| itn lil i cai i a | So IN a IN Oy AA pe Na ON SN AIT Platt | a ee OO NN Ne Oe eae ‘ 2 - Le SOLEIL, VENDRED! 5 aout 1994 Opinion A NFormation Les Italiens de troisieme culture Salmon Rushdie a créé l’expression «Third Culture Kids» pour parler des enfants de troisiéme culture, c’est-A-dire qui sont nés et qui ont grandi au sein d’une certaine culture, mais dont les parents possédent un bagage culturel bien différent. Cette troisiéme culture a laquelle Rushdie fait allusion n’en est pas une en soi, du moins pas au sens classique du mot. Il s’agit ici d'une culture ne pouvant étre clairement définie en des termes de nationalité ou d’ethnicité. Elle fait surtout référence a un état d’ esprit. Un état sociologique et psychologique de laquelle naissent des personnes hybrides ou schizophrénes; des étres qui ne peuvents’ identifier nia leur culture maternelle, ni a leur culture paternelle, ni méme a celle dans laquelle ils ont grandi. Autourd’eux se dresse une sorte de barriére culturelle invisible; ils vivent continuellementen crise d’identité. Pourma part, je me décrirais © comme un caucasien appartenant a une troisiéme culture. Je suis en fait de descendance italienne. Un caucasien de troisiéme culture n’est pas aussi souvent victime de discrimination qu’une personne de couleur. Plusieurs situations embarrassantes survenant dans des endroits publics, notamment dans les centres commerciaux, et auxquelles doivent faire face les minorités visibles sont épargnées au caucasien. Pourtant, il arrive de temps 4 autre que des Italiens de troisiéme culture soient traités de fagon raciste par les minorités visibles, simplement a cause de leur peau blanche et non enraison de qui ils sont. Or, cela ne fait qu’encourager la confusion et la frustration. Iln’yaaucun signe apparent ou verbal indiquant que je puisse étre différent de quelqu’un d’autre. Elevé au Canada, je parle anglais couramment et sans accent. Les pointes de racisme ou de snobisme dont j’ai été témoin surgissent généralement lorsqu’on découvre quelles sont mes origines ethniques, soit par mon nom ou encore au cours d’une conversation. Survient alors le moment mystique et magique, celui ot l’on se rend compte que mes racines ethniques sont rattachées a un autre pays. Ce moment est généralement meublé soit d’un silence ou d’une réflexion du genre: «Ah! Vous étes Italien! Vousn étes pasvraiment Canadien alors? »Etc’esta partir de cet instant que l’attitude de l’interlocuteur envers vous fait volte-face. Ce genre d’incident m’est arrivé a plusieurs reprises en tant que client dans un magasin ou un bureau, dans les nombreux milieux de travail dans lesquels j’ai évolué ou encore dans les salles de classe universitaires. Jaimerais profiter de occasion pour renseigner quiconque nourrirait de fausses idées sur les Italiens: Nous ne sommes pas tous des bandits, ni de pauvres fous de villages, ni des machos, ni non plus des rois du disco, des fanatiques de soccer ou de laches fascistes. Nous ne cultivons pas tous nos légumes et nos fleurs, ne faisons pas tous notre propre vin, et nejouons pas tous aux cartes ou aux boules italiennes sur Commercial Drive. Je ne peux m’empécher de demander aux gens de cesser de puiser leurs idées en Opinion regardant Saturday Night Fever, Happy Days, Moonstruck ouencore la trilogie du Parrain. Considérez- nous d’abord comme des étres humains ayant des sentiments, et noncomme des gens véhiculant des stéréotypes culturels ou des personnages de bandes: dessinées. Nous sommes avant tout des gens qui traversent les mémes hauts et les mémes bas émotifs que tout le monde. L’Italie contemporaine va bien au-dela de I’image habituelle projetée par les films, les missions télévisées et les média nord- américains. Nous comptons, en fait, parmi les pays les plus riches et les plus industrialisés au monde. l’échelle mondiale, nous sommes au premier rang au niveau des affaires, ducommerce, du tourisme, de la fabrication d’automobiles et enfin dela mode. Nous sommes une nation de contrastes et de divisions, mais nous représentons aussi l’une des démocraties les plus solides, les plus durables et les plus anciennes, datant de l’ére romaine, et ce, en dépit de tous les gouvernements période d’aprés-guerre. On peut dire que nous possédons trois des plus magnifiques villes du monde en ce qui a trait 4 histoire, aux arts et a labeauté culturelle: Rome, Florence et Venise. L’Italie est une ancienne civilisation qui a grandement contribué au monde entier dans les domaines de la littérature, des arts, des sciences, du génie, de l’opéra, del’ exploration et des découvertes. C’est notre pays qui s’est fait précurseur de la Renaissance et qui l’a faite goiter au reste du monde. La culture, ca s'‘apprivoise Le petit aux yeux bridés se tenait droit dans son carrosse. L’exubérance de mon rire et les couleurs vives de ma tenue avaient capté son attention. Et moi, je lui envoyais mes plus beaux ta-ta tout en faisant des gestes comiques. Une seconde de plus sous mon influence et je serais parvenue a lui décocher un sourire, sil n’avait pas été détourné par l’intervention de l’adulte. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la dissidence de culture se fait sentir trés tét. Depuis tout récemment, je vis 4 Vancouver et j’ai été désolée de faire sourire les préjugés. C’est bien connu, la ville condo est - submergée de _ nationalités immigrantes. Parmi ce flot, nombreux sont les Asiatiques. Ils sont commergants, restaurateurs, dentistes etc., et participent quotidiennement au tohu bohu de l’activité vancouveroise. Ils font partie intégrale de notre société mais derriére leur comptoir, j’ai souvent l’impression qu’ils cultivent la projection d’un certain sentiment d’inconfort par rapport a notre acceptation. Sur la pointe des mots, je dirai qu’ils sont d’un contact neutre. Une neutralité qui m’agace par bouts. Tréve d’extrapolations. Plutét que de vous interpréter la partition des cultures aux antipodes, je vous parlerai de mon fleuriste préféré parce que son attitude et sa personnalité contraste avec l’image que nous avons des orientaux. Il est d’une jovialité et d’une volubilité intarissable. Il est de nationalité chinoise mais aujourd hui, d’abord et avant tout, il est Canadienet trés fier de1l”étre. Plus que plusieurs d’entre nous. Je lui ai acheté une plante un jour. Aprés une semaine, elle semblait s’exténuer derriére le soleil de ma fenétre. Je suis donc allée voir mon fleuriste davantage pour dialoguer que pour. ses_ services professionnels. Que pensent les Asiatiques de notre, ou plutét, de ma perception? Il m’a parlé de liberté sociale, de démocratie, de bouddhisme, de _ barriére linguistique et j’en passe. ‘ Cependant, j’oublieraid’ici peu toutes les brillantes hypothéses qu’il m’a exposées pour tenter d’expliquer la réticence des orientaux. Au-dessus de la gentillesse etde1l’ouverture d’esprit de mon fleuriste, je me souviendrai surtout de la formule magique qu’il m’a sagement révélée: agir avec patience. La sympathie des Asiatiques est difficile a s’attirer mais quand vous |’avez, c’est pour toujours! Mon fleuriste était prés 4 quitter boutique pour venir voir lui-méme ce qui n’allait pas avec ma plante! C’est du service n’est- ce pas? Can'a pas été nécessaire, deux tasses d’eau ont suffi! Chantal Rivard Tentez d’avoir un peu d’indulgence envers les Italiens de troisiéme culture. Nous sommes dispersés ici et la en assez grand nombre. Nous demandons que notre place exclusive au sein de la société canadienne soit comprise et reconnue. Cette demande s’adresse non seulement aux membres de la société dominante canadienne, mais surtout 4 nos parents et grands- re] ————____—— parents que bien souvent nous déroutons, et qui ne savent pas trés bien que faire de nous. Essayez de voir pourquoi nous pensons et nous nous comportons comme nous le faisons. Enfin, essayez de comprendre que nous sommes coincés entre deux cultures: celle de l’ Amérique du Nord qui nous a vu grandir et l’autre, celle de nos ancétres. Nick Voci LE CANADA SAiSIT DEDX BATEAUY DE PECHE Mec Ae % De MES BATEADX TRANQUILLES / de Colombie-Britannique Le seul journal en frangais 4 l'ouest des Rocheuses “SANS PEUR NI FAVEUR" Président-directeur : Jacques Baillaut Rédacteur en chef : Pierre Longnus Journaliste-coopérante : Genevieve Gouin Administration et gestion : Noélle Mathis Infographisme : Suzanne Bélanger Correspondant national : Yves Lusignan (Agence de presse francophone) Collaborateurs : Claudine Lavallée, Marielle Croft, Catherine Lannoy. Collaborateurs Arts et spectacles : Sara Léa, Nigel Barbour, Marie Michaud, Yvan Brunet, Louis Anctil. Ouverture du journal : 9ha 7h, du lundi au vendredi Toute correspondance doit étre adressée au Soleil. 1645, 5eme avenue Ouest, Vancouver, C.-B., V6) INS. Tél : (604) 730-9575. Fax : (604) 730-9576. L'abonnement annuel cotite 25$ au Canada, 55$ A I'étranger. Le journal Le Soleil de Colomble-Britannique est publié par Le Soleil de Colombie Ltée. 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