Le Soleil de Vanccuver,page 2, 20 mars 1970 j F Nouveaux témoignages sur les tortures au Brésil Le seul hebdomadaire de langue francaise 3 Rappor ft d une mission d enquét. 2 a ee eave ‘de la Colombie Britannique Directeur-réedacteur; André Piolat Rédacteur-adioint: Jacques Baillaut Rédaction: Jean Riou, Roger Dufrane, Yvonne Abgrall, L, Marcoux, G, Uyttenhove. | LE SOLEIL de vancouver | f LE SOlEIL DE VANCOUVER est publié par: Le Soleil de Colombie Ltd 66I est I5e avenue, Vancouver I0, C.B. Abonnement: I an, $6.00 rour tout renseignements concernant le tarif des annonces: Tel. 879= 2814 FFAIRES MUNICIPALES par le Conseiller Municipal Harry Rankin Il a toujours été dans les cou- tumes de 1'Hdtel de Ville, de voir le Conseil municipal recevoir et écouter n'importe quelle délegation de citoy- ens. Le Conseil ne s'est jamais livre a aucune discrimination en refusant d'tentendre les uns alors qu'il écou- tait les autres, Jamais non plus, il n'a demandé aux organisateurs de fournir une lis- te de leurs officiels, de leurs mem- bres ou de leurs buts et objectifs, a- vant la presentation d'un bref. Mais nous allons peut-étre as- sister A la mort d'une telle procedu- re, si la majorité NFA arrive Aa ses fins, Le Conseil .unicipal a fait le premier pas vers l'établissement d'u- ne politique de discrimination et d' intimidation, Le premier groupement soumis a cette nouvelle attitude politique est le nommé "Don't make a wave", Il pro- teste contre un nouveau test nucléai- re souterrain sur 1l'tle Anchitka dans les Aléoutiennes. Je crois que cette organisation projette d'envoyer un ba- teau dans la zone de l'explosion pour en mesurer les résultats. Il serait peut-@étre bon de rap- peler a cet endroit que le premier es- sai nucléaire de l'an passé souleva u- ne large vague de protestations dans notre province, Le naire Campbell lui- meme se fit l'écho de l'opinion publi- que et envoya un télégramue exprimant son inquiétude devant les conséquen- ces possibles, "Don't make a Wave" demanda l'autorisation d'envoyer une déléga- tion devant le Conseil Municipal, Le conseiller Alderman Adams _ se langa a l'attaque dans un discours deéchaine contre les communistes, ol se lisait clairement l'intention de montrer le groupe sous un jour peu favorable, Puis une motion fut présentée selon laquelle "Don't make a Wave" ne serait autorise A presenter un bref qu'aprés avoir fourni au Conseil Muni- cipal une liste des membres de son co- mité,Cette motion fut acceptée par un vote de 645, Le Maire Cambell, et les conseillers Adams, broome,Bird, Wil- son et Sweeny soutinrent la motion a- lors que les conseillers Linnell, Fhil- lips, Hardwick, Valder et Rankin vote- rent contre. Cette motion est en directe con- tradiction avec une décision prise par le Conseil municipal il y a seule- ment quelques mois, Par la suite, le Conseil rejeta une autre motion pré- sentée par le conseiller Sweeny ,deman- dant que les groupes et organisateurs soient obligés de présenter une liste rs officiels avant d'obtenir la francaise sur les conditions de détention et les lots d’exception @Dans une conférence de presse donnée vendredi dernier a Paris, deux juristes francais chargés d’une mission d’enquéte au Brésil par de ‘nombreux organismes interna- tionaux a vocation juridique (tels la Fédération internationale des droits de l’homme et le Secréta- riat international des juristes catho- liques) ont confirmé les bruits et nouvelles qui circulent depuis de nombreux mois au sujet de |’exis- tence dans ce pays de conditions inhumaines de détention et de trai- tement des prisonniers politiques. Voici un résumé des constatations des deux juristes, d’aprés un arti- cle de Marcel Niedergang paru dans le Monde. a La tentative de suicide du R.P. de Alencar, dominicain, cherchant dans la mort un moyen d’échapper aux “interrogatoires’’ de la police brésilienne, est un czs parmi des centaines d’autres qui ne seront jamais connus en raison d’une cen- sure impitoyable. Depuis un an, des prétres francais, belges, alle- minds, hollandais, qui ont refusé de se taire devant l’aggravation de la torture au Brésil, ont été arré- tés, molestés, maintenus au secret et, parfois, eux aussi torturés. Leur chance, si l’on peut dire, est de pouvoir espérer que leurs cris, en fin de compte, seront peut- étre entendus au Brésil, en Euro- pe et au Vatican. Le Brésil n’est- il pas une grande nation sud-amé- ricaine et ‘‘catholique’? Les diri- cae actuels n’ont-ils pas fondé eur philosophie politique sur la lutte entre “le bien et le mal”, entre “l’Occident chrétien et le communisme athée’’? Mgr Helder Camara. archevé- aus de Recife et Olinda, a souvent noncé cette ‘‘violence _ institu- tionnelle qui nourrit la violence ré- — volutionnaire”. Il a mis en garde les autorités, publiquement ou en privé, contre les méthodes employées par les services de police ou les organismes militaires . spécialisés pour arracher des aveux aux pri- sonniers. La réponse a été brutale: Yun de ses plus proches collabo- rateurs, le R.P. de Neto, a été assassiné a: Recife. Mais Mgr Helder Camara, sil est le plus connu, n’est pas le seul a élever la voix. D’autres évéques, 4 Rio, 4 Volta-Redonda, a Sao-Paulo, a Belo-Horizonte. ont a leur tour condamné la torture. En vain. Le Vatican, lui-méme, a fini par faire entendre une voix, certes ti- mide, mais trés*nette, et certains pouvaient espérer que les dirigeants brésiliens feraient un effort pour que le discrédit international dont ils sont frappés ne s’aggrave pas. La seule réponse que |’on puisse ’ discerner, a travers le brouillard é€pais de la censure et du conformis- me, est celle de quelques organes de presse étroitement surveillés par le pouvoir: le fait de rapporter des cas de tortures est dénoncé © comme une “‘inqualifiable calomnie” du Brésil. Et pourtant. . . D’autres témoignages nous parviennent de ce ee baillonné. Ils allongent les istes publiées dans des dossiers recents et cependant déja comple- tement dépassés (1). Le Monde, en novembre dernier a fait état des déclarations de Soeur Maurina Bor- ges da Silveira, supérieure du foyer Sainte-Anne de Ribeirao-Prato, dans ’Etat de Sao-Paulo, arrétée ~ et molestee en octobre 1969. Lorsque l'évéque du diocese. Mgr Da Cunha, apprit le détail des sévices subis par la mére supérieure, il excom- munia deux des chefs de la police de Ribeirao-Prato. “Ce qu’il ya de nouveau, nous écrivent des Bré- siliens dans un message recu A la fin du mois de février, c’est l'emploi de la torture comme sys- teme de répression politique mili- tairement organisé. La pratique de la torture s’étend désormais a tous les Etats de la Fédération sans“ex- ception, bien que les trois points “chauds” soient Sao-Paulo, siége de Yopération “‘Bandeirantes”’, Rio-de-Janeiro, qui posséde un camp de concentration dans Tile des Fleurs, et Belo-Horizonte, avec son pénitencier de Linhares. Depuis un an, plusieurs milliers de per- sonnes ont été torturées et des di- zaines ont été tuées aprés leur ar- restation. Enfin. on constate une sorte d’émulation entre les diffé- rents services chargés de la répres- sion: services secrets de l’armée de terre, de la marine (CENIMAR) ou de l’aéronautique, police fédérale, Police politique de chaque Etat. Ce souci d’“efficacité accrue” et ce manque de ‘‘coordination” expli- quent sans doute les excés commis non plus seulement a l’égard des pré- venus mais aussi des simples sus- pects. La régle générale consiste a interroger les témoins entiére- ment nus aprés les avoir isolés pen- dant vingt-quatre heures dans une cellule, sans boire ni manger.c. .”” La technique des tortures ble s’étre perfectionnée: 1) Pau de arara: le perchoir du perroquet. Le patient est pendu tout nu a une barre et il subit des chocs électriques (110 volts 4 Rio et Sao-Paulo, 220 volts dans les villes de l’intérieur de l’Etat de Sao- Paulo). Les parties les plus visées sont les doigts, la langue, les seins, les organes génitaux. Quelquefois, le corps du torturé est mouillé pour augmenter la conductibilité du cou- rant électrique. Les chocs produi- sent a la longue une rigidité muscu- laire, et dans certains cas I’arrét du coeur. . 2) Le trépied: le prévenu est as- sis nu sur un trépied, les parties génitales attachées a l'un des pieds. Il est soumis a des chocs électri- ques comme dans le “‘perchoir du perroquet’ ; 3) La chaise du dragon, une ve ritable chaise - électrique employée dans |’ Etat de Sao-Paulo; 4) Tuyaux d’eau et bouillons: le prisonnier, attaché’ la téte en bas, recoit un jet d’eau dans les na- rines. Le “‘bouillon’’ est la version brésilienne de la ‘‘baignoire“. la personne “‘interrogée’’ étant plon- gée la téte dans l'eau jusqu’a la limite de la suffocation; 5) Latinha (petites boites): les pa- tients doivent rester debout sur des boites de fer ouvertes. Ce procédé serait particuliérement utilisé 4 Be- lo-Horizonte: 6) Le téléphone: on frappe des deux mains ouvertes sur les oreilles jusqu’a la rupture des tympans; 7) Arrachement des ongles; 8) Castration: selon un témoi- | ghage transmis par un religieux, on note au moins quatre cas de castra- tion a Sao-Paulo.: Ne parlons pas des viols des prisonnieres, ou des chiens policiers dressés dans Jile des Fleurs, prés de Rio-de-Janeiro, a mordre les parties génitales des détenus. Tous les témoignages concordent pour affirmer que ‘‘l’on torture cou- ramment des personnes d’une méme famille l'une devant !’autre’’. Ils af- firment que ‘Mme Gomes da Silva, femme d'un ouvrier ‘mort’ sur le perchoir du perroquet, a dii assister a des chocs électriques appliqués a son bébé de quatre mois’. Le comité exécutif national des \étudiants en sciences économiques de Sao-Paulo nous a communiqué quelques noms d’étudiants incarcérés et torturés: Paulo de Tarso Wen- ceslau, Carlos Litzchenstein, Paulo Beskov, Antenor Meyer, Pedro Cha- ves dos Santos, Tomas Tonho Tar- quinio, Pedro Paulo, Carlos Galvao Bueno, Luis Rocha. Tous ces étu-. diants auraient subi une ou plu- sieurs séances de torture. De Belo- Horizonte, capitale du Minas-Ge- rais, nous parvient une lettre datée de la mi-février et contenant les dée- clarations de plusieurs personnes (assistantes sociales, femmes d’ou- vriers, ¢étudiants, professeurs) ar- penis dey police: ‘La “technique” des tortures sem- Sur l'une des lettres transmises par les prisonniers figure cette note: “Je demande le secours de la So- ciété protectrice des animaux’. ¥ Le professeur Alfredo Buzaid, mi- nistre de la justice du gouvernement brésilien, a récemment déclaré qu’il _attendait “‘qu’on lui présente des cas précis de torture pour pouvoir engager des poursuites contre les responsables”. Jamais les repré- sentants du gouvernement brésilien a létranger n’ont tenté de démentir les révélations sur les cas de tor- ture présentés par des journaux eu- ropéens ou nord-americains. M. Bilac Pinto, ambassadeur du Brésil en France, a fait savoir jeudi qu’il demandait a étre relevé de ses fonc- tions. Peut-on imaginer qu’il déses- peére de voir les dirigeants de son pays tendre l’oreille aux cris étouf- fés des Brésiliens? (1) Le Livre noir sur la torture au Brésil (Croissance des jeunes nations, Paris) et Torture et ré- pression, Brésil 1969 (Association internationale des juristes dé mocrates, Bruxelles). Apr3s avoir lu l'article ci-dessus, paru dans "Le Devoir" du [3 mars,nos lec- teurs apprécieront mieux la bonne fortune qu'ils ont de vivre dans un pays comme le notre ou, malgré de nombreux défauts, on peut se traiter de .saudit Frangais, Canadien, Anglais ou autre,..et critiquer aussi bien M.Bennett que M.Trudeau, sans crainte de subir le sort des infortunes Bresiliens. permission de présenter un bref.Cette fois,le Conseil wiunicipal faisait vol- te-face! Ce n'est pas sans raison que le Conseil n'applique pas ces procédés insultants et discriminatoires contre les groupes d'affaires ou les entre- prises fonciéres avec lesquels les ul- tras du NPA sont en.termes des plus a- micaux!Ce traitement a été applique a un groupement qui lutte pour la paix. Pour certains des conseillers municipaux, etre’ pour la paix ou con- tre la guerre au Vietnam, signifie é- André Piolat,. tre communiste;et le simple fait d'en-— tendre ce mot leur dresses les cheveux sur le crane} : Si les réactionnaires ultras du NPA au Conseil peuvent arriver 4 éta- blir un précedant de discrimination contre "Don't make a Wave'',la prochai- ne victime pourrait bien @tre un grou- pe communautaire, civique ou une orga- nisation ouvriére, C'est maintenant qu'il faut ar- reter ces pratiques discriminatoires, avant que la situation ne s'aggrave.