18 - Le Soleil de Colombie, vendredi 16 décembre 1988 Les Noéls d’autrefois Noél de la Parenté Noél est synonyme de traditions et lorsqu’il est question. de traditions, le Québec ne se fait pas attendre. Dans cette belle province du Canada ou il n’est de Noél sans neige, c’est avant tout la féte de laparenteé. Ils arrivent de partout ces enfants et petits enfants, ces «mon oncle» et ces «ma tante». Et la maison s’égaye de rires et de chants tout comme au bon vieux temps. Dans ce Dessin: E. Massicotte. pays de neige, Noél prend les couleurs cristallines del’hiver et cette féérie blanche n’a d’égale que la bonne humeur de ses habitants ainsi qu’en témoi- gnent les récits de H. Grignon. «Toute la famille de la maisonnée se trouvait comme dhabitude rassemblée pour participer, tous ensemble, a la féte du Réveillon de la nuit de Noél. On faisait méme au besoin une place a la table commune pour une connaissan- ce du voisinage qui, se voyant seule et un peu perdue a cette occasion s'amenait comme ca sans s'annoncer et a! 'improvis- te. Ce Survenant, inattendu, se joindrait lui aussi et sans tarder au joyeux groupe du grand- pere, de la grand-mére, des}: enfants déja mariés et revenus | en visite pour démontrer qu’ils continuaient assidiment cette magnifique lignée familiale, partie un jour d’a peu prés rien, mais qui refusait obstinément | de s éteindre dans | oubii. Pour cet insolite festin nocturne on peut vite deviner le robuste fumet des soupes aux pois et aux /égumes, des cretons, des tourtiéres chau- des, des ragoiits, des pattes de porc qui se succéderaient a un rythme généreux et accéléré. Sans oublier les ‘nombreux desserts toujours aguichants, quoique sans prétention, qu’on pourra difficilement refuser a l'aimable ménagére qui les aura préparés avec tant d’amoureuse diligence. Et cette étrange boustifaille en pleine nuit d‘hiver se déroulerait dans un Cadre de vieux meubles de fabrication purement domes- tique et paysanne. Les murs seraient garnis de la vieille horloge qu on faisait miraculeu- sement survivre d’une généra- tion a / autre, et du fusil de chasse démodé, a /a présence: symbolique, mais gardé néan- moins a la main au cas d'un vague besoin. Il y aurait également, accroché a la cloison, | 'inévitable mais mo- deste violon qui, comme dhabitude, servirait bientét a agrémenter la prochaine et bruyante veillée qui ne faisait tout juste que commencer et n'était pas prés de se terminem. Les Noéls d’autrefois étaient certe loin de se ressembler. Ainsi, il était: des Noéls bretons, des Noéls auvergnats, des Noéls d’Alsace et du Poitou et bien d’autres. Aujourd’hui éclipsées par la venue d’un Pére Noél international, les coutu- mes ancestrales tendent a disparaitre. Cette bonne féte de la créche, des santons et de l'arbre de Noél semble se transformer en course aux cadeaux. Le pauvre «Santa» déguisé une fois pour toute par la Compagnie «Coca-cola» a perdu a la fois et sa houppelande et son mystére. Depuis qu’il habite au Péle Nord, le voila mis a toutes les sauces commerciales. Mais ou sont les Noéls d’Antan? aurait chanté Brassens. Et le petit Frédéric Mistral de lui repondre du lointain passé: Voici comment cela se passait dans ma chére Provence. «TOUS NOUS nous mMettions a table. Oh! la sainte tablée, sainte réellement, avec, tout a l'entour, la famille complete, pacifique et heureuse. A la place du caleil, suspendu a un roseau, qui, dans le courant de l'année, nous éclairait de son lumignon; ce jour-la, sur la table, trois chandelles bril- laient; et si, parfois, la méche Mistral tournait devers quelqu’un, c’était de mauvais augure. A chaque bout, dans une assiette, verdoyait du blé en herbe, qu'on avait mis germer dans |’eau le jour de la Sainte-Barbe. Sur la triple nappe blanche, tour a tour apparaissaient les plats sacra- mentels : les escargots, qu’avec un long clou chacun tirait de la coquille; la morue frite et le muge aux olives, le cardon, le scolyme, le céleri ala poivrade, Suivis d'un tas de friandises réservées pour ce jour-la, comme fouaces a! ‘huile, raisins secs, nougat d’amandes, pom- mes de paradis; puis, au- dessus de tout, le grand pain calendal, que /’on n’entamait jamais qu’aprés en avoir donné, religieusement, un quart au premier pauvre qui passait». «Quand sen était fini du repas de la veillée, nous courions a l'église... Et dans |église pleine, dés notre entrée, | ‘orgue accompagnant le chant de tout le peuple entamait, lentement, puis déployait, formidable, le superbe Noél». Ce matin J’ai rencontré le train De trois grands rois qui allaient en voyage Ce matin J'ai rencontré le train De trois grands rois dessus le grand chemin. Nous autres, affolés, nous nous faufilions, entre les jupons des femmes, jusque a la chapelle de la Nativité, et /a, Suspendue sur |’autel, nous voyions la Belle Etoile! nous voyions les trois Rois Mages, en manteaux rouge, jaune et bleu, qui saluaient |’Enfant Jésus: le roi Gaspard avec sa cassette dor, le roi Melchior avec son encensoir et le roi Balthazar avec son vase de myrrhe! Nous admirions les charmants pages portant la queue de leurs manteaux trainants; puis, les chameaux bossus qui élevaient la téte sur |'ane et sur le boeuf; la Sainte Vierge et saint Joseph; puis, tout autour, sur une petite montagne en papier barbouillé, les bergers, les bergéres, qui apportaient des fouaces, des paniers d’oeufs, des langes; le meunier, chargé dun sac de farine; la bonne vieille qui filait; l’ébahi qui admirait; le gagne-petit qui rémoulait; I’hételier ahuri qui ouvrait sa fenétre, et, bref, tous les santons qui figurent a la Créche. Mais, c’était le Roi Maure que nous regardions le plus. (Extrait de «Frederic Mistral, mémoires et récits»). du Canada local. EMPLOYEURS Saviez-vous qu’Emploi et Immigration Canadaa mis au point un formulaire de relevé d'emploi (R.D.E.) nouveau et simplifié. — Mis en vigueur a partir du ler janvier 1989, les nouveaux réglements du R.D.E. rendront la compréhension et l'utilisation du formulaire plus facile pour les employeurs. — Il est impératif que les préposés a la paie comprennent ces réglements et s’assurent que leurs ordinateurs soient reprogrammés. — Pour une information complete a propos de la révision des R.D.E. et des réglements, contactez le spécialiste R.D.E. auprés de votre Centre d’Emploi WOH ririorton conse trmigroicn Conede \ Centre d’Emploi du Canada Canada Jacquou le Croquant Il était bien «petiot» le Jacquou lorsqu’il vit partir son pére aux galéres. Dés lors avec sa mere, il avait trimé aux travaux de la terre afin d’assurer leur maigre pitance. Jacquou était donc fils du Martissou, un pauvre paysan du Périgord. De part sanaissance, il appartenait aux «Croquants». Car, c’était bien ainsi que les Seigneurs du chateau de |’Herm appelaient avec arrogance les paysans de la Contrée. Maintenant qu’il était telle- ment vieux, le Jacquou passait la plupart de I’hiver au coin du feu. Dans la grande cheminée brdlait un tronc de chataignier. Les paupiéres mi-closes, le vieillard regardait monter les flammes dansantes entre les grands chenets noirs. Le vieux Jacquou revoyait-i| la nuit tragique de \l'incendie du chateau de L’Herm? Entendait-il les grondements de colére de la petite armée de paysans qui se _bénite, dirigeait vers le chateau des Seigneurs de Nansac? ou revoyait-il cette lumineuse soirée de Noél de I’an 1815 ot petit garcon encore il avait accompagné sa mére a lamesse de minuit... Quelle divine soirée! songeait le vieux Jacquou. «Que de /umiéres! Dans le choeur de la chapelle, le vieil autel de pierre en forme de tombeau en était garni, et voici quion achevait déclairer la créche de verdure faite dans une large embrasure de_ fenétre. Apres s étre signés avec de |’eau les gens __ allaient s agenouiller devant la créche et prier l‘enfant Jésus qu'on voyait couché dans une mangeoire sur de la paille ruisselante comme del or, entre un boeuf pensif et un ane tout poilu qui levait la téte pour attraper du foin a un petit ratelier. Que c’était beau! On aurait dit une croze ou grotte, toute garnie de mousse, de buis et de branches de sapin sentant bon. Dans la lumiére amortie par la verdure sombre, la sainte Vierge, en robe bleue, - était assise a cété de son nouveau-né, et, prés delle, saint Joseph debout, en manteau vert, semblait regarder tout ¢a dun oeil attendri. Un peu a distance, accompagnés de leurs chiens, les bergers agenouillés, un baton recourbé en crosse a2 la main, adoraient l'enfancon, tandis que, tout au fond, les trois rois mages, guidés par |étoile qui brillait suspendue a la vodte de branches, arrivaient avec leurs longues barbes, portant des présents...» «Je regardais gouliiment tou- tes ces jolies choses, avec les autres qui étaient 1a, écarquil- lant nos yeux’ a force. Mais il nous fallut bientét- sortir du choeur réservé aux messieurs, car la messe était sonnée». (Extrait de Jacquou le croquant par Eugéne Le Roy.) Arrival Travel Ltée Monique Dufour 566 Chemin Clarke Coquitlam 939-4466 La Librairie du soleil 90, rue Main- ‘