Le Moustique Volume 2

C'est la fin d'un été particuliérement
beau, chaud, ensoleillé. Ca fait longtemps
que le pays est en guerre, mais depuis le
mois de juin, mes parents sont exaltés d'un
grand espoir. Et mon pére soigne sa
plantation de tomates avec encore plus de
vigilance que d'habitude : plusieurs rangées
de pieds sains, robustes, oti les fruits gonflés
de saveur, rutilants, sont presque a point
pour les salades que ma mere servira
assaisonnées d'ail et de persil : elle préparera
aussi des plats de tomates au four, farcies de
riz, et mettra en conserve d'innombrables
bocaux de sauce qui dureront bien tout
I'hiver. Jamais mes parents n'ont espéré une
récolte aussi abondante.

Chaque matin, de bonne heure, mon
pére se rend au fond du jardin pour
examiner I'évolution de ses _ précieuses
plantations auxquelles personne d'autre que
lui n'a le droit de toucher. La cueillette
siannonce imminente. Contigu au jardin,
dont il n'est séparé que par un assez haut
grillage, un verger de pommiers qui ne
donneront qu'au début de I'automne.

Malgré la chaleur de cette fin d'été qui
ne pourrait se faire I'écho que du bonheur
des grandes vacances, c'est toujours la
guerre.

- 3° édition

Aout 1999 Page

Cet aprés-midi-l4, mes _ parents
doivent sortir ; ils me recommandent de
rester a l'intérieur de la maison a cause du
danger. Aprés avoir lu un bon moment,
je commence a mi'ennuyer et décide
quand méme draller faire un tour au
jardin, pour prendre lair et jouer da la
balle.

A peine descendue, je vois le verger
d'a coté envahi d'hommes tous habillés
des mémes vétements kaki. Ils ont I'air de
camper sous les arbres. Intriguée, je les
observe a la dérobée quand l'un d'eux
s'tavance vers le grillage ; il a un large
sourire et me tend son casque. II dit
quelque chose que je ne comprends pas.
Alors il pointe son doigt vers les
plantations de mon pere. de lui souris a
mon tour.

Il continue de tendre son casque vers
les tomates avec insistance et fait mine de
manger quelque chose.

Je n'ai jamais vu quelqu'un croquer
une tomate comme on ferait d'une
pomme ; et puis, comment oser le
sacrilége de cueillir un de ces fruits que
méme mon pére n'a pas encore touchés ?

Mais cet homme 4 lair d'en avoir
tellement envie que je m'enhardis.