page 8 L’APPEL Octobre 1967 Une Histoire de la Colombie-Britannique CHAPITRE VII VICTORIA ET SES INSTITUTIONS (suite) Quand on parle, aujourd’hui, des deux “ra- ces” fondatrices, on pense automatiquement a la prédominance frangaise dans la province de Québec et l’on accorde facilement aux anglo- phones le crédit pour le reste. I] est peut-étre vrai que la présence frangaise actuelle, 4 1’ouest des Grands-Laes, soit noyée par cent ans d’ef- forts de “britannisation.’’ Il est vrai, de plus, que 1’Acte de 1’Amérique Britannique du Nord, de par son titre méme visat 4 faire du Canada un pays britannique. De ceci, les migrateurs, venant surtout des Iles Britanniques, n’ont ja- mais douté et ils ont de plus convaineu la plu- part des autres ressortissants d’Europe de leur nouvelle “citoyenneté britannique.’’ Il s’agit seulement d’aller s’inscrire aux listes électora- les municipales pour en avoir la preuve; mé- me si, depuis prés de vingt ans, une loi fédérale est en vigueur qui, théoriquement, du moins, déclare citoyen canadien tous ceux qui sont nés dans ce pays ou qui réclament leur droit de citoyenneté. Soit par mesure d’économie, soit parece que la loi de la citoyenneté est encore trop récente, la derniére formule que j’ai da remplir me posait la question, — en anglais, bien sir. — “Etes-vous sujet britannique?’’ A- voir répondu, non, me privait automatiquement de mon droit de vote. Le chateau-fort, par excellence, de la men- talité britannique de ]’Ouest canadien, de répu- tation au moins , ¢’est Victoria, la capitale de la Colombie Britannique. Malgré ce fait, et malgré que cette ville soit la plus insulaire de toutes les villes du Canada, le fait francais y a son histoire comme partout ailleurs. Ce n’est pas, toutefois, dans les livres offi- ciels d’histoire que nous retrouvons beaucoup de traces de cette présence francaise. Pour pré- eéder pa rordre chronologique, nous pourrions citer le corps de “Voltigeurs” qu’avait mis sur pied le Facteur Général James Douglas, en 1851. Ce fut un corps de police dirigé par un dénommé Basile Battineau, qui avait le titre de sergent. On ne dit pas combien de Canadiens francais faisaient partie des Voltigeurs, mais, on rapporte que trois d’entre eux, qui devaient recevoir comme récompense pour leurs services, 20 acres de terre, n’ont eu justice qu’en 1859; ce furent Nicholas Auger, J.B. Jolibois et John Lemon. Sur quatre noms, trois sont frangais. De ceci il ne faut pas se surprendre. Nous avons vu dans les chapitres précédents que les expéditions de la Compagnie du Nord Ouest, fusionnée, vers 1827, 4 la Compagnie de la Baie d’Hudson, étaient surtout composées de ‘‘vo- yageurs” canadiens francais et d’aventuriers écossais. Lors de ]’accord sur la frontiére défi- nitive entre les Etats-Unis et les colonies bri- tannigues du Nord-Ouest, survenu en 1846, la Compagnie de la Baie d’Hudson demanda et recut permission de coloniser |’Ile Vancouver. I] était done naturel que James Douglas, vieux routier qui, depuis l’Age de 27 ans, avait battu les sentiers avec les “voyageurs’’, s’alliat un bon nombre de Canadiens frangais pour fonder le poste de traite de Victoria. C‘est dans l’histoire des institutions reli- gieuses qu’a le mieux survécue la participation canadienne franeaise a la fondation de la Co- lombie Britannique. I] avait toujours existé un conflit de juridiction entre la Compagnie de la Baie d’Hudson et les pouvoirs politiques colo- niaux de l’Angleterre. D’une part, les tenta- tives de colonisation du gouvernement de ]’An- gleterre avaient toutes essuyé des échees, soit faute de connaissance des conditions locales auxquelles il fallait s’adapter, soit 4 cause de Vambition personnelle de ceux qui avaient char- ge de direction; d’autre part, la Compagnie de la Baie d’Hudson n’avait pas l’intention de cé- der son monopole. C’est done James Douglas qui, finalement, devint le gouverneur de la colonie. C’est done lui qui, en somme, favorisa la naissance d’institutions telles que le siége épis- pal de Victoria dont le premier évéque fut Mgr Modeste Demers, la mission des soeurs de Sainte Anne, fondée en 1858, par quatre vaillantes religieuses que Mer Demers était allé chercher a Montréal, puis, les péres Bermond et d’Her- bomez, Oblats-de-Marie-Immaculée, fondérent la mission oblate d’Esquimalt, prés de Victoria, le 22 octobre de la méme année. La premiére cathédrale de Victoria existe encore. Elle est devenue la chapelle de l’Acadé- mie Ste-Anne. C’est une relique du passé de grande valeur puisque sa décoration intérieure, oeuvre d’un révérend pére Michaud, a été qua- lifiée de chef-d’oeuvre par le journal British Colonist, le 23 novembre 1860. Le collége Saint-Louis dit sa fondation a la collaboration des Oblats et de Mgr Demers. Vers le méme temps que l’arrivée des Soeurs de Sainte-Anne, les Cleres St-Viateur é- taient aussi venus dans le but d’établir une éco- le pour garcons. Comme aucun d’eux ne pou- vait enseigner en anglais, ils diirent s’en re- tourner. Le fait que le collége St-Louis fut, lui aussi, fondé par les oblats francais. Mais, 4 ce moment, ceux-ci avaient fait appel, en Irlande, pour des enseignants de langue anglaise. Bien- tot, le Collége St-Louis devint une institution Catholique irlandaise. Il est intéressant de glaner, dans les pages des premiers temps, les bribes d’information qui peuvent nous situer sur la rapide évolution démographique de l’époque. L’arrivée des Soeurs de Ste-Anne et des Péres Oblats coincida avee le début de la gran- de chasse a Vor qui fit exploser la population de 3 a 400 ames a une vingtaine de mille itiné- rants dans quelques mois. On lit dans une lettre d’un Oblat ce qui suit au sujet de l’arrivée des soeurs de Ste-Anne: “Leur premier couvent fut une cabane indien- ne dilapidée ot un Canadien et sa femme in- (suite page 12)