Nous terminerons par Eve, la croqueuse de pomme. Michel-Ange et Diirer en firent une athléte, Renoir et Rubens la peignirent épanouie, se moquant de la cellulite, Picasso lui tordit le nez et lui fit jouer de la guitare. Mais c'est tou- jours Eve, I'éternelle, le symbole de l'origine du monde. Pernelle Sévy, Port-Alberni, (C.-B.) Pernelle Sévy, originaire des environs de la Rochelle, vit en Colombie- Britannique depuis 1975 oi elle partage son temps entre l’écriture et la pein- ture. Elle a publié La couleur du blé chez Ramsay en 1991 et La Passion d’Anna Blaine, en 2001, aux Editions Buchet-Chastel a Paris. RR KR KK KOK OK KOK KH L’étape Le train venant de Tunis s’immobilisa en grincant. Dans mon coin de com- partiment je me réveillai soudain d’un mauvais sommeil. Doucement les cou- loirs se vidaient jetant sur le quai une foule grouillante et bruyante d’innom- brables burnous. J’eus du mal 4 m’extirper de ma pénible somnolence, aprés un voyage interminable. Je venais de parcourir la Tunisie avec la passion d’un explorateur, avide de rencontres inattendues, cherchant |’insolite, mais, finalement, étonné de ne pas subir ce choc culturel que tout étranger est censé éprouver au contact de ce qui n’est pas de son usage. A travers tant de récits, tant de livres d’images sur les peuples du monde, je ne faisais que découvrir concrétement des cho- ses que j’avais apprises, et dont je faisais maintenant l’expérience. Cette hu- manité, je la connaissais, comme je connaissais cet espace désertique et oa- sien avec tout ce q’il portait. Il avait bercé mes réveries d’enfant, et si je m’é- merveillais c’était, d’abord, d’étre 1a. Trés vite, je me sentis enrichi des diffé- rences que j’observais, que je sentais travailler mes pensées. « Chaque ren- contre me disloque et me recompose » disait Hugo von Hofmannsthal. Ainsi, ce que je percevais de nouveau, agissait sur mes sentiments, mes émotions, ma vision du monde. Je n’aime pas l’expression, choc culturel. Confronté a la différence impose un questionnement sur soi-méme et les autres, ouvre de nouvelles perspectives. C’est tout un passé de connaissance qui se refait. Etre choqué, c’est d’une certaine facon se mettre a l’écart et juger les autres selon des valeurs qui ne sont pas les leurs. C’est, en définitive, refuser de compren- dre, contraire a cette faculté d’accueil qui devrait habiter chacun de nous A chaque nouvelle rencontre. Quoi de pire que le rejet de l’autre, ou méme la simple tolérance. Cette notion de tolérance me géne car elle semble impli- quer, a l’égard d’autrui, une attitude de condescendance, voire d’ arrogance, et méme de mépris. Accueil est vraiment le mot qui me convient, et mieux