20 Le Soleil de Colombie, Vendredi 3 Mars 1978 Les roses de la nuit par Roger DUFRANE Le soir tiéde annoncait le printemps. J’en fis la remar- que a Francois: - Le. printemps? dit-il. Peut-étre. Mais méfie-toi. Aujourd’huile printemps, demain l’hiver. Rien de plus traitre que cette saison. Ici et 14 déambulaient, sur les cours du Campus, des étudiants en maraude. Nous sommes entrés dans le bati- ment du centre estudiantin. Tous phares allumés, il res- semblait 4 un paquebot noc- turne appareillant vers Vaventure. Celle de ce soir- la, pour nous, se déroulerait a Alger. J’aime la compagnie de Francois. Nous avons I’un et Vautre souscrit un abonne- ment pour six classiques du film francais des années trente et nous nous rejoi- gnons ici toutes les deux semaines. Nous avons déja vu la Kermesse héroique de Jacques Feyder et le Million de René Clair. Cette fois il s’agit de Pépé le Moko de Julien Duvivier, un mauvais garcon incarné par Jean Gabin, au milieu d’une distri- bution de choix: Mireille Ballin, Line Noro, Charpin, Saturnin Fabre, Gabriel Ga- brio, Dalio, le tout coupé d'une intervention émouvan- te de la chanteuse Fréhel. Ce film qui remonte a 1937, nous a enthousiasmé. La Casbah d’Alger, une cité secréte accrochée 4 la ville qui descend en gradins vers la mer. Une populace équi- voque et bariolée: des Ara- bes, des Espagnols, des Mal- tais, des Chinois, des Fran- cais en rupture de ban. Pépé le Moko, gangster exilé de France ot on le recherche, régne sur ce royaume inter- lope. Brutal et gouailleur, beau garcon et sentimental, il regrette Paris: Roche- chouart, la Chapelle, les rames du métro. Il rencontre une riche entretenue (Mireil- le Ballin), Parisienne comme lui, et s’éprend d’elle qui lui rappelle son Paname. Avide de rejoindre sa maitresse, il sort de son repaire et tombe aux mains de la police pour mourir en jetant un dernier criversle paquebot qui mugit en emportant son amour. Dans I’autobus du retour, Francois et moi, comme aux spectacles précédents, avons échangé nos impressions. - Les Américains, me dit- il, ont copié ce film dés 1938. Ils en ont acheté les droits et ont imposé au public, sous un autre titre, leur contrefa- con. Ce film, avec pour interprétes Charles Boyer et Hedy Lamarr, n’égale en rien l’original francais. “Al- giers” n’est qu'un film d’aventures. Pépé le Moko symbolise ]’Exil. Prisonnier de ses méfaits révolus, il ne peut plus sortir de lui-méme, ou, si tu veux, de la Casbah. Le jour ot ce mauvais gar- con veut se retremper dans le monde, il meurt. On peut méme dire qu'il meurt, a sa facon, pour la France. C’est son pays qu’il recherche lorsque, monté sur sa terras- se, ilcontemple les paque- bots en partance. C’est la France encore, ou plutét son Paris d’enfance, qu'il se re- mémore dans les bras de sa riche tigresse aux dents de perle. J’écoutais Francois et je reconnaissais qu’il s’agit d’un film remarquable. - J’aime le début, dis-je a mon tour. Les policiers se penchent sur le plan d’Alger ou se détache en grosses lettres l’emplacement de la Casbah. L’image des rues ‘enchevétrées s’approche, grandit, prend figure: mai- sons carrées, ruelles tor- tueuses, une vraie cour des miracles. J’aime comme toi ces vieux films: on y retrou- ve, sous d’autres costumes, les sentiments éternels de Vhumanité. Quels talents a la veille de la guerre! Mireille Ballin, séduite par Jean Gabin, plisse les yeux, les ferme, et cela dit tout. Nul besoin, comme aujourd’hui, de tout montrer. - Moi j'ai aimé la scéne ot la chanteuse Fréhel, qui tient le réle d’une vieille Marie-Galante, écoute sur un disque la voix de ses vingt ans, alors qu’elle pous- sait la romance dans les cabarets parisiens. Elle écoute, puis elle chante avec elle-méme, puis elle éclate en sanglots. Elle a gaché sa vie et regrette, comme jadis Frangois Villon, et hier Pépé le Moko, le temps de sa jeunesse folle. Quelle scéne! Dommage que je n’aie pu amener mon amie. Hélas lorsque je lui ai appris qu’il s’agissait d’une production de 1937, elle m’a jeté un bref “forget it!”’. N’empéche! J’aurais voulu la tenir prés de moi. Cela m’aurait permis de lui traduire les deux vers de Pierre de Ronsard qui résument ma philosophie. - De quoi s’agit-il? - Rappelle-toi, les vers que nous avons entendus |’autre jour dans la Kermesse héroi- que: Vivez, si m’en croyez, n’attendez 4 demain, Cueillez dés aujourd’hui les roses de la vie... Mon arrét approchait. “Bonsoir!” ai-je crié 4 Fran- cois. Et je me suis préci- pité dehors pour aller cueil- lir les roses de la nuit. Centre Culturel Colombien 795, 16iéme avenue ouest, Vancouver Cinéma pour enfants Samedi a 14h au thédtre Métro: | 1370, Marine Drive, S.0., Vancouver Entrée: $0.75 enfants $1.25 adultes I | 4 mars: Objectif lune (dessins animés, coul.) “Salut! je aime” En vedette Francine McGee Les mystéres de la traduction par Jean-Claude ARLUISON Ilest souvent maladroit de s’en tenir a une traduc- tion littérale. Un mot pitto- resque et sonore dans une langue peut avoir pour cor- vespondant un mot terne et banal dans une autre langue. Le film 4 suecés “Jaws” aurait été peu attirant en pays francophone sous le titre de ‘“Machoires’’. Le titre: “Les dents de la mer” fut instantanément populai- re. Pour des raisons de sono- rité et surtout dans la tra- duction de chansons, le tra- ducteur est souvent amené a s’éloigner du mot 4 mot; est ainsi que la chanson des Beattles “Yellow submari- ne” est devenue en francais “le sous-marin vert”. Est-ce par une délicate politesse a l’italienne que, dans les trains francais, on nous conseille: “é pericoloso sporgersi” (i] est dangereux de se pencher a la fenétre), alors qu’en francais, en an- glais et en allemand, on nous ordonne: “Défense de...” Les onomatopées posent aussi un probléme au tra- ducteur: les biscuits pour apéritif qui font “Crunch” en anglais, font “Crouche Crou- che” en francais. La traduction des inscrip- tions commerciales appor- tent parfois des surprises: sur des cartons d’emballage “Open with care” (ouvrez avec soin) avait été traduit var: “Ouvrez avec fierté”. (A suivre) a quand Jeu no9 pas réunis par hasard. famille. vient aux mots le francais, je le parle par ey! L’Annee du francais. Campagne de valorisa- tion de l'usage et de la qualité du francais. La parenté est arrivée. Les images qui Suivent correspondent a des mots qui ne sont Le jeu consiste a trouver ces mots et iden- tifier le chef de file ... ou le «pére de famille»! ~ lesprit C'est une réunion de 2730 e&ldie29g ; aT5 st hs 4 ' SV PEC 9