a a : es tes mt cre tenetlineman ta PETIT POISSON DEVIENDRA RAND par Roger Dufrane smug imanche 29 octobre. Le soleil brille. ‘‘Que pensez- vous d’aller voir le saumon remonter les riviéres‘? ” Et nos amis nous parlent avec enthousiasme d’unparc pour le frai, aménagé depuis 1965 du cdté de Harrison Mills, pour le développement de la péche. En route, je pensais aux contradictions de notre na- ture. I] faut se nourrir. C’est pourquoi nous Otons la vie 4 tant de créatures, de poil, de Puis, plume, ou d’écaille. pour soulager notre conscience et réparer le dommage, nous parquons de telles créatures en des jar-: dins terrestres ou aquati- ques, ot nous veillons 4 leur reproduction. La randonnée. est agréable. Les collines chatoient de vert et d’or, évoluant avec allégresse vers l’inévitable : l’hiver gris et noir of nous allons tous. Nous atteignons un plateau. Dans un fond, un torrent cascade sur les pierres. Au- dessus tournoient quelques mouettes. Que cherchent ici ces oiseaux avides? Du sau- mon. Mais le saumon n’en a cure. Un dieu le posséde d’atteindre les manoirs mystérieux et liquides de sa naissance. Ici, un bond ar- genté troue les ondes d’une volte vigoureuse. Ailleurs un gros poisson marbré s’ approche de la rive, reprend un instant haleine entre les roseaux ; puis repart de plus belle. En octobre chaque année, des bancs de saumon re- viennent ici et passent des riviéres aux canaux en Zig- zag aménagés pour les rece- voir. Les canaux de Weaver Creek serpentent sur une distance de deux milles. Un courant continu y circule sur un fond clair de graviers et de cailloux ronds. Au bord, les levées de verdures sont plantées d’une double ligne de jeunes arbres destinés 4 protéger de leurs ombrages la frafcheur de 1’onde. A cette voie terminale ar- rivent les saumons tout contus. Ils viennent de 1!’ océan. Tout au long du par- cours, ils ont vécu sur leurs réserves. Ils se sont écor- chés aux roches et débris. de toutes sortes. Beaucoup ont péri en route ; et cer- tains perdent 4 tout jamais le souffle ici-méme, 4 deux bonds du paradis perdu. Ar- rivés A bon port, les plus heureux s’affairent 4 l’oeu- ~ vre future. Les ° femelles creusent un nid entre les pierres polies au fond du: canal. Elles y déposent des grappes d’oeufs roses, pa- reils A de grosses perles, que les males vont fécon- der. L’incubation dure tout Vhiver. En avril, fréles comme des sardines, les saumons voguent vers |’ aventure. Ils vont s’ébattre une année dans les eaux du Lac Harrison. Puis, gagnant Fraser River, ils se diri- gent vers l’océan. Lails mé- neront une vie large et libre, naviguant jusqu’aux rivages de 1’Alaska ou du Japon. Deux ans plus tard, ayant atteint une taille appréciable , ceux qui ont échappé aux flottil- les de péche rejoignent ri- viéres et lacs, nageant avec une inébranlable -volonté 4 contre-courant, pour re- venir frayer, puis mourir, sur les lieux de leur nais- sance. - Etonnant ! Extraordinaire ! Mais tout l’est dans la vie. N’est-il pas étonnant que les abeilles se construisent des appartements et les castors des barrages ? Que les pi- — -gonnant pour les premiéres ‘vants penchent leurs fronts geons retrouvent parmi les toits innombrables des vil- les leur pigeonnier?Et n’est- il pas étonnant l’astuce de l’-homme qui, pour satisfaire sa gourmandise, trompe les abeilles et les poissons, fa- des ruches 4 cadres mobi- les afin de récolter le miel; aménageant pour les seconds des canaux 4 lits de graviers pour la ponte? Lorsqu’il s’agit de sau- mons, créatures dont nous séparent des abfmes, il est émouvant au plus haut degré de voir l’effort de ces créa- tures, réputées d’un ordre inférieur, pour revenir mou- rir ot elles naquirent. Qui les dirige? Leur odorat oule regard des étoiles?Probléme irrésolu sur lequel les sa- 4 la fois vastes et bornés.'| Mourir avons-nous dit. Mais non sans avoir déposé des oeufs qui se mueront en ale- vins et ceux-ci en poissons qui continueront le cycle éternel. Aprés ce spectacle poi- gnant, nous sommes montés dans la montagne. Nous avons cOétoyé des gorges pro- fondes. Nous avons atteintla neige, et dans le gris et le blanc des sommets nous avons taté de l’hiver avant I’hiver. Redescendus dans une zone plus familiére, tournant en voiture aux pieds des montagnes rougies par le couchant, nous avons pen- sé que la nature, en sa per- pétuelle mouvance, offre un miroir magique 4 nos pen- sées et 4 nos réves. AU ARTS | ICLUB THEATRE par Ladislas Kardos Ihe Effect of Gamma Ray on Man-in-the-moon-Mari- gold -’? au Arts Club Theatre Le titre est long, mais cela ne doit pas vous décourager d’aller voir cette piéce, qui est triste, trés bien jouée et, dans quelques détails, pres- que amusante. Mais chaque fois qu’on rit, on en a un peu honte. ‘¢ Man-in-the-moon-mari- gold’’ est une fleur, exposée au rayon gamma (cobalt 66) qui subit de ce fait des mu- tations et un développement différent de la plante temoin, qui n’a pas été exposée 4 ces rayons. Au fond, le titre n’a pas grand chose 4 faire avec la piéce, si ce n’est que pour permettre de voir un rayon, non pas gamma mais d’espoir, qui se manifeste dans le coeur d’une pauvre petite fille. L’auteur, Paul Zindel, traite le sujet et les problémes humains avec maftrise, mais il le fait trop en noir et blanc. J’au- rais préferé que les mémes problémes soient présentés dans un cadre plus normal. Pour dire ce qu’il veut dire il faut A Zindel des extré- mes. Une mére, veuve et ivrogne qui hait le. monde, éléve ‘ses deux filles dans, un taudis, avec, pour gagner un peu d’argent, une vieille femme impotente comme pensionnaire. Une deses fil- les, Tillie est l’ange, douce, intelligente et tranquille , tandis que l’autre, le diable, est menteuse, méchante et sujette 4des crises d’épilep- sie. Pourtant c’est Ruth qui est la préférée de la mére. Tillie, dans son école et sous la direction de son pro- fesseur de sciences fait des expériences avec cette fleur, Marigold, et regoit le pre-— imier prix de physique au concours de l’école. C’est justement 4 ce moment-1a que la mére s’enivre de dé- sespoir, que la soeur a une rise d’épilepsie et que 1’ innocent lapin de Tillie est empoisonné par la mére, qui se venge ainsi du monde, de ses espoirs et réves décus, de la beauté de Ruth et de intelligence et la bonté de’ Tillie. ‘C’est l’histoire éternelle de la fleur qui pousse sur le fumier. Je crois que cette piéce est une autobiographie. L’auteur nous dit que le manuscrit de Marigold fut découvert par lui un matin 4 cdté de sa machine 4 écrire, quand il avait25 ans. Comme s’ilavait écrit enré- ve ou dans une transe in- consciente. Il a df étre élevé par une mére, un peu fo- folle, qui n’a pas réussi dans la vie et que l’auteur a cer- tainement quittée tout jeune, mais qu’il a retrouvée, bien des années plus tard, mou- rante. C’est A ce moment seulement qu’il découvre ‘fune mére’’, qu’il aime. Et c’est 4 ce moment qu’il com- prend la complexité du bien et du mal dans l’4me humai- ne,-les causes et les effets du comportement humain. La réussite de Zindel dans ‘¢Marigold’? est de démon- ‘trer ces problémes en les associant auxexpériences de cette jeune fille innocente ‘et nous faire comprendre par elle, que l’atome (quel beau, nom, dit Tillie) peut nous ap- porter des choses magnifi- ques dans l’avenir. C’est 1’ espoir que l’homme, un jour sortira de sa condition mi- sérable de copie inachevée de Dieu, de champs de ba- tailles entre le principe du bien et celui du mal et qu’il se libérera de cette existen- ce, dominée par lapeur dans une nature omnipotente et impr évisible. : Serait-il possible, que grace aux rayons gamma ou une autre découverte chimi- que, physique ou mathémati- que, nous trouvions un jour le moyen de vivre sans tuer? Peu importe que notre vic- time soit une carotte ou une salade, un boeuf ou un lapin, un protestant ou un catholi- que ou, tout simplement no- tre frére. C’est la peur d’étre tué qui nous fait tueur et nous ‘avons un grand besoin qu’ une Tillie nous rappelle de temps en temps que VESPOIR existe et qu’il ne faut pas le chercher sur les sommets, mais qu’il peut naftre dans les bas-fonds et sortir des taudis. Ceci dit, je voudrais rendre hommage au metteur en scéne Bill Millerd et aux acteurs. En particulier 4 Doris Chilcott qui joue la mére. Elle est excellente. Tillie, interprétée par Marti Maraden nous communique cet espoir d’une fagon tou- chante. Pia Chandel comme Ruth vit son rdle. On ren- contre des centaines de teen- agers comme Ruth un peu partout. Barbara Tremain, qui joue la vieille pension-} naire impotente et muette nous rappelle le passé, le contraste avec la jeunesse (Suite 4 la page 7) LE CADRAN > DES SONGES Recueil de poémes de Roger’ UFRANE est en vente 4 la ibrairie Bouquineur, 1141 rue Davie francaise Le} fe enn te eae ene aoe XII, LE SOLEIL, 24 NOVEMB RE 1972