— Rajani par Roger Dufrane Lorsque Jacques Chegaray — l’infatiguable voyageur a bouclé son récent voyage en Inde, il ramenait en France un bouquet de couleur et de misére. Rien de plus con- trasté que 1’Inde, ni de plus mystérieux que les Indiens. J’en connais pour les fré- quenter A l’Université. Mai- gres bien souvent, les yeux noirs et profonds dans les orbites, leurs réactions me semblent plus énigmatiques que celles des Chinois ou des Japonais. Le mystére de ce peuple, Jacques Chegaray, malgré les déclarations de son li- vre ‘*L’Inde fabuleuse d’Au- jourd’hui’’ (Presses de la Cité, 1967), ne parvient pas A le dissiper. Pourtant il nous apprend bien des cho- ses. Cinq cent millions d’ha- bitants. Des palais de mar- bre pour les dieux et d’in- nombrables masures pour les hommes. Une démocra- tie ot les agents de police batonnent le peuple aux moindres audaces. Un pays de haute spiritualite ot les idoles de temps babares, tel Ganesh, le dieu éléphant, re- coivent les offrandes de mil- liers de fidéles. Un pays ot l’on peut ipunément pié- tiner un enfant; alors que- l’écrasement d’une vache ef- flanquée constitue un crime d’état. Un pays ot des mil- lions de sans-logis, s’entas- sent la nuit, sur les trot- toirs des villes; et des ma- haradjahs, nommés gouver- neurs sous le nouveau ré- gime, sortent encore , une fois l’an, en cortége. Sait- on que la maharadjah de 1’ état de Mysore habite un splendide palais / Chaque oc- tobre, il parade devant ses sujets dans un pavillon doré, sur le dos d’un éléphant ha- billé d’une housse de soie. Chevaux, chameaux, palan- quins et carosses au timon d’argent défilent, entre des groupes de mercenaires porteurs d’oriflammes mul- ticolores. A Bombay, Jacques Che- garay, a enjambé les corps étendus sur les trottoirs.Ila apercu des chambres de dix pieds surdix ot sentremélent la nuit, quinze 4 vingt per- sonnes sur des nattes, par- mi les cafards et les rats. Il a assiste A un mariage ascétique et compliqué. Il a fréquenté les clubs des riches Anglais qui regrettent le régime colonial. La grande plaie de 1’inde vient de 1’asservissement de la masse 4 des coutumes millénaires : cultiver le sol avec des moyens primitifs, laisser les singes dérober les fruits des marchés, et les vaches brouter les sa- lades des étalages. Tout cela pour respecter des rites in- compréhensibles aux étran- gers, et qui paraissent rele- ver d’une incommensurable folie. Ajoutons qu’Indira Gandhi, lutte vigoureuse- ment contre le fanatisme. Mais elle est 4 peu prés seule et chaque fois qu’elle touche A un tabou. elle joue avec le feu. . Tout n’est pourtant pas in- fernal en Inde. Désirant vi- siter les temples sculptés dans la roche, du pays de Mysore, Jacques Chegaray s’adresse 4 une agence de voyages. On le flanque d’un vieux guide tout crasseux et d’une charmante hdtesse qui s’exprime dans un anglais d’oiseau. Rajani aux nattes noires portait sa téte fine sur un col gracile. Féminine divinement, son sari chatoy- ait dans l’ombre des temples et y ramenait la vie. Elle a sourcillé quand le Fran- c¢ais a cru le vieux guide, un de ses parents. Elle é- tait brahmane et fiére de sa caste. Mais elle a par- donné. Les Francais gardent en Asie une réputation de légéreté et d’inconsé quence. Et voici notre voyageur dans un somptueux hotel qui donne sur les jardins de Brindavan, le Versailles de l’Inde. Jac- hy ' | = BY| ee SLA Dna Waa SS Wi ~ ant == {ASSUMES Sa ‘jeune Indienne. ques invite la belle 4 diner. Dés qu’elle entre dans la salle, en sari vert et or, svelte , d’une marche balan- cée, les Anglais qui somno- laient sur leur whisky, se frottent les yeux et envient le visiteur frangais. Aprésj le diner, Rajani propose une promenade 4son compagnon. Deja les fontaines s’allument en perles de lumiére.L’air du soir fleure la frangipane et le narcisse. Sur les past de la jeune fille, entre les rouges bougainvilliers, Jac- ques fredonne une chanson de Bécaud : Le jardin rouge était vide, Devant moi marchait Rajani, Il cavatt. un jola-nom, mon guide, Rajani, Rajaniv... -Qu’est cela _ s’enquiert la -Une chanson de mon pays. Tout Aa coup, les lumiéres s’éteignent. C’est la fin du] © réve. Seules quelques tor- ches de résine vacillent dans la nuit. Rajani, pensive, et Jacques un peu triste, s’enj} retournent en silence. Il eat été merveilleux que l’aven- ture se prolongeat dans es | beaux jardins |! Un visiteur de France. Une belle orien- tale. Et une vie de bonheur} dans un domaine enchanteé. Pourquoi faut-il que sursau- te le voyageur ? Les Hin- doues ne sont pas sentimen- tales, se dit-il. Et les Ver- sailles d’orient parsément de trop rares oasis un vas- te champ de miséres. II faut marcher, marcher toujours vers d’autres terres, vers l’avenir, vers le retour. Un ultime sourire de Rajani au Francais, les mains join- tes en signe d’adieu 4 la hauteur du front. Le Fran- ¢ais s’incline et part. Que pensait-elle ? ll emporte dans son sac les notes ov vit le souvenir de la belle inconnue. par Jacques Baillaut Il reste de ci de 14 sur les sommets des taches blan- ches...collerettes de dentel- le oubliées qui dessinent sur les cfmes, des formes bi- zarres sur le noir des sa- pins. Deux lions, voisins d’Isa- belle, 1’un porte un bérét, l’autre une casquette : deux objets fagonnés dans les nei- ges de l’hiver par le soleil d’été. Ces étranges coiffures donnent aux deux monarches, une curieuse allure qui amu- se Isabelle. On croirait deux souverains tombés dans la misére et devenus plom- biers, alors que les monta- gnes alentour rivalisant de coquetterie, ¢falent leurs plus beaux atours. Celle-ci, le ruban argenté d’un tor- rent, celle-14 les lacets d’ un sentier ot sur un nid de mousse, la fougére étend ses bras dans la lumiére tami- sée d’un sous-bois silenci- eux. Le jardin sent bon l’her- be mouillée coupée de la veille par le vieux jardinier qui sous le pommier, a ou- blié sa veste rapiécée, toute humide maintenant de rosée matinale.... ISABELLE peut-étre enten- due A l’émission ‘‘Du vent dans les voiles ’’ présentée} - par Serge Arsenault du lund au vendredi 4 7 h, sur les ondes de CBUF-FM, 97.7 Vancouver et le dimanche 8h33 au réseau national. ‘| Exposition NOUVELLE EXPOSITION : travaux dans les dix dernié- ‘| res années. A la Galerie d’Art de Van- © couver, Claude Breeze, ses L’automne commence avec cette exposition de travaux ~ ei E Bhtegteh de I’artiste de 1’Ouest cana- dien Claude Breeze. L’exposition est réalisée a partir de la collection de la 4 lj oe 2a Amants dans un paysage Galerie et aussi de collec- tions diverses A travers le Canada. On peut y voir six travaux derniérement exé- cutés dans le studio de I’ artiste. L’exposition, dans une forme réduite sera présentée dans plusieurs galeries canadien-]|- — nes. Le vernissage aura lieu le} mardi 28 septembre 4 20h30 et exposition sera ouverte au public jusqu’au 28 octobre