[Daniel Elisberg Selon le témoignage de tous ceux qui connurent Ellsberg & cette époque il était alors un ‘“‘vautour”. Une hépa- tite mit fin a son séjour vietnamien mais il fut embauché par la Rand Corporation, cette usine a pensées (Think Tank) ou le gouvernement a court d’idées va puiser ses scénarios. (Les scénarios de M. Hillsman qui fi- gurent dans le “dossier McNamara” indiquent les 11 maniéres de se débar- rasser, du président Diem Ngo. On y trouve aussi les ‘jeux sigma” aux- quels se livraient les plus hauts per- sonnages des Etats-Unis: une équipe rouge contre une équipe bleue et des pions — la population vietnamienne — déplacée sur un échiquier. eS En 1969 il travailla sous les ordres; de Henry Kissinger et lui presenta des “alternatives” pour le Vietnam. En 1970 il accepta un poste de cher- cheur au Massachussets Institute of Technology. Entre-temps il avait singu- ligrement évolué. En survolant le Sud-Vietnam en hélicoptére il avait pu constater les ravages causés par les bombardements, les incendies et les défoliations. La fréquentation des diri- geants civils et militaires lui avait revélé leur carence morale: ils ne semblaient guére se préoccuper de la vie des Vietnamiens. Il passe & I’action La lecture des “dossiers McNa- mara’ dont deux volumes se_ trou- vaient a la Rand Corporation, lui fit découvrir la duplicité et les menson- ges — sans parler des monumentales erreurs — des plus hauts personnages du pays. Cependant il tenta d’abord de jouer le jeu, de rester fidéle a V“esprit d’équipe”. Il somma Henry Kissinger, son ancien chef et profes- seur, de lire ces dossiers. Mais le “Bismarck de Nixon” était trop oc- cupé. Il en parla ensuite a John Irwin, vice-ministre des Affaires étrangéres et au sénateur McGovern. Ils firent la sourde oreille. Pendant ce temps la situation en Indochine ne cessait de se dégrader. M. Nixon en- treprenait incursion cambodgienne puis Vinvasion du Laos, ordonnait la reprise des bombardements du Nord- Vietnam tout en assurant ses compa- triotes qu’il s’efforcait de mettre un terme a la guerre. 1971 avait des re- lents de 1964. Derriére les déclara- lions soporifiques des officiels se tra- maient de nouvelles et dangereuses escalades. Ellsberg dés lors décida de passer a l’action et remit des photoco- pies des ‘dossiers McNamara” au New York Times, au Washington Post, ‘au Boston Globe, au Chicago Sun Times, au St. Louis Post Dispatch etc. Le visage osseux, tourmenté, le re- gard intense, la chevelure grison- nante, Ellsberg s’explique a la télévi- sion: ‘‘Je pense que la publication de ces documents est une bonne chose. Les responsables devront a présent rendre des comptes au peuple... La lecon a en tirer? C’est que le prési- dent ne doit pas agir en maitre ab- solu. La Constitution confie le gouver- nement conjointement a4 |’Exécutif, au Legislatif et 4 la Presse protégée par le premier amendement. On s’apercoit a la lecture de ces documents que lorsque le président se met 4 mentir, Vappareil bureaucratique se met a lui fournir des informations coupées sur mesure pour étayer ses théses. Bien- tot le flot d’informations est empoi- sonné et le président se trouve profon- dément coupé de la réalité.” A ses amis qui se contentaient de critiquer en privé la politique vietna- mienne de la Maison blanche Ellsberg teprochait d’étre de “bons Alle- mands”. I] participa aux manifesta- tions pacifistes de May Day a Wa- shington et de Boston et déclara aux policiers qui l’arréterent au cours de la derniére: “Je passerais volontiers 20 ans en prison si je parvenais a écourter la guerre d’un jour.” Dans un article qu’il publia au mois de mars il écrivait: “Il est indispen- sable que les Américains apprennent la vérité et cessent d’étre les compli- ces des crimes qui se font en leur nom. Ils doivent inciter le Congrés a obliger. le président & cesser une bonne fois de faire tuer des gens en Indochine.” Une hantise : le Vietnam Le Vietnam devint sa hantise. Un ami qui le rencontra l’année passée se rappelle leur bréve conversation: — Que fais-tu? — Je travaille. . — A quoi? — Je réfléchis. — A quoi? — Au Vietnam. — Comment au Vietnain? —A comment nous allons parvenir a nous en depétrer. C'est le 21 juin 1949 que la politique vietnamienne des Etats-Unis fut mise sur les rails. Ce jour-la le gouverne- ‘ment américain reconnaissait le re- gime de Bao Dai.’ Dean Acheson, mi- nistre des Affaires étrangeres, dans un document officiel, reniait la politi- que anti-colonialiste de Roosevelt et stipulait que “‘le gouvernement ameri- cain est décidé a empécher l’extension du communisme en Asie du Sud-Est”’. Des lors l'armee francaise recut un soutien de plus en plus important des Etats-Unis et des si reputes comme Cora Dubois et Milton Sachs écrivaient: “En soutenant les Kran- ais en Indochine’ nous nous enga- ‘geons dans une guerre qui peut durer vingt ans.” Les funerailles de Louis Amstrong ~musique. Ses exigences ont NEW YORK — Grand. professionnel jus- qu’au bout, Louis Armstrong a été, pour la derniére fois, hier, la plus importante ve- dette au service funébre qui a précédé son enterrement dans le cimetiéré de Flu- shing, non loin de sa demeu- re de Corona, dans le quar- tier newyorkais de Queens. Dés sept heures du matin, la foule commencait a affluer a Véglise congrégationniste de Corona pour témoigner son affection au cdébre trompettiste de jazz noir., Toutes les chaines de télévi- sion étaient sur place, camé- ras braquées sur les célébri- tées qui se sont succédé a lintérieur de l’église par une température de prés de 95 degrés. La cérémonie télévi- sée a été retransmise par sa- tellite 4 16 pays d’Europe. D’une modestie exemplaire, Armstrong avait donné de strictes instructions pour quil y ait un minimum de été satisfaites et, comme il Vavait demandé, l’incompara- ble chanteuse blanche, Peggy Lee a chanté “Notre Pére”’, et son ami intime le chan- teur noir Al Hibbler a chanté ‘“La~-marche des Saints (“When The Saints Come Marching In’’). Le service, trés sobre et. d'une émouvante dignité n’a duré qu’une quarantaine de minutes au cours desquelles ses amis les plus proches ont rappelé sa brillante carriére qui l’avait conduit des bouis- bouis de la Nouvelle-Orléans a Hollywood, et dans les plus célébres salles de concert du monde entier. Ils ont tous oublié ses origines modestes et qu'il avait toujours trouvé le temps. d’encourager. les jeunes musiciens qui venaient lui demander conseil. Sa bonté et sa générosité étaient légendaires, _ Foule aux funérailles Mme Lucille Armstrong, quatrieéme~- femme de “Satchmo”, avait demandé aux admirateurs de son mari de ne pas envoyer de fleurs mais de verser la contre-va- leur a la fondation de recher- che sur les maladies des reins. Lillian Hardin, deu- -xieme femme du musicien, était également a l’église. La plupart des 500 person- nes qui assistaient au service s’éventaient: 4 cause de la chaleur étouffante, et les quelque 2,000 personnes a Yextérieur de Péglise en fai- saient autant jusqu’au mo- ment ou le cercueil fut mis dans le corbillard qui est parti en direction du cime- tiére. Les maires de New York et de la Nouvelle-Orléans, -MM. Lindsay et- Andrieu ont assisté’ au service, de méme que les vedettes du jazz et de la chanson les plus con- nues, Frank Sinatra, Bing Crosby, Ella Fitzgerald, Benny Goodman, Lionel Hampton, pour n’en nommer que quelques-unes. Le président Richard Nixon: ~ qui avait vivement regretté le décés du légendaire Arm- strong, avait envoyé comme représentant personnel M. Willis Conover, expert en jazz de “La Voix de l’Améri- que’”’: : Ainsi a disparu de la scéne Souligné qu’il n’avait jamais a age de 71 ans, Louis “Satchmo”? Armstrong, grand maitre de la trompette et de la chanson, un des authenti- ques créateurs du jazz de Ja Nouvelle-Orléans, musique Suareice dans le monde en- ier. diodiffusion. a cité le crédo d’Armstrong lui-méme dans Véloge funébre qu’il lui a cient.” faite: “Je n’essaie jamais de 2 prouver quoi que ce soit. J’é- tais 1a pour donner au public un bon spectacle”. “Tl parlait 4 des millions de personnes avec sa musi- We a rappelé M. Robbins. 11 : utilisait pour dire: “Une M. Fred Robbins, de la ra- note est une note dans Ja plupart des langages. Si vous les. touchez, elles l’appré- LE SOLEIL, 16 JUILLET 1971, I am i