i : we tl Sala ST Bonnes feuilles Par Marc Girot La mort dans le blizzard D’abord un sourire. Berthe de Trémaudan c'est d’abord un visage illuminé, une sérénité acquise aprés 86 ans de vie bien remplie. Débarquant de Bruxelles au Manitoba en 1920 elle connait les aventures — et les mésaventures — des pionniers du Nord de I’époque. Ces vingt années au Pas, dont deux passées dans les bois, & mener I’existence des trappeurs, elle les raconte dans un livre récemment paru, “Au Nord du 53éme” [1]. Cette semaine, elle nous a confié en avant-premiére des pages du roman qu'elle est en train d’achever. Les jours, qu'il barrait au calendrier avant de se cou- cher, étaient trop courts s'il n’avait pu accomplir la ta- che qu'il s’était assignée, et trop longs s'il en regardait le nombre restant avant la réu- nion ardemment attendue. Le mois d’octobre avait semblé interminable. En no- vembre, la séparation insup- portable le déprimait au point qu'il était prét a tout aban- donner et partir avec ses chiens pour aller retrouver son aimée, Enfin, le feuillet de novem- bre avait été arraché du ca- lendrier et décembre était venu ranimer son espoir. Cha- que jour était un rapproche- ment au bonheur que Jean se promettait de ne plus jamais interrompre. Plus le grand jour approchait, plus la fiévre de l’attente le consumait. Trois jours encorel... Deux... Enfin le vingt-et- un apparut, et demain, de- main apporterait le grand bonheur! Un vent de tempéte Le vingt-et-un. . . et dans la _ matinée, un vent de tempéte se leva avec violence. La neige, palayes de la sur tace poud ayenture, oblitérant son en- tourage au point de rendre les chiens de téte invisibles a celui qui s’y trouve en traineau. Jean, le coeur glacé, les nerfs tendus, entend la tempé- te qui fait rage tout le res- tant du jour. Durant l’interminable nuit, tourmente le tint aux écoutes et les hurlements du vent le transpergcaient, res- serrant l’étau qui étreignait sa poitrine. Un cri de supplica- tion s'échappait de ses lévres, a haute voix, il priait avec ferveur, demandant au Tout- Puissant de calmer la nature en démence. La sécurité d’Isabelle toute- fois ne devait pas lui donner d’inquiétude car, selon l'itiné- raire préarrangé, elle devait passer cette journée du 21 dans une petite auberge, une “stopping place” ot elle serait drerie flagellant qui's'y | Cumentation a l’abri et d’ou, le lendemain, un trappeur ami de Jean devrait la conduire en trai- neau au petit camp indien ot il l’attendrait. Si cet horrible temps allait durer, cela causerait du re- tard a leur réunion, la remet- trait a deux, qui sait, trois jours peut-étre? L'impossibilité de voyager avait parfois duré une semai- ne, et plus! Seigneur! O Seigneur! Ra- menez le beau temps! implo- rait le jeune €poux dont tout létre frémissait d’impatience et qui se rebellait a l'idée d'avoir 4 supporter le pro- longement de I’attente. Encore une fois, c’est le ‘Grand Nord et son univers fascinant qu’a chotsi de raconter Berthe de Trémaudan, mais sous une forme romancée. En greffant le journal d’une jeune infirmiére de St Boniface a la fin des années '20, qui donne une bonne image de ce que pouvait étre un hépital de Vépoque. ilenqien te des Lopes Vauteur entreprend ensuite la des- cription de Uhépital psy- chidtrique de Brandon, au Manitoba, l'un des pre- miers érigés au Canada. Mazs nous en resterons la en ce quit concerne ce livre, dont nous ne voulons pas déflorer lintérét: Berthe de Trémaudan sattelle a@ la rédaction quand l'enuvie l’en prend, que son jardin ne Uat- mante pas @ l’extérieur ou quand elle n'entame pas une autre collection de Une vitalité extraordinaire Le Soleil de Colombie, vendredi 18 mars 1983 — 7 prét< <2 sa reine! Un royaume attendait Jean attela ses chiens et, en route vers le Sud... En route vers le bonheur! timbres. Ces derntéres sont de véritables albums d'art, qui lui ont dé&a valu les récompenses officielles des clubs de philatélistes lo- caux. Notre doyenne des écri- vains francophones de la province sadonne égale- ment @ la poésie. Elle a dailleurs publié il y a quelques années un recuetl intitulé “En Vers et sur ee ae Ces poémes sont simples, pleins de bon sens et d’hu- mour, a limage de leur auteur. ‘Je profite de cha- que moment de la ute” dit-elle, faisant preuve d'une incroyable wtalité. Elle a dé&ja en téte d'autres |. projets de livre, dont un sur Montmartre, en Sas- katchewan, au début du stécle... [1] Aux éditions du Blé - 1982 - 192 pages - $12. Nous avons fait une criti- que de ce livre dans notre édition du 28 janvier 1983. Les heures passaient, tour- mentant son ame en détres- se par leur longueur. Les aiguilles de sa_montre qu'il consultait souvent semblaient a peine avancer. Intermina- ble nuit! “ Curieux, tl les suit, souléve les branches et, horreur... découvre un corps allongé sous le piétre refuge. Un corps de femme...” Trois heures enfin se mon- trent. Quatre arrive aprés un temps infini... Et puis, Dieu soit loué, avant que d’arri- ver a cing, les rafales ont commencé a sespacer, et bientét, le vent s’abattit aussi soudainement qu'il s’était le- vé. L’aurore du jour tant espé- ré ayant fait son apparition, Jean fit fébrilement les prépa- ratifs pour aller au rendez- vous si ardemment désiré. Vibrant d’amour et d'impa- tience, Jean fit un dernier tour _diinspection de son domai- ne... Oui, il pouvait étre fier... au hangar attenant a la cabane, de nombreuses fourrures étaient suspendues ainsi que les produits d'une chasse fructueuse: canards, oies, quartiers de daims et d’orignal! Les alentours de Vhabitation en ordre sous leur tapis de neige, et le logis, leur home, attrayant avec son lit sous l’épaisse couverture de lapin blanc et au pied duquel, . deux superbes peaux de loups gris clair étaient étendues. La belle peau d’ours noir au milieu de la place. Les deux fauteuils rustiques au coin du feu ot de grosses biches, bralant lentement, , tien- draient la cabane, bien cal- feutrée, chaude jusqu’a leur arrivée. Quelques guirlandes de branches de sapin autour de la porte pour la rendre plus accueillante, et tout était Pourtant, une espéce de géne, reste de l'inquiétude Mhier, semblait encore ui tenailler le coeur! Aprés leur inaction de la journée _ précédente, _iles chiens joyeux, s’élancérent sur le lac, puis, suivant la céte, prirent leur trot régulier, Jean ne voulait pas les forcer pour qu ils soient bien frais pour le voyage de retour. Mais voila qu'aprés avoir parcouru les deux tiers de la route, ils ralentissent le pas, les oreil- les dressées et soudain ils cherchent a pénétrer dans le bois. ““dji boys, dji marche”... Ils obéissent lentement, toutes les tétes tournées ob- ‘stinément vers la forét. Qu’ont-ils donc?. . . Jean les arréte, écoute... Des aboie- ments se faisaient entendre de cet endroit pourtant toujours désert. Intrigué, il laisse la liberté a son attelage; et la, a l’orée de la forét ot il fut conduit, un petit traineau, attelé de deux chiens, est coincé entre deux arbres. Personne ne se trouvant aux alentours et ne recevant nulle réponse a ses appels, Jean ‘ simagina que les jeunes chiens s’étaient échappés de leur maitre, probablement Jules du camp Indien. _ Il les libéra pour qu'ils puissent l’accompagner pour le reste du voyage. Assez de temps perdu, mar- che, commande-t-il 4 Sam, son chien de téte, en voulant lui faire reprendre le large, mais Sam refuse, et tout l’atte- lage rebelle, avec des aboie- ments, veut pénétrer plus avant dans le bois, s’avan- cant vers un sapin touffu dont les branches basses semblaient cacher une masse sombre. Curieux, il les suit, souléve les branches et, horreur... découvre un corps allongé ' sous le piétre refuge. Un corps de _ femme, | qu’avec un cri de fauve blessé, — il avait reconnu. Belle... Belle... . Com- ment, pourquoi? Eperdu, il la prend dans ses bras, mais le corps adoré, engourdi par le froid, ne répond pas a son étreinte. En un éclair, des idées di- verses traversent son esprit: faire du feu pour la réchauf- fer, ce serait la faire trop souffrir si elle a des membres gelés, ce serait aussi du temps! Il vallait mieux la conduire a Lucy, la _ vieille guérisseuse du camp qui pour- rait la ranimer sans souf- france. Vite, le corps pré- cieux, enveloppé dans la cou- verture chaude qu'il avait destinée au retour, avait été déposé dans le traineau et emporté vers le camp 4 la plus grande course que ses chiens _ aient jamais fournie. “Mais elle avait un jour d’avance... elle ne devait venir que le 22... dit le trappeur éploré : “le 22, Jean, c’était hier !’’ Criant, hurlant tout le long du parcours, Jean s’était fait entendre des habitants du camp qui étaient tous sur la berge pour l’attendre. Sans une seconde perdue, Isabelle était transportée chez la gué- risseuse. ~ “Comment se fait-il? Pour- quoi était-elle 14”? On tacha d’expliquer a Jean que sa femme était arrivée plus tét qu’attendue. Elle avait été si impatiente d’arriver qu'elle avait harcelé son conducteur pour quitter l’auberge avant la levée du jour, et que, exci- tant les chiens tout le long du chemin, ils étaient arrivés au camp avant neuf heures du matin, alors qu’on ne _ les attendait que vers midi. La, sans attendre, sourde a toute objection, elle avait acheté les deux jeunes chiens et le petit traineau pour partir a la rencontre de son mari. Rien n’avait pu la rete- nir... elle voulait faire a son mari la surprise de le rencon- trer en route. Elle ne pouvait pas se perdre, disait-elle, puis- qu'elle n’avait qu’a longer le bord du lac en allant vers le Nord. Une heure environ aprés son départ, le vent s’était levé, violent, mais les braves gens nes étaient pas inquiétés, cro- yant que Jean l’aurait déja rejointe pour lui faire un abri. Elle avait donc eu la sagesse d’entrer dans le bois plutét que de rester éxposée a la poudrerie! Mais elle avait un jour d’avance... elle ne devait venir qu’aujourd’hui, le 22... dit le trappeur éploré: “Le 22, Jean, c’était hier!” Lucy, malgré toute sa scien- ce, n’avait pu ramener un souffle dans un corps sans vie et Jean, avec des cris sau- vages, s’écroula sur le corps adoré, l’encerclant dans ses bras dans une étreinte dont rien ne put le détacher. Deux jours plus tard, la police alertée par un messager venait chercher les victimes de la tempéte; deux corps enla- cés dont l'un était sans vie et l'autre avait perdu l’esprit. Ge). BWWDW@L2ae.« “Echos d’autrefois”’ La Société historique de Bonnyville et district pré- sente son livre bilingue “Echos d’autrefois”. Plus ’ de 600 pages, $45.00 plus frais de poste.’ Ecrire a Jeanne Mercier, boite 801, ‘Bonnyville, Alberta, TOA OLO. Tél. (403) 826-3292. MODERATION On a fait une vertu de la modération pour borner l ambition des grands hommes et ' pour consoler les gens médiocres de leur peu de fortune et de leur peu de mérite. FFHQ Renforcer _ l’autorité du Commissaire aux L.O. La présidente de la Fédé- ration des Francophones hors Québec, Mlle Jeannine Séguin, a affirmé devant le Comité mixte sur les langues officielles que, pour assurer la nature déclaratoire et exécu- toire de la Loi, il importe de renforcer l’autorité et les pou- voirs du Commissaire aux langues officielles face a l’ap- pareil bureaucratique. Mlle Séguin s’est dit d’ac- cord avec bon nombre des recommandations qu’ont for- mulées, jusqu’a maintenant, les membres du Comité mixte du Sénat et de la Chambre des communes pour améliorer lesprit et la lettre de la Loi sur les langues officielles, en par- ticulier pour ce qui est d’éta- blir la nature déclaratoire et exécutoire de la Loi et d’inclu- te le concept d’offre active de services. Mile Séguin a insisté, dans sa présentation, pour que le législateur se donne les mo- yens d’assurer la mise en oeuvre effective de la Loi et accroisse les pouvoirs d’inter- vention du Commissaire aux langues officielles. “Des dents a la loi” Selon la présidente de la F.F.H.Q., il faut accorder au Commissaire, suite a l’instruc- tion d’une plainte, “le pou- voir d’émettre des directives exécutoires pour solutionner les infractions a la Loi sur les langues officielles. Ainsi, aux articles 30 a 33 dela Loi, il est nécessaire d’ajouter les dispo- sitions suivantes: que, lors- qu'un ministére, organisme ou institution fédéral déroge aux dispositions de la Loi, la responsabilité de fixer un échéancier et d’émettre les | directives pour apporter les correctifs appropriés ‘soit confiée au Commissaire. La responsabilité d’appliquer les directives du Commissaire et de faire en sorte que I’éché- ancier fixé pour apporter des correctifs soit respecté devrait étre spécifiquement attribuée, dans la Loi, au sous-chef ou autre chef administratif de tout ministére, département ou institution mis en cause.” Pour Mille Séguin, “il est temps, aprés 14 ans de bilin- guisme officiel dans ce pays, que l'on donne des dents a la Loi sur les langues officielles et que l’on:s’assure, une fois pour toutes, que les Franco- phones hors Québec aient accés a des services en langue francaise en quantité et de qualité suffisante. La présidente de la F.F.H.Q. a également abordé la question des ententes fédé- rales-provinciales et a suggéré que ces ententes en viennent a inclure des dispositions préci- ses pour qu'une partie des sommes versées aux provinces dans le cadre des ententes dans le domaine de l’éduca- tion, des services de santé ou du développement économi- que, servent a développer des programmes et des services dans la langue de la mino- rité de langue officielle. Quand on court aprés l’esprit, on attrape la sottise. Montesquieu On ne trouve guére un grand esprit qui n’ait un grain de folie. Sénéque Lthistoire est le roman qui a été; le roman est de l'histoire qui aurait pu étre. Goncourt, Journal