is \- AK. AL AL AL AL Se Ae ohn AL OA sia er 2 aa = i GW 2 ... suite du Monologue... Pour ma_ part, je dois le reconnaitre, j’ai des souvenirs tres vifs de cette aventure et de toutes celles que j’al connues, bambin. Deux ans déja que la derniére guerre s était achevée. Mais tous les pays impliqués souffraient encore de mille problémes. Trés peu s’étaient réorganisés. Et le voyage pour nous y rendre était lui-méme marqué de cette empreinte. Sur le bateau qui sillonnait des mers tropicales, quatre personnes, au moins, occupaient chaque cabine. Et les femmes étaient séparées des hommes. Cela n’avait rien de romantique ; on était loin des croisiéres langoureuses d’au- jourd’hui. Je ressentais aussi Pinsolite de cet inconfort et plus encore, par le fait que l’on m’avait relégué avec les femmes. Moi, le petit homme ! Rejeté de la taniére virile, aux senteurs aigres de sueurs miles et d’alcool ; remugles alourdis par les relents de tabac ti¢de. Retenu dans un antre feutré, aux parfums fades et couleurs passées. Sorte de galctas encombré de corps a chairs tendre et a la peau douce et moite, se disputant le tour de me cajoler et de m’étouffer sous les baisers. Ce n’était pas que je sois opposé a ce genre de tendresse, mais cela en faisait un peu trop, et la chaleur était pesante et humide. Les contacts avaient des bruits liquides et les effleurements de baisers ne s’évaporaient pas a lair. Heureusement, il y avait l’air de la mer. Et ses embruns qui chargeaient de cristallisations salines toutes les aspérités étranges du navire. Je léchais les _ Le Moustique ; id BOT URE Rr ET Uy Edition No 14 Décembre guindeaux, les rambardes et bastingages ; les lévres et les mains rendues visqueuses par Phumidité saturée d’halite. Et le constant ressac de la mer sur la coque du navire. Et les cris aigus des mouettes, a la fois folles et gracieuses, qui malgré |’arrogan- ce des oiseaux maitres du vent et des grands vides, mendiaient sans vergogne le petit crodton sec qu’on leur langait au bec. Et puis la fuite étrange des nuages qui filaient dans le ciel, en oscillant de babord a tribord, par- dessus les fumées _ blanches, transparentes et volatiles, de immense cheminée chevau- chant le navire. Et puis ce jour incroyable ou sont tombés sur la passerelle, juste devant mes pieds, ces poissons ailés. Ces ridicules aiguilles _—_d’ argent, écailleuses, qui se prenaient pour des oiseaux. Je me souviens encore ; leur cil, nacre vitreuse, qui me fixaient sans voir. Je pensais qu’ils essayaient de m/’ignorer, comme pour n’avoir pas, auprés de moi, a s'excuser de leur folle prétention. Je ne pouvais leur en vouloir. Moi-méme, j’en avais des caprices, de ceux qui agacent 1998 a wel PT ORT WT ET RT 2b les parents. Les poissons volants se tortillaient entre mes pieds chausséesde couleurs différentes. Je ne comprenais pas a |’époque (et je ne comprends toujours pas) qu’en dépit de l’existence de paires de chaussures si variées, il était bon ton de les porter dans le méme ton. En cachette, j’avais appris a2 me chausser seul. Dés que ma mére ait eu le dos tourné, je changeais aussit6t mon apparence. Ma préférence était d’assortir le brun clair au brun foncé. C’était discret et de bon gout. Je n’associais le noir verni et le blanc mat que pour les grandes occasions. Ce jour-la, j’étais d’humeur joyeuse, j’en avais un ocre jaune et l’autre brun rougeatre. L’exocet, vert sombre métallique et frétillant sur le plancher, complétait le tableau de la maniére la plus heureuse. Ce jour-la, je me souviens, j’ai décidé d’apprendre a voler. Cette volonté existentialiste - de ne pas me conformer aux modes en vigueur avait été le moteur de mon éducation. Pour cela, n’avais-je pas appris seul a mettre mes souliers ? Opération délicate si l’on prend conscience de l’existence d’un pied gauche, distinct du pied droit. Une observation attentive m/avait amené a reconnaitre les criteres permettant d’attribuer a chaque pied le soulier correspondant. Mais il restait un probleme apparemment insurmontable qui me faisait douter de devenir, un jour, un adulte a part entiére. C’était un grand _ secret, certainement trop lourd pour un enfant de mon age. Mais j’avais appris a le bien dissimuler. Or,