Page 8 L’APPEL Septembre 1968 UN CANADIEN ERRANT par Gaston Godbout %4 article VII (suite) Comme représentant de la marine dans plu- sieurs comités des trois services il fallait soute- nir le point de vue de la marine mais le cété francais de ma personnalité était loin de m’ai- der dans ces fonctions. On m/’acceptait bien mais il fallait souvent compromettre et acquies- cer méme Si certaines résolutions allaient 4 l’en- contre de mes convictions. L’impression était indéniable. Comme frangais on m’avait fait un honneur de représenter la marine, mais leurs yeux et leur attitude reflétaient: “Put up and shut up and we’ll get along.’’ “Merde” dit Cambronne 4 Waterloo lorsqu’il a succombé. “Merde’’ dis-je 4 ces comités sans vouloir suc- comber. Avec précision, clarté, concision j’énu- mérais ma logique, mes preuves, par écrit sur- tout, car je ne voulais plus étre “misquoted” comme ca m’était souvent arrivé. J’ai eu plu- sieurs succés épatants, j’ai obtenu souvent cette efficacité et la rapidité dont j’étais imbue par mon ascendance frangaise, mais choquant parfois rudement la lenteur et les compromis cotiteux des méthodes anglaises qui “skyrock- et’’ le budget de la défense pour tant d’inutili- tés. J’aurais des centaines d’histoires 4 racon- ter sur l’inefficacité de l’administration de services armés. Un Commodore qui sympatisait avec le réalisme que je croyais avoir me disait: “Gaston, nobody wants efficiency in the Armed Forces. This country of our is loaded with tax- payers. Why care? If you want promotion to the top don’t create things, don’t destroy things even for efficiency’s sake. Just sail a- long and learn to close your eyes. Just keep out of trouble and you can’t miss.’’ Il était trés gentil et sincére ce Commodore, il voulait mon bien et me donnait le meilleur conseil de ma carriére, conseil qui m’aurait sirement mené 4 un haut échelon de ma branche. J’avais le boeuf par les cornes. “If you can’t beat them join them and run a piece of it‘ comme vient aussi de m’écrire un amiral. “Chassez la nature, elle revient au galop’”’ selon le dicton. Cette lutte morale était plus forte que moi et mon entétement pour la vérité et Vefficacité gagna malheureusement le des- sus. A un certain comité par exemple un Group Captain de la RCAF voulait avoir un voyage gratuit en Australie avec quelques uns de nous, voyage purement diplomatique qui était possi- ble si on prenait l’excuse fausse d’échanges d’informations techniques parmi les forces du Commonwealth, excuse que le ministére aurait avalée si nous avions été d’accord. J’étais fortement contre ce projet que je trouvais cotiteux, inutile et malhonnéte. “After all, Canada is the most powerful country of the Commonwealth’’ dit-il avec assurance a la dizaine du comité. “Second Sir” murmurai-je avec détermination. “Canada is first” repliqua- t-il avee autorité. “Second Sir’’ répétai-je avec entétement. Avec hauteur et dignité britanni- que il questionna: “Which country is first then, Godbout?’? En me mordant la langue, je ré- pondis: “England Sir. The Commonwealth is a family of nations; nations that are equal in all respect. Do you really think that Canada is more powerful than England?” Pour luj le Commonwealth était formé d’un lot de colonies avec l’Angleterre au-dessus de la famille. Pour moi l’Angleterre n’était qu’un simple partenai- re, égal 4 notre pays. Voila la raison de son ar- gument et l’insistance de ma contradiction. Jus- que 1a j’avais di combattre comme catholique et comme frangais. J’avais dés lors une troisié- me personnalité, celle du canadien tout pur. Il n’alla pas en Australie. (Suite page 9) SES SIE ES, UNE HISTOIRE DE LA COLOMBIE ... (Suite de page 7) servé de 1953 4 1958. Cependant, il était le représentant du Conseil de la Vie Frangaise en Amérique, ce qui le placait dans 1’alternative de choisir entre deux factions principales ou d’étre objectif et conserver une attitude conci- liatrice envers tous. Puisque, avant tout, ¢’était la cause elle-méme qui comptait, c’est-a-dire ]’a- venir des Canadiens francais en Colombie Bri- tannique, il choisit de ne pas se poser en juge de qui avait raison ou tort et de représenter, le plus adéquatement possible, les points de vue qui s’énoneaient de part et d’autre. Placé dans une situation aussi difficile, un homme moins intégre et moins désintéressé que le Dr Beaudoing aurait été tenté de suivre le courant ou de démissionner. II ne fit nj ’un ni Vautre, dans l’espoir de pouvoir encore jouer un role de réconciliation. La bréche était trop profonde. Seules les années pouvaient faire comprendre aux divers acteurs du drame que le conflit avait été provoqué par le choe entre deux époques: celle ot la famille et la parois- se étaient les gardiennes fidéles des traditions et du folklore, et, celle de l’électronique, des grands média et de la mégapole, ot le milieu to- tal moule l’individu, la famille ainsi que la paroisse, sans respect pour aucune des valeurs hétérogénes. Le Dr Léon Beaudoing, né a St-Claude, Manitoba, avait eu toute sa formation dans Ouest. Il avait fait ses études classiques au Collége de St-Boniface puis complété sa méde- cine 4 l'Université du Manitoba. Il épousa Ma- rie-Anne Fournier, en 1929, et pratiqua la mé- decine & Ponteix, Saskatchewan, jusqu’d ce qu’il élise domicile 4 Maillardville, Colombie- Britannique, en 1950. En plus d’étre président de la Fédération, de 1953 4 1958, il fut Grand Chevalier au Conseil des Chevaliers de Colomb de Maillardville, puis Député de District. Il décédait, le 2 mars 1963, aprés deux mois de maladie et, 4 peine quatre mois aprés son dernier rapport 4 la Fédération en tant que représentant du Conseil de la Vie Francaise en Amérique. (& suivre)