (604) 688-9903 Fox: 688-9961 Cellulaire: 240-5810 ag 1 Auy-— ourd’hui, leur nouvelle vie Ala_ =