VOYAGES Le Soleil de Colombie, vendredi 12 mai 1989 - 13 Par Jean-Claude, Boyer Paris, 27 septembre 1984. Je prends le train de nuit pour Munich (sud de |’Allemagne), ville éminemment dynamique que j’ai eu le plaisir de visiter en 1979. Je compte, cette fois, vivre une des journées folles de la plus grande beuverie du monde: Oktoberfest, et assister a une représentation d’AIDA (opéra de Verdi) par la Scala de Milan & |’«Olympiahalle». Je ‘mrallonge confortablement pour la nuit, seul dans un compartiment de premiere classe. Ecouteurs sur la téte, je vibre une fois de plus aux grands airs d’AIDA. Parvenu a destination, le lendemain matin, je consigne mon sac a dos puis me joins a une longue file a l’extérieur du bureau de renseignements touristiques de la gare. Une bonne heure di’attente. On m’apprend qu’aucune chambre aprix modique n’est disponible avant le.2 octobre, et encore, qu'il me faudrait lapartager avec un étranger dans un Y.M.C.A., et pour une nuit seulement. Tant pis, je la fais reserver. Je me rends ensuite al’opéra ou je me procure un billet a bon prix ~ (15$) pour le 2 octobre. En retournant dans les rues animées, je marréte ici et la ~ devant des amuseurs publics de tout acabit, m’attardant surtout a écouter les jeunes Mozart. Oktoberfest est sans doute, pour eux, l'occasion révée de se faire des sous, et agréablement. Mes pas me menent a la fameuse Marienplatz ou |’at- mosphére est manifestement a la féte. Repos sur une chaise publique prés d’un homme agé en cravate qui retire son gros cigare de sa bouche 4a l’aide d'une tige de métal rouge (pour obéir a la loi du moindre effort?). Devant moi, une dame a la dignité pincée essuie sa chaise, avant de s’asseoir, comme si elle craignait d’attra- per une maladie contagieuse. J’aime observer les gens, particuliérement lorsqu’ils affi- chent des comportements origi- naux ou bizarres. Dieu sait que je suis souvent bien servi. Je vais maintenant «observer» dans une de ces_ grandes brasseries qui font la renommée de Munich. Quel torrent de biére! (J’ai ajouté dans mon journal: «La cataracte!»). Des centaines de buveurs semblent préts a s’'y noyer au rythme d’une musique éclaboussante. Nombreuses bedaines rondes comme des barils. Levée du coude, bouffée de cigarette, blague, gros rire..., et le cycle -recommence. La plupart des serveuses ont l’air de matrones aux nerfs d’acier. «J 'te dis qu'¢a passe par l/a!», dirait-on au Québec. Une seule biére me suffit. Je traverse un nuage de fumée pour me diriger vers la sortie au moment oU |’orches- tre, au centre de |'immense poulailler, relance avec vigueur un refrain que je suis sGrement le seul A ne pas connaitre. Retour alagare pour reprendre mon sac a dos. Je me rends ensuite au Y.M.C.A. payer la chambre réservée et y consigner Récit d’un tour du monde Brefs séjours a Munich mon sac. Voila, c'est fait. Repas dans un prét-a-manger («restau- pouce» en frangais branché) ou, a ma surprise, on sert de la biére. En sortant, j’apercois une grande perche aux cheveux rouge vif passant derriére une voiture stationnée exactement delaméme couleur. Je retourne a la gare prendre le train pour Stuttgart, espérant un lit dans sa grande Auberge de Jeunes- se. Quatre jours plus tard, le matin du 2octobre, je retourne a Munich, de Stuttgart, apres avoir visité également Heidel- berg et Baden-Baden. Les passagers de mon comparti- ment (premiére classe) sont, cette fois, si bien mis que j'ai franchement honte d’étre en blue-jean délavé, a moins que ce soit eux qui m’envient. Je descends du train, 4 Munich, en écoutant sur mon baladeur la grande marche d’AIDA. Dans la gare comme a l’extérieur (le temps est toujours idéal), je me sens saisi par une sorte d’Oktoberfestmania»: un monde fou, musique bavaroise, vendeurs ambulants en costu- mes du pays, terrasses remplies de joyeux buveurs, chapeaux tyroliens... Deux gros chevaux musclés tirent un chargement de tonneaux ornés de guirlan- des de fleurs. On offre au passant ici dela publicité, la un amuse-gueule (il serait sans doute possible d’assouvir sa faim avec les bouchées distri- buées a gauche et a droite). Je succombe vite a la tentation de retourner dans un de ces temples de la biére a la joie de vivre tonitruante. La brasserie que je choisis au hasard est animée comme si nous étions déja en soirée. «Une chope, S.V.p.» Les buveurs chantent en se_ balangant, accrochés les uns aux autres. A - la fin d’une polka, on demande un .volontaire pour diriger l'orchestre. Une grosse joufflue monte dans le kiosque, au centre de la place. Quel désastre! Un sens du tempo a faire blémir Van Karayan. On se tord de rire. Applaudissements excessifs. Suivent une chanson du Tyrol, un autre air de danse, des cris d’enthousiasme. Et un nouveau chef d’orchestre- moins-qu’amateur s’exécute. Le temps passe vite. Je me retrouve dans une autre grande brasserie, dont je fais le tour lentement, l'oeil et loreille toujours a l’affat de |’insolite; puis dans une _ troisieme. Décidément, on s’amuse ferme en Basse-biére, pardon en Baviére. Plus tard, dans le métro moderne, un Munichois visible- ment fier de son _ anglais m'indique clairement la fagon deme rendre au parc olympique - ce soir. Le temps di'installer mes effets personnels pour la nuit dans la chambre toute blanche du Y.M.C.A., de refaire mes forces modestement (pain, fromage, pomme et repos), et me voila déja parti pour mon rendez-vous avec cette chere Aida. ; Aussit6t descendu, je me rends compte que j’ai oublié mes jumelles compactes - véritable luxe pour qui ne transporte, pour un an, que l’essentiel. Heureusement, j’ai le temps d’aller les chercher. De retour au parc olympique, je me précipite dans le grand amphithéatre ot une quinzaine de puissants projecteurs sont dirigés vers l’assistance, |’em- péchant de voir les décors sur l'immense scéne. 20h00: place a |’enchantement. Pyramide flanquée d’obélis- ques et de sphinx, armée de soldats, amours passionnés, solos et duos pénétrés d’émo- tions, envolées symphoniques, ‘grands airs triomphants ou dramatiques, il ne m’en faut pas plus pour oublier la planéte qui m’a vu naitre. Les scénes de ballet, scrutées a travers mes jumelles, atteignent la perfec- tion. Quant a la célébre grande marche, au rythme de laquelle l'armée entiére descend du sommet dela pyramide, elle me fait littéralement frissonner. Rien deplus solennel que le son éclatant de la trompette. Celle du jugement dernier réussira les correspondances.) VIA. UN Fauteuils a dossier inclinable, fenétres panoramiques, service attentionné et paysages spectaculaires a perte de vue, tout y est; méme une halte dans un hotel accueillant de Kamloops a la tombée de la nuit. (Le forfait VIA comprend le transport en train, I’héber- gement, les petits déjeuners conti- nentaux, d’excellents repas légers et sans doute a m’électrocuter. A l’entracte, je demande a un spectateur si je pourrais jeter un rapide coup d’oeil sur son programme. ll me_ répond: «Achetez-vous-en un!» Trop aimable. Une seule réserve sur cette magnifique production: la deuxiéme partie, ol le drame intime des amants s’intensifie, se resserre jusqu’a les conduire vivants au tombeau, gagnerait a se dérouler dans un espace ‘beaucoup plus restreint. Cette disproportion est cependant vite oubliée lorsque, dans l’obscurité compléte, s’illumi- nent les arétes de la pyramide et le bord de la scéne, des centaines de flambeaux accom- pagnant les accents pathéti- ques du finale. AIDA, un spectacle pour les dieux, un spectacle «olympique». Bravo Verdi! Viva La Scala! Cesoir-la, en rentrant dans ma chambre (le compagnon incon- nu n’est pas encore arrivé), j‘éprouve un intense désir de rester fidéle a mon journal et de le réécrire un jour afin de lui donner plus de profondeur. Et je m’endors dans des contrées nébuleuses (égypto-québécoi- ses?) oll je revis a ma maniére I"histoire immortelle du plus grand des opéras. Le lendemain, je me laisse emporter encore par le vent de folie collective qui s‘empare de Munich chaque automne (voir «La grande beuverie»), puis, en fin de soirée, par un autre train de nuit. A BORD DU “MONTAGNARD DES ROCHEUSES” DE VIA. Deétendez-vous dans une voiture Superconfort de VIA et préparez-vous a admirer des panoramas saisissants! Pour plus de détails, consultez votre agent de voyages ou VIA Rail. “LE MONTAGNARD DES ROCHEUSES” Départs: Chaque dimanche matin, un aller-retour par semaine, du 4 juin au 8 octobre inclusivement. De Heure Vancouver Aller Aller- de a: simple retour _départ Banff ou Jasper $295 | $525 7h45 Calgary | $320 | $565 | 7h45 Vous pouvez profiter du “Montagnard des Rocheuses” de trois facons. Aller simple dans un sens ou dans I’autre, aller et retour, ou combiné a un forfait Vacances Canada VIA ou a une Escapade Allez-y en train. C’est sans pareil.”” Membre de | canadienne des iati touristiques et de la National Tour Association Inc.